Tunisie/ Constitution : Le Désaveu du président à son fils sauve la démocratie !

Publié le Mardi 21 Mars 2017 à 17:44
Caïd Essebsi senior recadre Caïd Essebsi junior. Béji Caïd Essebsi ne s’est pas montré favorable, lundi 20 Mars, jour du 61ème anniversaire de l’indépendance, à l’amendement de la constitution. "Je n’encourage personne, actuellement, à modifier la constitution", a-t-il affirmé hier soir dans une interview à al-Wataniya. Le père désavoue ainsi le fils ayant récemment pressé son parti, Nidaa Tounes, de présenter une initiative législative au parlement, en vue de modifier le régime politique. Lors d’une réunion à huis clos, dont la teneur a été fuitée, HCE a mis en garde contre le régime politique mixte inscrit dans la nouvelle loi fondamentale, dont le maintien mènera, à ses yeux, son parti à sa perte. 

La constitution tunisienne, promulguée le 27 janvier 2014, a trois ans d’âge. Elle est de naissance récente, fait à peine ses premiers pas sur le terrain de l’expérimentation, et son champ d’application, vaste selon le texte, est encore limité au niveau du contexte.

La constitution de 2014, la deuxième dans l’histoire de la Tunisie indépendante, rompt avec la constitution du 1er juin 1959, même si celle-ci n’est pas, de l’avis des experts et constitutionnalistes, défaillante dans son essence, et sa teneur mais dans la manière dont ses dispositions ont été traduites dans les faits, et du peu de cas que l’ancien régime en faisait, en la modifiant à sa guise, autant que fois qu’il le jugeait nécessaire, pour annihiler ses véritables opposants, et les écarter de son chemin.

La constitution de 2014 symbolise la rupture, le passage de la 1ère à la 2ème république, consacre la séparation entre les pouvoirs et prévoit l’avènement d’institutions pérennes, dont le fonctionnement devrait être régi par les règles de transparence et de rigueur. Comme dans toute loi fondamentale, le régime politique, en est l’un des piliers cardinaux. Le nôtre est dit mixte, mi-présidentiel, mi-parlementaire. Il tient, succintement, au fait que le chef du gouvernement soit issu de la majorité parlementaire, et devrait ainsi être le véritable chef de l’exécutif, un pouvoir qu’il partage avec le président de la république, que la constitution a pourvu de prérogatives non-négligeables.

Choisi après d’inlassables tiraillements et un long débat, le régime politique qui avait, lors de sa discussion, suscité moult réserves et craintes, n’est pas respecté au pied de la lettre, dans la manière où il est actuellement exercé, par le locataire de Carthage et celui de la Kasbah, pour des raisons, nombreuses et évidentes, qui tiennent principalement au charisme, à l’expérience et au fait que le président ait été élu au suffrage universel direct, et aux circonstances de la nomination du chef du gouvernement proposé et adoubé par le chef de l’Etat.

Les accommodements pris avec le régime politique, lors du passage de la théorie à la pratique, tiennent-ils aussi à la faiblesse des partis politiques, et au morcellement du paysage parlementaire, qui reste dominé par une seule force jusque-là soudée, Ennahdha, face à des entités fragiles qui se font et se défont au fil des jours, sans perspective de stabilisation claire. 

Si, à cette fragilité intrinsèque de la scène politique tunisienne, équivaut une certaine malléabilité de la loi fondamentale, à même d’être modifiée, amendée et taillée sur mesure  par le parti vainqueur des élections, on aura renoué avec les pratiques d’antan, ce qui risquerait d’étouffer dans l’œuf l’idéal démocratique naissant. La constitution ne vaut, indéniablement, que par sa pérennité et sa résistance au changement de la majorité au pouvoir, sans cela, elle ne pourra pas être un garant de fonctionnement démocratique sain et viable.

Les exemples dans les démocraties anciennes fusent quant à la sacralité et la durabilité de la constitution. Celle américaine est séculaire, date de 1787 et est encore respectée et appliquée, telle qu’elle a été pensée par les pères fondateurs. La constitution française date d’octobre 1958 et régit la cinquième république initiée par le Général De Gaulle, qui prévoit un régime semi-présidentiel. Là aussi, certaines dérives sont constatées en pratique avec un président, s’appuyant généralement sur une majorité à l’Assemblée nationale,  qui concentre tous les pouvoirs, réduisant le Premier ministre à un simple collaborateur. Chose qui fait poser dans l’actuel débat à la présidentielle d’Avril-Mai prochain, l’idée de passer à la sixième république, comme le préconise, le candidat d’extrême-gauche Jean-Luc Mélenchon. Le but est d’abolir, dit-il, la monarchie présidentielle, à travers l’élection d’une assemblée constituante qui sera amenée à rédiger une nouvelle constitution.

Une idée qui n’est pas partagée par les autres prétendants à l’Elysée qui considèrent que le problème n’est pas dans la cinquième république, mais tient aux failles et dérives de son fonctionnement. Le mieux serait, à leurs yeux, de la faire fonctionner convenablement. C’est dire que dans les démocraties traditionnelles, on ne change pas de régime politique, et encore moins de constitution, comme on change de position, de bord politique ou de majorité. Si c’était le cas, la démocratie aurait disparu depuis bien longtemps dans le monde, car elle serait dénuée de règles et de fondements dont sont tributaires sa consécration et son ancrage.

H.J.

 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie/ Constitution : Le Désaveu du président à son fils sauve la démocratie !
Ecrit par Agatacriztiz     21-03-2017 19:27
La meilleure Constitution, c'est celle écrite et appliquée dans un esprit d'honnêteté intellectuelle...
Toutes les contorsions faites pour l'interpreter à son avantage relèvent d'une mauvaise foi puante...
 
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