Tunisie/ Coalition : On les croit ensemble, mais leurs cœurs sont dispersés

Publié le Lundi 11 Avril 2016 à 17:35
Si sous d’autres cieux le décryptage de l’humeur et des fluctuations politiques sont du moins l’apanage d’une poignée d’initiés, sinon explicitées par les crédibles instituts de sondage, et les fines analyses des politologues et  autres commentateurs, chez nous, pas besoin de tout ça, il suffit d’écouter les déclarations des hommes politiques de différents bords, pour comprendre vers quelle direction tourne le vent. Et là, les choses ne paraissent pas au top, et la coalition gouvernementale semble avoir du mal à fonctionner, malgré les sourires affichés lors des successives réunions de la coordination des partis la composant.

Selon Afek Tounes, la situation politique n’est pas bonne. Son président Yassine Brahim l’a affirmé hier, dimanche 10 avril, en marge du conseil national du parti, pressant les forces centristes à se ressaisir et à commencer à se préparer aux municipales. Selon ses dires, il y a une force qui est mieux préparée que les autres à cette échéance électorale, et est en train de travailler sur le terrain, en l’occurrence Ennahdha.

Cette déclaration révèle l’atmosphère de méfiance qui règne au sein de la coalition gouvernementale, où l’on croit ses membres ensemble, mais leurs cœurs sont dispersés. Afek perçoit Ennahdha comme un allié gênant et redoutable, et semble craindre que le mouvement ne reprenne le dessus aux municipales pour confirmer son leadership politique, qu’il a rapidement retrouvé dans la foulée de la déconfiture de Nidaa Tounes, après l’avoir perdu dans les urnes.

Climat de suspicion
L’immobilisme qui caractérise à ce stade la coalition gouvernementale, trouve son origine dans ce climat de suspicion, et de bouleversements politiques qui tournent à ce stade, à l’avantage d’Ennahdha, mais pas du pays.

Le gouvernement de coalition investi en février 2015, et largement remanié en janvier 2016 peine à prouver son efficacité dans des actions concrètes. La période d’une année demandée par Habib Essid à la population, avant de demander des comptes à son gouvernement est largement dépassée, sans que les résultats ne soient au rendez-vous.

L’équipe gouvernementale en particulier, et la scène politique en général donnent cette impression de tourner en rond, car qu’on le veuille ou non, il n’y a pas de véritable pilote dans l’avion. Avec un pouvoir exécutif  bicéphale, un parlement avec une nouvelle majorité, et une coalition hétéroclite, les pouvoirs sont effrités et tout le monde ne regarde pas dans la même direction.

Ce lundi même, le président de la république et le chef du comité politique de Nidaa Tounes, Ridha Belhaj, ont évoqué le soutien de la coalition au pouvoir à l’action gouvernementale et parlementaire en vue d’accélérer la cadence des réformes économiques et sociales. Cela semble être une réponse au mécontentement exprimé hier par Afek envers la prestation gouvernementale.

Le mouvement Ennahdha a, quant à lui, tenu le week-end son conseil de la Choura, et n’a pas prononcé mot sur la coalition gouvernementale. Le mouvement islamiste a plutôt focalisé l’intérêt sur son dixième congrès, à l’issue duquel il ambitionne de sortir renforcé et régénéré ainsi que sur la situation en Libye, en se félicitant des évolutions politiques survenues.

Les partis de la coalition gouvernementale ne sont pas sur la même longueur d’onde, et adoptent différents modes de fonctionnement. Certains préfèrent commencer la campagne des municipales bruyamment, d’autres s’y préparent en silence, et d’autres encore cherchent à se relever après l’implosion.

Dans un tel embrouillamini, les grandes réformes aux contours vagues, dont on glose tant, tarderont à poindre à l’horizon. Quant au paysage politique, tout porte à croire qu’il connaîtra dans l’avenir un énième et profond changement, et ce n’est pas à cause des Panama Papers, comme le prédit le Cheikh, en allusion aux ennuis que risque d’avoir notamment Mohsen Marzouk, dont le parti, projet de la Tunisie, se place en opposition frontale avec le mouvement islamiste, mais par cette désunion irréductible d’une coalition qui peine à préserver un minimum de solidarité ; une tendance qui se confirmera avec l’approche des municipales.
H.J.