Tunisie/ Fédération du bâtiment : "Il y a une stratégie pour détruire l’industrie tunisienne" |
Publié le Mardi 25 Avril 2017 à 14:00 |
Traversant une période de crise "sans précédent", la Fédération nationale du bâtiment a décidé de rompre le silence pour se faire entendre et tenter de sauver le secteur qu'elle qualifie de "sinistré". Les voyants sont au rouge. Tous les intervenants sont unanimes : "Fini le temps de la recréation. Des mesures urgentes s’imposent. Sinon, ce sera la catastrophe". "L'heure est grave. Nous devons agir pour sauver la deuxième industrie du pays". C'est ainsi que Kamel Mansour de la FNB a résumé la situation du secteur de l'industrie des matériaux de construction. Dans ce créneau, les professionnels tunisiens ont perdu en compétitivité après les augmentations "insoutenables" des prix de l'énergie et la masse salariale. Kamel Mansour souligne : "C'est bien d'améliorer les revenus des employés, mais il faut au moins penser à garder un rythme de productivité qui nous permet de rester dans les normes. A ce rythme, nous allons bientôt passer aux licenciements. Nous ne voulons pas toucher le fond et nous demandons à être écoutés et à ce que les autorités agissent fermement". Les principales contraintes ? Pour la FNB et Kamel Mansour, la première cause de cette défaillance est l'importation sauvage et anarchique des produits de l'étranger. Sans dévoiler les noms des pays de provenance de ces articles, Kamel Mansour explique : "Nous ne demandons pas de fermer le marché à ces produits, mais à rationaliser l'importation. Aujourd'hui, les industriels tunisiens se battent au quotidien pour ramener de la devise, qui est ensuite exploitée pour l'importation d'articles qui ne sont pas forcément meilleurs en termes de qualité. Une statistique ? Les importations ont été multipliées par trois depuis le début de l’année 2017. Nos produits sont certifiés et jouissent d'une bonne réputation, mais nous n’arrivons plus à trouver des acheteurs. Aujourd’hui, nous avons 100 millions de dinars de stocks, mais pas de marchés pour les écouler". La solution ? Les responsables de la FNB insistent pour imposer aux importateurs et aux commerçants de vendre au moins 15% à 20% de produits locaux. Aussi, il faudrait qu'un système de compensation soit mis en place pour les pousser à réexporter. Les enjeux sont lourds sur l’économie du pays. La FNB rappelle que l'industrie des produits de construction contribuait à 24% du PNB. Ce chiffre n'est plus qu'un lointain souvenir. Le secteur a beaucoup reculé et ne représente plus qu’environ 16% : "Si ce n'est pas une catastrophe, on n'en est pas loin", regrette Kamel Mansour, qui a ensuite rappelé que le chef du gouvernement a été contacté et qu'il est conscient de la gravité de la situation, mais il souligne : "Il faut passer à l'acte. Il est clair qu'il y a des enjeux très importants pour certains, mais il faut protéger l'industriel local avant tout". Une des idées concrètes pour remonter la pente serait d'obtenir les marchés des logements sociaux : "Partout dans le monde, ce type de construction est équipé par les industriels locaux. Il est temps qu'il en soit de même en Tunisie. Si l’Etat ne réagit pas, la répercussion est grave et pourrait affecter les quelques 40 000 postes d'emploi directs du secteur et quasiment un demi-million d’emplois indirects " avertit la FNB. Mais il y a pire. En effet, l'industrie du textile, qui était une des plus dynamiques de la Tunisie, a fini par céder suite aux mêmes contraintes : "Nous investissons à hauteur de 814 millions de dinars. La valeur ajoutée ? 1146 DT et nous exportons à hauteur de 300 MD. Autant de chiffres qui prouvent que nous avons du potentiel, mais il faut faire vite. Il faut consommer tunisien, surtout que nos produits sont certifiés". Kamel Mansour souligne : "Nous ne craignons pas la concurrence loyale, mais on ne peut pas continuer à lutter, seuls, dans ces conditions". Le vice-président de la FNB, Mohammed Ali Lakhdher, ne mâche pas ses mots : "Le gouvernement ne veut pas appliquer les solutions. Il faut revenir à l’article 18, 19 et 20 de 1994, de l’accord de libre-échange avec l’EU qui stipule qu’en cas de danger de l’économie locale, l’importation doit être limitée. Il faut aussi imposer le contrôle technique et trouver une solution aux successions des gouvernements ou au moins une stabilité au niveau des postes de décision". Le marché parallèle est donc le vrai problème auquel l’industrie des produits du bâtiment doit faire face. Lotfi Abdennadher y va très franchement et parle carrément d’inondation du marché, lançant un véritable cri de détresse : "Il y a des escroqueries. On importe des restes de stocks de l’étranger qui ne répondent à aucun critère. Le tunisien ne veut pas forcément des produits importés mais il veut qu’on le protège contre ceux qui ne sont pas conformes. Nous avons des compétences qui sont en danger de licenciement. Un sentiment plus grave ? Nous pensons qu’il y une stratégie pour détruire l’industrie. Si quelqu’un veut le faire, qu’il nous le dise pour que les choses soient claires". Sélim Slimi
|
Commentaires
Ecrit par Montygolikely 26-04-2017 12:34
Là, si pour faire plaisir à des (petits) lobbies d'intérêts (mesquins) et à des fonctionnaires corrompus, on ruine le pays au vu et au su de tout le monde, on a la démonstration, outre l'inconscience notoire des gouvernants, du manque patriotisme, d'absence de probité, d'inexistence d’honnêteté intellectuelle de ceux qui sont aux commandes du secteur des importations et qui sont au courant de cet état de choses.
C'est le scénario de films comme "la Piovra" où "Gommora", montrant, entre autres, les conséquences catastrophiques de l'infiltration de ces associations criminelles siciliennes et napolitaines dans tous les circuits économiques, qui est en train de se dérouler sous nos yeux...