Tunisie/ Bardo Vs Kasbah : Ennahdha et l’opposition doivent lâcher du lest

Publié le Mercredi 07 Août 2013 à 13:17
Deux rues se sont exprimées, et les deux doivent-être écoutées. Des dizaines de milliers de Tunisiens ont convergé hier, mardi 06 août, vers la place du Bardo, à l’appel de l’opposition, six mois après le meurtre du martyr Chokri Belaïd, dans une manifestation la plus grandiose depuis le démarrage du sit-in du départ. L’ampleur de ce rassemblement montre une réelle exaspération populaire quant à la dégénérescence de la période transitoire, marquée par deux assassinats politiques, en l’espace de six mois, et par des menaces terroristes redoutables, ayant connu leur illustration la plus terrifiante, avec le meurtre de huit de nos vaillants soldats, dans une embuscade au Mont Chaâmbi.

Il y a à peine trois jours, une mobilisation populaire quasi-similaire, a eu lieu samedi 03 août à l’appel d’Ennahdha et ses alliés. Des dizaines de milliers de Tunisiens ont afflué vers la place de la Kasbah pour exprimer leur soutien à la légitimité électorale, et leur attachement au processus transitoire. Indépendamment du nombre des participants à telle manifestation ou telle autre, (d’importants écarts sont relevés entre les chiffres des organisateurs et ceux de la police), les deux rassemblements ont attiré une marée humaine impressionnante.  

La division des Tunisiens est au regard de cela réelle, à l’image de la discorde de la classe politique, empêtrée depuis le meurtre du martyr Mohamed Brahmi, dans une crise aigue. Cette scission s’impose à l’heure où les Tunisiens ont besoin de resserrer les rangs et de s’unir derrière leur appareil sécuritaire et militaire dans leur combat contre le terrorisme.

Par ces deux manifestations imposantes, les deux camps adverses ont prouvé qu’ils s’appuient sur une grande assise populaire, à même de conforter leur position, et de légitimer leurs choix et décisions. Ont-ils, pour autant, réalisé une quelconque avancée sur la voie du règlement de cette crise politique fort dommageable pour le pays, son image et ses intérêts ?

Les manifestations populaires sont l’une des expressions les plus nobles de la démocratie. Les politiques, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, ne peuvent pas faire la sourde oreille aux revendications de la rue, sous peine d’essuyer les plus lourds affronts. Dans le cas d’espèce, il y a deux rues qui s’expriment, les deux sont soucieuses du bien de la Tunisie, de son invulnérabilité et de sa préservation des dérapages et des menaces qui la guettent. Les deux doivent être écoutées et se retrouver dans les solutions attendues pour sortir de cette impasse qui s’inscrit dans la durée. Reste à la classe politique d’assumer sa responsabilité et de proposer des solutions consensuelles fiables à même de nous acheminer aux prochaines élections, sans heurts et au moindre coût. La mobilisation de la Rue, que les politiques des deux bords ont estimé nécessaire pour des raisons qu’on a développées ci-dessus, doit s’arrêter à ce state, pour que les politiques prennent sérieusement le relais et sortir le pays de cet embrouillamini ambiant.  

Mustapha Ben Jâafar a annoncé hier, mardi 06 août, la suspension des travaux de l’Assemblée nationale constituante jusqu’à que les partenaires politiques s’assoient autour de la table de dialogue et trouver une sortie de crise. Prise unilatéralement par Ben Jaâfar qui dit assumer sa responsabilité en tant que président de l’ANC, cette décision a été diversement appréciée par la classe politique. L’annonce de Ben Jaâfar rappelle l’initiative lancée par Hamadi Jebali de formation d’un gouvernement de technocrates, pour amortir le choc suite à l’assassinat de Chokri Belaïd, le 06 août dernier. Les similitudes résident dans l’effet surprise, et dans une certaine audace de  secouer la classe politique et la mettre en quelque sorte au pied du mur.

Ben Jaâfar a enfilé hier l’habit du rassembleur, voire de l’arbitre entre le pouvoir et l’opposition. Un rôle qui dépasse son statut d’un membre du triumvirat au pouvoir. Même s’il a cherché à tirer un bénéfice personnel et électoraliste quelconque de sa décision, celle-ci reste positive dans la mesure où elle devrait contribuer à mettre un terme au statu quo actuel et astreindre opposition et troïka, spécialement Ennahdha, à retrouver le chemin des institutions du dialogue pour parvenir au consensus salutaire.  

Le dialogue souhaité doit procéder d’un volontarisme affiché  de part et d’autre pour parvenir à un compromis. Chaque camp doit être disposé à lâcher du lest pour se rapprocher, autant que faire se peut, de la position de l’autre. Les pourparlers attendus ont des chances de succès, d’autant plus qu’ils ne vont pas démarrer ex-nihilo, puisque de nombreuses initiatives ont été exprimées par des organisations nationales, des associations de la société civile et des personnalités indépendantes, et qui sont grosso modo convergentes. Ces initiatives préconisent, dans leur majorité, la formation d’un gouvernement d’union ou de compétences nationales, et le maintien de l’Assemblée nationale constituante, garante de la préservation du processus de transition. La marge de manœuvre de la classe politique est de plus en plus réduite, le tout est de savoir l’exploiter pour parvenir aux accords requis.

A défaut, l’obstination et la persistance des tiraillements nous mèneront droit dans le précipice, le cas échéant, la rue prendra les choses en main, mais ce sera loin de l’ambiance pacifique et bon enfant, constatée au Bardo et à la Kasbah.
H.J.


 

Commentaires 

 
+2 #5 @captainusop
Ecrit par hj     12-08-2013 17:46
vous devez avoir la langue marron a force non?
 
 
-2 #4 Bravo H.J. très belle analyse
Ecrit par captain usop     10-08-2013 19:33
@tous les commentateurs précédents. Est-ce un problème pour vous de voir que des personnes pensent différemment ????? H.J est un excellent journaliste, il ne prend pas parti et vous l'accuser du contraire c'est aberrant... Arrêter de vouloir imposer votre point de vue en niant l’existence même des autres... Oui c 'est clair qu'aujourd'hui la Tunisie est divisée en deux et il n'y a pas de bons d'un côté et les mauvais de l’autre. Que ça vous plaise ou non une grande partie de la population soutient ce gouvernement (peut être pas la majorité...) mais une grande partie de la population souhaite un changement radical (là encore ce n'est sûrement pas une majorité...) et si les responsables politiques des deux camps ne s'entendent pas alors effectivement on est au bord d'une guerre civile... et vos commentaires à deux balles prouvent que vous n'êtes pas objectifs et que vous voulez uniquement imposer votre point de vue qui n'est pas celui d'une majorité de tunisien Mr. les "pseudo professeurs" de journalisme....
H.J. continuez comme ça vous êtes un des rares journalistes ayant cette impartialité qui fait cruellement défaut à l'ensemble de vos confrères...
 
 
+1 #3 Tintin en Tunisie
Ecrit par Royaliste     10-08-2013 12:39
Vous décrivez les symptômes et eviter de parler de la maladie.

vous ne faites que decrire la situation en proposant des solutions naives.

dressez nous le bilan de ce gouvernement et vous aller voir plus claire le probleme


PS: seul les naifs ont cru que nahdha voulait démocratiser le pays
 
 
+1 #2 RE: Tunisie/ Bardo Vs Kasbah : Ennahdha et l’opposition doivent lâcher du lest
Ecrit par citoyen     10-08-2013 11:16
a GNET :svp changez de journaliste car HJ est en train de nous dégouter de GNET avec son manque d'objectivité et de réalisme pour ne pas dire plus.

Car dire que les 2 manifestations sont similaires ou que ENNAHDHA travaille pour le bien de la Tunisie est tout sauf objectif!
 
 
+1 #1 desinformation
Ecrit par heptones     10-08-2013 07:44
l'auteur ne peut dissimuler que l'immense majorité de la population est contre la domination illégale et non représentative d'ennahda. Il essaie de faire croire à 50 50 alors que ce n'est pas la réalité.On ne peut rapprocher les points de vue entre des takfiristes et illuminés ignorants et des gens épris de liberté et de tolérance et sagesse. Ne confondez pas "votre" opinion que vous essayez de faire passer pour celle de la majorité de la société civile.
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.