Tunisie/ ARP : Chahed énumère les difficultés et agite le spectre de l’austérité

Publié le Vendredi 26 Août 2016 à 12:12
Youssef Chahed Youssef Chahed a fait peur, ce matin, aux Tunisiens, dans une tentative manifeste d’en secouer les consciences et de les sortir de leur torpeur. Dans une allocution où il a joint le langage dialectal, à l’arabe littéraire, le chef du gouvernement désigné a présenté, ce vendredi 26 août devant un hémicycle bondé, le programme de son gouvernement d’union nationale. Il a par ailleurs donné lecture à sa formation gouvernementale, qui reste inchangée, comme attendu.

Youssef Chahed a été alarmiste, lors de cette plénière extraordinaire consacrée au vote de confiance à son gouvernement. La situation est difficile en 2016, et risque de l’être encore plus en 2017, si rien n’est fait, a-t-il dit. A l’entendre, les choses sont rattrapables, si tout le monde s’en tient au nouveau "contrat de partenariat" qu’il propose, celui consacrant "le travail, l’équité et la responsabilité collective". 

Chahed évoque les espoirs trahis

Le futur locataire de la Kasbah a indiqué en préambule que les six gouvernements qui avaient précédé le sien depuis la révolution, ont échoué à réaliser une grande partie des objectifs de la révolution.

En 2011,  on a fait une révolution, on a rédigé une constitution, on a obtenu un prix Nobel de la paix, mais  cinq ans après, la Tunisie vit une crise qui s’approfondit jour après jour. La fierté qu’on a ressentie après la révolution était éphémère, les rêves des régions intérieures et des jeunes se sont évaporés, la confiance placée dans l’Etat s’est écornée, le phénomène de corruption s’est exacerbé…, a-t-il déploré.

Les raisons ayant conduit à cette situation consistent, selon ses dires, au fait que la Tunisie qui a réussi à mener sa transition démocratique, a vécu des tiraillements ayant influencé la situation économique et sociale, les Tunisiens n’ont pas travaillé comme il se doit, et les investissements ont reculé. Il a pointé, par ailleurs, une crise morale et une crise des valeurs, où liberté a été confondue avec désordre et anarchie. A ces facteurs endogènes, d’autres exogènes, dont une situation régionale instable, la montée du terrorisme, et la situation économique difficile de nos partenaires.

Crise économique et recours au FMI

S’agissant de la situation économique, le chef du gouvernement désigné a brossé un tableau sombre, et un appareil de production en rade où tous les indicateurs sont au rouge. Le phosphate s’est dégradé pour atteindre son niveau de 1928, et a reculé de 60 %. Idem pour les secteurs des hydrocarbures et du tourisme  qui ont été sur une courbe descendante. La moyenne de croissance au cours des cinq dernières années était de 1,5 %, alors qu’un point de croissance, permet la création de 15 et 20 mille postes d’emploi. Au cours des cinq dernières années, 112 mille fonctionnaires ont été recrutés dans la fonction publique, sans compter les recrutements dans les entreprises publiques. La masse salariale est passée de 6,7 milliards de dinars, à 13,4 milliards de dinars. "La masse salariale n’est pas un problème en soi, mais le problème réside dans son inadéquation avec la production et la productivité", a-t-il dit.

Chahed a évoqué les  déséquilibres budgétaires de l’Etat et un déficit grandissant, provenant d’un rapport négatif entre ressources et dépenses. L’Etat dépense dans des proportions supérieures à ses recettes. Il a évoqué le recours massif à l’endettement, pour combler le déficit, et couvrir les dépenses. La dette est passée de 25 milliards de dinars en 2010, à 56 milliards de dinars en 2016, soit un taux de 62 % du PIB et une augmentation de 21 points en cinq ans. Il a évoqué le recul des recettes en devises, la dépréciation du dinar, d’où le recours au FMI. "Ce n’est pas le FMI qui est venu vers nous, c’est nous qui sommes allés lui demander de l’aide", a-t-il lancé.

Le déficit des caisses  sociales en 2016 est de 1648 millions de dinars, et la dette CNAM est de 1400 millions de dinars, ce qui ne lui permet plus de payer les hôpitaux et les affiliés à temps. 

Il a fait état d’une situation difficile en 2016, et qui risque de l’être encore plus en 2017, si rien n’est fait. La Tunisie risque de décréter une politique d’austérité en 2017, où l’Etat sera obligé de réduire les dépenses de santé, de couverture sociale, de recourir à des licenciements, d’augmenter les impôts, de réduire les investissements consacrés au développement et à l’infrastructure.

Gouvernement solidaire
Il a affirmé que la responsabilité de cette situation déplorable est collective. "Nous sommes tous responsables, classe politique, société civile, médias et peuple," a-t-il dit, prônant des sacrifices afin de laisser le pays aux générations futures, dans un état meilleur. "C’est dans ce cadre que s’inscrit l’initiative présidentielle d’un gouvernement d’union nationale. L’unité nationale sous-tend que les différences idéologiques et politiques s’effacent devant l’intérêt national, et que l’on affronte, ensemble et en une seule main, les difficultés", a-t-il dit, appelant à transformer l’unité nationale d’une idée à un état d’esprit.  

Youssef Chahed s’est engagé à faire en sorte que son gouvernement soit solidaire. "Le gouvernement rassemble la plupart des familles politiques, ainsi que des compétences nationales et est le reflet du peuple tunisien dans ses différences, sa diversité, et sa pluralité". Il a évoqué la présence féminine à des postes stratégiques au sein de son équipe, ainsi qu’une moyenne d’âge de 48 ans, "ce gouvernement allie l’enthousiasme des jeunes, et l’expérience des anciens", a-t-il affirmé.  

Lutte contre le terrorisme
Il s’est engagé à faire voter une loi avant la fin de l’année en cours, procurant un encadrement moral et matériel global des enfants des martyrs des institutions sécuritaire et militaire jusqu’à l’âge de 21 ans ; à élaborer un cadre réglementaire protégeant les militaires et sécuritaires lors de l’exercice de leur mission, à améliorer le système de renseignements et à renforcer les équipements, etc.

"La lutte contre le terrorisme n’est pas uniquement sécuritaire et militaire, mais commence au sein de la famille, dans le quartier, l’école où tous les signes de changement de comportement et d’enfermement chez l’enfant doivent être détectés", a-t-il suggéré. 

Relance du développement
Le chef du gouvernement désigné a encore souligné que la situation requiert des solutions exceptionnelles, tout en œuvrant à fonder parallèlement un modèle de développement.

La relance de développement doit s’appuyer sur deux catalyseurs : la production, et l’investissement, a-t-il dit, signalant que son gouvernement œuvrera à booster l’investissement local et à attirer l’investissement extérieur, et à augmenter la production et la productivité de l’économie nationale. Il a promis la fermeté pour faire face aux Sit-in illégitimes, à la paresse dans l’administration. "On ne tolérera plus à une catégorie d’arrêter une unité de production, on sanctionnera les paresseux dans l’administration, tout en récompensant les sérieux et travailleurs". 

La réalité du bassin minier est la suivante : depuis plus de 50 ans, le train du phosphate sort de la région, mais le train du développement n’y entre pas, a-t-il dit, prônant le dialogue pour résoudre les problèmes.

Il s’est engagé à ce que l’Etat assume sa responsabilité et augmente l’investissement public, pressant le capital national à aller dans les régions intérieures, une fois l’Etat lui aura préparé le climat propice.

Devant l’état d’urgence économique, Chahed préconise des dispositions exceptionnelles pour la relance du développement dans les plus brefs délais. Il  a promis que son gouvernement fasse en sorte à ce que les grands projets, les concessions, les projets de partenariat public/privé (PPP), et marchés publics, passent directement sans complications, et ce sans toucher les principes de transparence, de concurrence loyale, d’égalité de chances. Il a exhorté l’ARP à voter le code des investissements et le plan quinquennal de développement.

En matière de politique étrangère, il a promis le respect des constances : relance de la construction maghrébine, soutien à la cause palestinienne et maintien de la coopération avec nos partenaires traditionnels, avec le respect de la légalité internationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, tout cela en coordination avec la présidence de la république.

Réformes
Il a préconisé des réformes nécessaires pour préserver les finances publiques et éviter l’austérité. Les deux problèmes majeurs de la FP sont le déséquilibre aigu en matière de balance des paiements, la solution réside à ses yeux à faire des exportations une priorité nationale, notamment des produits à valeur ajoutée et à haut contenu technologique.

Le deuxième est le déficit budgétaire ayant atteint en 2016 2900 millions de dinars. Il promet une réforme du dispositif fiscal selon les principes d’égalité et de solidarité nationale, et une lutte contre l’évasion fiscale. Il a annoncé un projet de budget complémentaire en 2016, et un projet de budget en 2017, de manière à circonscrire le déficit et à éviter les dérapages.

Propreté et environnement
Il estime que le diagnostic que l’on fait de la situation est faux. Les campagnes de propreté menées ici et là ne servent à rien, et les saletés reviennent en une semaine.  90 % des ordures sont ramassées par les municipalités, mais le pays est sale, car il y  a une défaillance structurelle dans le dispositif des décharges publiques - où aucune n’a été réalisée depuis la révolution - et de transformation et de recyclage des déchets.

Les contours de la politique du gouvernement s’appuient totalement sur le document de Carthage. Sa vision à court terme, est de faire en sorte de rétablir la confiance et la cohésion entre citoyens, de consacrer les valeurs de tolérance, de consacrer la paix et la sécurité, d’acheminer les indicateurs chômage, endettement, pauvreté, etc. vers el vert, et de former une nouvelle génération politique imbue du sens de l’Etat et de la démocratie. 

Le successeur d’Habib Essid est conscient qu’il allait se heurter dans sa mission à des résistances aux réformes, à des lobbies, mais demeure optimiste, et confiant que "les Tunisiens vont se ranger derrière leur pays, qui a besoin d’eux".
Gnet


 

Commentaires 

 
#2 Chahed aala aasrek
Ecrit par samaris     27-08-2016 12:27
Errachwa, laktef, etkarbil, takhdim el mokh, laafan, el ghadra wessabba.

Nos principaux défauts.
Travaillons là-dessus, non?
 
 
+1 #1 Privatisation = solution
Ecrit par Royaliste     26-08-2016 15:36
il faut privatiser les compagnies publiques
l'Etat doit se concenter sur l'infrastructure, la santé, l'éducation et la sécurité

ce n'est pas le role de l'Etat de gérer et éponger les dettes des compagnies déficitaires qui, si elles sont vendus deviendront rentables et paieront des impots
 
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