Tunisie/ Discours du 13 août : Dessous, symboles et finalités !

Publié le Mercredi 16 Août 2017 à 13:54
Vue de la cérémonie du 13 août à Carthage.Les réformes sociétales ont ceci de particulier, qu’elles font entrer la société en transe…intellectuelle, idéologique, verbale, écrite... C’était le cas ces tout derniers jours, dans le débat public national, autour des annonces présidentielles déclinées le 13 août, sur l’égalité dans l’héritage et le mariage d’une Tunisienne avec un non-musulman.

Les avis ont été exprimés en cascade, par la controverse, l’opposition, l’éloge, la diatribe, l’esquive ou la neutralité  - et cela ne fait que commencer-, face à une majorité silencieuse qui regarde, pèse, sous-pèse, avec une tendance naturelle et instinctive qu’ont certains, mue par la prégnance du sentiment religieux, d’affronter la loi divine, et les versets coraniques à la teneur supposée de la loi positive en devenir.

Séduire l’électorat féminin

Sans avoir à juger les intentions, les positions exprimées par le chef de l’Etat à l’occasion de la fête de la femme, avait une fin électoraliste manifeste pour celui dont l’électorat féminin a grandement contribué à la victoire, et à celle de son parti à la présidentielle et aux législatives de 2014.

Eu égard de ce qui est advenu au sein de Nidaa Tounes et de son démembrement en plusieurs partis qui l’accusent de s’être éloigné de sa trajectoire moderniste et réformiste initiale, par son alliance "stratégique et redoutable" avec Ennahdha, le parti cherche à se dédouaner et à prouver sa fidélité à la ligne laïque et progressiste tracée par ses fondateurs, en s’attaquant à des sujets que l’on abordait jusque-là avec prudence et pudeur pour ne pas heurter la conscience collective.

Aussi, l’esprit du discours du 13 août 2017, répond-il à une revendication de longue date des femmes démocrates ; ces chantres du féminisme tunisien, pour lesquelles, il n’en est pas question de céder un iota dans le combat contre la supériorité de l’homme, à l’origine, à leurs yeux, de la discrimination à l’égard de la femme. Elles se sont battues pour cette cause, existentielle et consubstantielle à la philosophie féministe. Elles ont milité et subi des exactions corporelles et morales sous l’ancien régime pour avoir revendiqué libertés et droits des femmes, en prime l’amendement du droit successoral dans le sens d’une égalité totale homme/ femme.

Ces féministes invétérées se sentent comme à l’orée d’un triomphe idéologique contre  des idées et des textes qu’elles jugent régressifs et d’un autre temps. Celles qui prônent une totale sécularisation de la société, et qui se démènent à faire valoir le profane sur le religieux, ne semblent pas, néanmoins, tout à fait en phase avec une société qui conjugue, avec grande aisance, modernité et identité, et qui abhorre les extrêmes et les jusqu’au-boutismes de quelque bords que ce soit. 

Quid des projets de réforme annoncés dimanche dernier, ont-ils une chance de se transformer en textes de loi en bonne et due forme ?

Pour le mariage d’une Tunisienne avec un non-musulman, la porte-parole de la présidence, ancienne femme démocrate, Saïda Garrach, promet une révision rapide de la circulaire de 1973, et une application toute aussi prompte des nouvelles dispositions.

Jusque-là, nombreuses sont les jeune filles tunisiennes qui choisissent de convoler en justes noces avec un conjoint non-musulman, par conviction, ou du fait de la crise qui secoue le marché matrimonial local. Avant de se faire passer la bague au doigt, la fille doit emmener son futur époux devant Samahat al-mufti pour proclamer sa conversion à l’islam, en prononçant la chahada (la profession de foi), et en récitant la fatiha et une sourate sans quoi le contrat de mariage ne pourra être conclu. Une formalité pour une majorité de couples mixtes qui ne serait plus nécessaire dans la nouvelle réglementation en vue.

Quant à l’égalité dans l’héritage, la réforme ne sera pas aussi simple, et se limiterait, selon toute vraisemblance, à des exceptions en harmonie avec le dispositif religieux. Le texte coranique est tellement clair, et détaillé là-dessus qu’il sera difficile à la loi des hommes d’être aussi parfaite et aussi pointilleuse que la loi d’Allah, et de gagner l’adhésion générale.
Gnet