Tunisie/ Code électoral : Pourquoi les recours ont-il été rejetés ?

Publié le Mardi 27 Mai 2014 à 17:20
Vue de la conférenceL’Association Tunisienne du droit constitutionnel a organisé aujourd’hui à Tunis, une conférence pour la lecture des rejets de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois,  des recours concernant les la loi électorale.

Salsabil Klibi, professeur de droit, spécialiste en droit constitutionnel a déclaré que la bataille pour les droits et libertés n’a pas été achevée avec la parution de la constitution : «Car à mon sens la rédaction de la constitution n’est pas encore finie…l’élaboration de la constitution est une opération qui se poursuivra toujours », a-t-elle dit, lors de cette rencontre.

Le recours autour de l’article 34 concernant la question de la parité, représente une question importante selon elle, déclarant que la position de l’Instance présentait une faiblesse de l’obligation de motivation : « L’instance n’a pas estimé nécessaire de motiver certaines de ses décisions de rejet…concernant le principe de parité, l’instance a provoqué une frustration, en n’émettant aucune explication. Elle a répondu au texte de recours qui était de 4 pages, par un texte d’une page », a-t-elle dit, expliquant que l’Instance a justifié son refus par « la présence d’une parité verticale qui n’empêchait pas une parité horizontale, en cas de nécessité ».

La professeure de droit s’est interrogée sur la nature de «la nécessité», auquel faisait allusion l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des lois, déplorant que celle-ci n’ait pas pris la peine d’expliquer cette notion.

Par ailleurs, la partie ayant déposé le recours a bien expliqué, selon elle, que la parité verticale existait bien dans la loi électorale, « mais ceci n’est en aucun cas, le sujet de son recours», a-t-elle dit.

Selon Salsabil Kelibi, le principe de droits et libertés, exige que l’Etat intervienne pour les garantir.  Mais face au rejet de tous les recours déposés auprès de l’Instance, Salsabil Kelibi a exprimé ce matin son espoir « de ne jamais considérer, un jour, l’instance provisoire comme étant une expérience sérieuse, ou assimilable à un tribunal constitutionnel », selon ses dires.

Chawki Gaddes, a pour sa part, critiqué l’article excluant les militaires et agents de la police du droit au vote. « Pourtant le premier droit qui caractérise un citoyen, c’est le droit au vote. D’ailleurs la constitution précise que ce droit est garanti pour tous les citoyens. C’est ce que rappelle le recours déposé à ce sujet », a-t-il dit.

Dans 90% des constitutions comparées, les policiers et les militaires ont le droit de voter, selon Gaddes. Ils représentent en Tunisie, environ 120 000 individus. La constitution stipule par ailleurs dans les articles 18 et 19, que ces fonctionnaires de l’Etat se doivent de respecter l’obligation de neutralité. Un argument sur lequel s’est basée l’instance provisoire pour rejeter le recours.

Selon la loi, les recours étaient ouverts pendant une semaine, à partir de la date d’adoption du projet de loi électorale (1er mai).  « Deux recours ont été déposés le 7 mai et les trois autres le 8 mai. Donc dans les temps. L’instance possède un délai de 10 jours pour statuer au sujet des recours. Donc d’après la loi,  les décisions auraient dû être prononcées le 18 mai. Mais elles ont été rendues publiques le 19 mai, soit avec un jour de retard. Par ailleurs, les décisions devaient être publiées au JORT, 8 jours après. Ce qui nous amène au 26 mai. Mais ça s’est fait avec un jour de retard », a expliqué Gaddes, ajoutant que l’Instance provisoire n’a pas usé de son droit de prolonger le délai de statuer, comme le lui permet la loi, en préférant prononcer le rejet, au lieu de prendre plus de temps.

Concernant la composition de l’Instance provisoire,  Gaddès estime que le nombre pair de ses membres, représente un obstacle au vote. « Dans les autres instances analogues à travers le monde, quand on arrive à un nombre de vote égal dans les deux camps, la voix du président compte double pour dépasser le blocage. Mais dans la constitution ceci n’est pas mentionné, ni pour l’instance provisoire, ni pour la Cour constitutionnelle qui sera formée dans l’avenir », a dit Chawki Guaddes.

Les trois autres recours qui ont été présentés à l’Instance provisoire concernent le découpage des circonscriptions électorales, la caution des candidats aux présidentielles, et le contentieux relatif aux listes des électeurs.

Le texte de loi du code électoral a été transmis hier lundi au Président de la République pour être promulgué.

Chiraz Kefi