Tunisie/ CSM : Les juges exigent plus d'indépendance

Publié le Lundi 16 Mars 2015 à 17:17
Vue de la conférenceAhmed Rahmouni, président de l’Observatoire Tunisien de l’Indépendance de la Magistrature, a expliqué ce lundi lors d’une conférence de presse, que le projet de loi portant création du Conseil supérieur de la Magistrature, était jusqu’à ce jour au centre d’une polémique alors qu’il est aujourd’hui même discuté au sein de l’Assemblée des Représentants du peuple (ARP).

Selon lui, la problématique réside dans le choix du ministère de la Justice et du gouvernement de « ne pas opter pour un texte consensuel, mais plutôt imposer celui qui existait déjà», selon ses dires. La commission technique créée a été ignorée, a-t-il ajouté,  et le ministre de la Justice a déclaré que le projet de loi a été amendé, « ce qui laisse entendre que les réserves émises à son sujet ont été ignorées », selon Rahmouni.

Les magistrats contestent que le Conseil Supérieur de la Magistrature soit éloigné des tribunaux, que l’indépendance financière et administrative du Conseil ne soient pas mises en relief, ainsi que la non-reconnaissance d’une autoritaire judiciaire à ce sujet.

«L’indépendance de la Justice est tributaire de certains principes, comme la non obéissance au principe de révocation des juges, conformément à l’article 107 de la constitution qui interdit la mutation d’un juge contre son gré, sauf à certaines conditions. Dans le projet de loi, ces conditions sont devenues des contraintes qui poussent vers la mutation. En cas de création de nouvelles Chambres, de nouveaux tribunaux, en cas d’un important volume de travail, le juge peut être muté, et ce quelle que soit son ancienneté », a expliqué le président de L’OTIM, dénonçant une tentative « de vider l’indépendance de la justice de toute sa substance ».

Au sujet du conflit qui oppose les magistrats aux avocats, Rahmouni a déclaré « ne pas pouvoir imaginer un Conseil supérieur de la Magistrature sans avocats », mais que le problème résidait notamment dans le fait de trouver une place aux Instances afférentes aux avocats.

Ce différend serait la résultante de « l’absence d’une formation commune aux juges et avocats, à un manque de rapprochement et à un manque de communication,  auquel on peut remédier en instaurant une déontologie commune, enseignée aux deux corps de métier », a-t-il dit.

A l’issue d’une conférence réunissant juges et avocats, organisée en février 2014, l’OTIM avait élaboré un nombre de propositions pour dissiper les tensions entre les deux parties. Parmi ces propositions figure la création d’une commission de médiation et de consensus composée de juges et d’avocats dans le but de rapprocher les points de vue et trouver des solutions.

Par ailleurs, l’Observatoire a étudié la question du projet de loi portant création du Conseil Supérieur de la Magistrature, et a émis à son sujet un nombre de propositions et de commentaires. L’Observatoire estime que le délai accordé à la création du conseil, qui est de deux mois et demi tel que stipulé dans les dispositions transitoires, est très court, et insuffisant.

Ce projet devrait passer par un conseil ministériel, ensuite par la commission législative au sein de l’ARP, puis sera débattu en plénière, «sans compter le temps nécessaire à la composition de la commission, élire ses institutions, et nommer ses membres », indique l’Observatoire.

L’observatoire critique le gouvernement qui a qualifié le projet de loi d’équilibré, « avant de l’avoir exposé aux différentes parties concernées et avant qu’il ne soit discuté par les plus larges structures des magistrats ».

Rahmouni appelle le gouvernement à ne pas aller vers l’adoption du projet de loi, « pas avant qu’il n’y ait une large consultation à son sujet », a-t-il dit, tout en se conformant aux dispositions transitoires qui préconisent que l’Instance provisoire chapeaute la justice jusqu’à ce que le conseil supérieur de la Magistrature soit formé.

Il insiste dans ses recommandations sur l’indépendance de la justice, et sur le fait d’accorder aux juges militaires les mêmes droits que toutes les autres catégories de juges, tout en annulant le Conseil de la justice militaire. L’Observatoire plaide pour que l’évolution de carrière des juges militaires soit du ressort du Conseil Supérieur de la Magistrature et non du ministère de la Justice.
Chiraz Kefi

 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie/ CSM : Les juges exigent plus d'indépendance
Ecrit par Houcine     17-03-2015 13:36
Les magistrats sont des fonctionnaires qui exercent une des fonctions régaliennes de l'Etat, sinon la première, dire la loi. Leur indépendance est souvent une fiction que certains ont tenté de contourner en imaginant "la séparation des pouvoirs" dont le sort dépend de la probité et de la capacité de chacun à incarner en responsabilité sa fonction et du dispositif mis en place pour rendre la justice.
Un conseil supérieur de la magistrature peut n'ètre qu'un relais du pouvoir législatif d'Etat sans autonomie; tout comme une magistrature composée d'hommes et de femmes ayant une conscience démocratique rendrait des jugements équitables et respectueux des droits des gens quels que fussent leurs statuts ou extractions sociales.
Lorsque l'esprit démocratique servira de guide et de référence, toutes les instances déploieront chacune sa puissance sans qu'il soit besoin de "gardiens" pour les controler. Chaque citoyen en serait le bénéficiaire et, en mème temps, le garant.
 
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