Tunisie/ Crimes financiers : "La loi est là, il faut sévir"

Publié le Mardi 05 Avril 2016 à 17:14
Vue de la conférence
«Les crimes financiers représentent un véritable danger pour toute l’économie, et notamment pour le secteur formel et organisé. Il massacre l’intégrité et les  fondements du système, et constitue surtout la base du terrorisme », a indiqué ce mardi 05 avril Faycel Derbel, expert comptable et porte parole de l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, lors de la conférence organisée par l’Union Internationale des banquiers arabes, l’Association Professionnelle tunisienne des Banques et des Etablissements financiers. Une conférence qui a porté sur la mise en œuvre des normes internationales contre les crimes financiers. 

Il a ajouté que les ingrédients de la criminalité financière « sont existants, fréquents et nombreux", a-t-il dit citant comme exemple le  commerce parallèle et informel et le peu de contrôle appliqué aux transactions financières. « Mieux encore, nous avons des textes, des organismes, des dispositifs mais en réalité le fonctionnement de ces organismes et de ces textes souffrent de lacunes », a dit Derbel, pointant du doigt un manque de volonté politique.

Selon lui, les organismes mis en place pour lutter contre la criminalité financière, ne seraient pas en train de mener à bien leur rôle. « Il semblerait que cette question ne requiert pas la priorité nécessaire. En plus, les institutions en question sont encore dans un état embryonnaire. Elles n’ont pas encore l’expérience nécessaire, ni les moyens nécessaires pour mener à bien leur mission», a-t-il souligné, avant d’ajouter que le seul moyen de réaliser «un décollage économique », de gagner la confiance des investisseurs et d’éradiquer la fraude fiscale,  « est d’éradiquer la malversation des dirigeants, les détournements de fonds, le blanchiment d’argent».
 
Il estime que les moyens efficaces à même de lutter contre ces crimes existent, à l’instar de la loi organique d’août 2015 qu’il qualifie d’efficace « mais lorsque par oubli, ou par négligence, les textes d’application ne sont publiés que plusieurs mois plus tard, c’est qu’il y a un hic, alors qu’il faut sévir ! », a-t-il martelé. 
 
Cette conférence qui coïncide avec les récentes révélations fracassantes du Panama Papers accusant d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent plusieurs personnalités à travers le monde, a été l’occasion d’interroger le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie sur le volet tunisien de ce scandale.
 
Chedly Ayari a commenté l’affaire, en indiquant qu’au sujet des éventuels Tunisiens qui seraient impliqué dans des affaires d’évasion fiscale, « un code de change et un code de douane sont clairs, aussi d’autres lois qui permettent de poursuivre les contrevenants », a-t-il dit. Il a ajouté que les personnes n’ayant pas d’entreprises d’importation ou d’exportation et qui dépassaient le montant légal de l’allocation touristique transféré à l’étranger, sont considérées comme hors la loi. « La problématique c’est que localiser ces fonds à l’étranger est difficile. Les produits changent. Parfois on n’en trouve aucune trace. Il ne s’agit pas de billets de banques empilés ou de propriétés, mais de produits digitaux comme le bitcoin », a-t-il précisé. 

Système de prévention
Les crimes financiers connaissent « une évolution dangereuse », de part les moyens et outils qu’utilisent les criminels. «Ces crimes mettent en péril la réputation des établissements financiers, et il est important de prendre les dispositions nécessaires en mettant en place un système de prévention  qui permet de réintégrer l’argent du secteur informel dans le secteur légal », a dit le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Il a rappelé lors de son allocution les dispositions de la loi de lutte contre le crime de blanchiment d’argent du mois d’août 2015.

Ancien président de la commission du recouvrement des biens mal acquis, Chedly Ayari a indiqué qu’il était difficile d’évaluer avec précision le volume de ces biens : «Car les actifs changeaient constamment. L’argent devenait biens immobiliers ou actions… il faut que notre système d’information soit à la pointe de la technologie pour parvenir à mener ce travail », a-t-il dit. 
 
Halte à l'impunité
Ahmed Al Karam, président de l’APTBEF, a déclaré que la Tunisie accueillait en son sein, « un très grand marché parallèle qui représentait une aire pour tous ceux qui désirent commettre un crime financier ou autre, et que de grandes coupures de banques circulaient en dehors du système bancaire », a-t-il dit, avant d’appeler à mettre fin à cette impunité en rendant difficile le crime financier. 
 
«Le législateur, les banques, les politiciens doivent tous plancher sur la question. Notre rôle en tant que banques est de participer de manière efficace à cette lutte », a-t-il souligné.  
 
Wissam Fattouh, secrétaire général de l’Union Mondiale des Banquiers Arabes, a déclaré pour sa part que la lutte contre la criminalité ne venait pas seulement de l’application des lois, mais aussi du développement économique et social. « Les chiffres du chômage qui sévit dans le monde arabe  sont très élevés. 25 millions de personnes sont au chômage dont la moyenne d’âge ne dépasse pas les 30 ans. Huit millions de jeunes âgés entre 8 ans et 24 ans, n’ont pas connu l’école. Ils n’ont aucune culture et donc aujourd’hui la question est de financer les petits projets, créer de l’emploi tout en respectant les lois internationales au niveau des banques. Lutter contre ces crimes doit commencer par hisser le niveau de vie de nos sociétés », a-t-il dit.
Chiraz Kefi 


 
 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie/ Crimes financiers :
Ecrit par Montygolikely     11-04-2016 10:57
Il faut "sévir", il faut "traquer", il faut "éliminer", etc..
A les entendre, on dirai qu'il veulent attaquer les puissantes mafias financières ainsi que les contrebandiers en tous genre avec des pistolets à eau...
 
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