Tunisie/ Condition de la femme : les trois principaux paradoxes

Publié le Mardi 12 Août 2014 à 13:38
Il y a 58 ans de cela, le 13 août 1956, à peine quelques mois après l’indépendance, Habib Bourguiba promulgua le Code de Statut personnel. Un document juridique révolutionnaire ayant affranchi la femme du statut de sujet subordonné à l’homme, et l’ayant mise sur la voie de l’égalité en droits et en devoirs avec son partenaire masculin, avec notamment l’abolition de la polygamie, la fin de la répudiation, l’institution du divorce judiciaire, ainsi que du consentement mutuel au mariage.

Le rituel du 13 août permet, chaque année, de s’attarder sur le chemin parcouru par la femme tunisienne tout au long de ces longues décennies. Son statut avant-gardiste et enviable est salué par tous. La femme a su gravir les échelons du savoir, cumuler les connaissances et les sciences, conquérir différents champs d’activités, en tendant toujours vers la distinction et l’excellence.

Femmes citadines.   Femmes rurales.

La femme doit son émancipation à un arsenal législatif pionnier qui l’a confirmée dans ses droits et libertés basiques. C’était la clef de sa progression et son succès. Ce dispositif s’est notablement consolidé après la révolution, à travers les nouveaux acquis introduits dans la constitution, portant notamment sur l’égalité homme/Femme, et la parité dans les conseils élus.

"Les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi, sans discrimination aucune", stipule l’article 20. L’article 45 dispose que "l’Etat garantit l’égalité des chances entre l’homme et la femme en matière de prise des différentes responsabilités dans l’ensemble des secteurs".

La femme franchit ainsi un pas considérable sur la voie de la consécration de ses droits, ce qui la prédestine à une plus grande présence dans la vie active et dans l’action politique et associative.

 La condition privilégiée des femmes revêt néanmoins trois principaux paradoxes.

Le premier tient à la mentalité masculine qui n’est pas encore en phase avec la condition actuelle de la femme. Un exemple répandu dans notre société : La gestion et la responsabilité du ménage repose, en majorité, sur les épaules de la femme, qui est tenue de concilier, aux dépens de sa santé et de son bien être personnel, entre tâches ménagères et activités professionnelles. Sur ce registre, les principes de complémentarité et de partage sont quasi-absents, et l’égoïsme masculin est dominant, hormis des exceptions qui ne font pas la règle.

Le deuxième tient à l’inadéquation entre la théorie, traduite par l’arsenal législatif pionnier, et la pratique encore anachronique, illustrée par le vécu des femmes. Peu sensibilisées, et méconnaissant la teneur de la loi, les femmes ont du mal à faire valoir leurs droits, notamment en cas de divorce. Celles qui n’ont pas d’activité rémunérée, ayant été dans une  situation de dépendance financière de leur ex-époux, voient leur situation, et celles de leurs enfants, se dégrader grandement.

Le troisième paradoxe, tient à la promotion à double vitesse de la condition féminine entre femme citadine et femme rurale. Cette dernière mène une vie difficile dans un milieu austère, privé de toutes les commodités. C’est la femme agricultrice, bergère, artisane…celle qui franchit des kilomètres et des kilomètres pour ramener l’eau, et le bois, celle qui a plusieurs bouches à nourrir, celle qui a vu son droit à l’éducation bafoué, celle qui souffre de la précarité, et du dénuement. Dans l’arrière pays, le calvaire des femmes se transmet de génération en génération, et de mère en fille. Ce n’est pas que la femme citadine n’a pas de difficultés, elle en à la pèle. Ce qui la privilégie de sa congénère rurale, est qu’elle jouit de toutes les commodités, et de beaucoup plus de chances en termes d’accès à l’éducation, au savoir et au travail, sources d’épanouissement, d’autonomie et d’accomplissement de soi.

Moralité de l’histoire, un long chemin reste à parcourir pour mettre en adéquation le texte et le contexte. Une révolution est à aussi mener dans les esprits, pour améliorer la condition de la femme, promouvoir son éducation et sa participation, selon le principe du mérite, à toutes les sphères de la vie active, dans le but d’atteindre l’équilibre au sein de la famille et de la société. Le tout est que les rapports entre hommes et femmes procèdent du partage effectif et de la coresponsabilité, et non de l’inimité et de la rivalité, totalement contre-nature.
H.J.


 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie/ Condition de la femme : les trois principaux paradoxes
Ecrit par Montygolikely     12-08-2014 17:53
Le paradoxe c'est que, souvent, quelques kilomètres seulement séparent la "citadine" de la "rurale".
 
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