Tunisie/ Bassin minier : Le gouvernement a décidé enfin d’agir, Jusqu’où ira-t-il ?

Publié le Lundi 05 Mars 2018 à 17:06
Bassin minierAvec quasiment 70 % du PIB en décembre 2017, 69,9 % pour être précis, la dette publique tutoie les sommets. Les avoirs en devises continuent, eux, à se rétrécir comme peau de chagrin, pour se situer aux alentours de 11303 MDT, soit l’équivalent de 80 jours d’importation à la date du 02 Mars, (à la dernière actualisation de la BCT). Longtemps exportatrice de phosphate, la Tunisie qui conquerrait les marchés extérieurs par cette matière première prisée pour sa qualité, est en passe d’en devenir importatrice.

Le ministre de l’Energie et des Mines, Khaled Kaddour, a confirmé ce lundi 05 Mars un éventuel recours à l’importation du phosphate. Dans une déclaration à Shems, en marge de son audition par une commission parlementaire à l’ARP, le ministre a souligné que "l’importation du phosphate restait à l’ordre du jour, si les unités de production restent à l’arrêt". "Il y a des sociétés privées qui achètent  le phosphate auprès du groupe chimique, elles aussi, ont le droit d’importer". Le travail de sape fait au bassin minier, aura fait perdre au pays des marchés extérieurs, privé les caisses de l’Etat de rentrées conséquentes de devises qui provenaient de ce secteur stratégique, jusqu’à mettre le pays dans l’incapacité de couvrir ses besoins locaux en phosphate, acide phosphorique, et mettre à mal plusieurs autres secteurs industriel, agricole, etc.

Un bémol néanmoins, celui de la reprise timide de la production. Les sites de Mdhilla et d’Oum Laâreyes ont repris ces deux derniers jours, selon le ministre, faisant état d’une production qui n’a pas dépassé la  moyenne de 40 % au cours des sept dernières années ; un "indicateur négatif", a-t-il considéré. Le but est de rétablir la production et d’en assurer la pérennité, ainsi que de pérenniser le transport du phosphate aux unités du groupe chimique, a-t-il souligné.

Un objectif minimaliste, s’il en est, qui relève de la gestion basique d’un secteur qui mériterait beaucoup mieux. En temps normal, les objectifs auraient été plus ambitieux, en termes de moyens donnés à la compagnie du phosphate de Gafsa et du groupe chimique, pour une optimisation de la production et des exportations. Le cas échéant, notre économie se serait mieux portée, et la crise ne serait, peut-être, pas survenu en des proportions aussi rudes. Si ce minerai n’a pas subi tout le mal qu’on lui a infligé pendant tout ce temps, le taux de la dette aurait été beaucoup moins bas, et les réserves en devises largement plus élevées.

Chantage contre Chantage
La situation est-ce qu’elle est, le gouvernement s’est mis enfin en colère, il en était grand temps, et a décidé, à son tour, de faire du chantage aux contestataires, en annonçant samedi dernier de suspendre tout ce qui a trait à l’embauche : programmes de recrutements et résultats de concours jusqu’à la reprise de la production et du transport du phosphate.

Jusqu’alors, c’étaient les contestataires qui faisaient chanter les autorités, en refusant, d’une manière catégorique, d’arrêter leur mouvement et de laisser la situation se débloquer, jusqu’à que leurs revendications soient satisfaites, soit l’embauche séance tenante, et la fixation d’un quota de nouvelles recrues pour chaque délégation.

Le bras de fer se durcit entre l’Etat et les contestataires qui, faut-il le dire, prennent en otage la subsistance de 30 mille familles qui vivent du phosphate, ainsi que les intérêts de plusieurs sphères d’activité et de l’économie nationale. 

Certes le dossier du bassin minier est épineux. Sa réputation d’être une zone rebelle et revendicatrice, et le souvenir de la révolte de 2008, où la région était le théâtre de troubles sociaux pendant six mois sous l’ancien régime, ont nourri la crainte des gouvernements successifs qui ont été tous réticents à défier la région et à faire appliquer la loi.

Par ailleurs, aucun des sept gouvernements n’avait une politique de développement à Gafsa, (comme d’ailleurs dans les autres régions démunies),  à travers la promotion d’activités autres que le phosphate à même de satisfaire ne serait-ce qu’en partie, les attentes en matière de développement, d’emploi et de dignité. A l’inverse, ils ont tous contribué à compliquer la situation en cédant au diktat de ces concours annuels de recrutement ayant grandement alourdi les charges de la CPG, la transformant d’entreprise rentable et lucrative, en une entité pléthorique risquant l’implosion. 

Le gouvernement Chahed n’a pas dérogé à la règle et est resté longtemps immobile et insensible aux alertes lancées par plusieurs entreprises publiques vitalement dépendantes du phosphate quant à l’extrême gravité de l’arrêt prolongé de la production. La perspective des municipales ne lui a guère facilité la tâche. 

Ce n’est qu’après le désengagement tonitruant de l’UGTT des négociations, en mettant publiquement le gouvernement devant ses responsabilités, que celui-ci a pris le taureau par les cornes, en annonçant des mesures de rétorsion, et en promettant une application de la loi et des poursuites contre ceux qui entravent la production et le transport du phosphate. Jusqu’où ira-t-il…
Gnet