Tunisie/ Al-Jabha : L’offensive de Rahoui et le début de la fin de la politique de boycott !

Publié le Jeudi 08 Septembre 2016 à 16:40
Mongi RahouiRèglement de comptes au sein du front populaire. Mongi Rahoui prend ses distances avec al-Jabha, et lui lance des tirs amis qui sont allés crescendo, cette dernière période. La querelle trouve son origine dans sa rencontre, en défiant sa coalition, avec Youssef Chahed, au moment des concertations pour la formation du nouveau cabinet. Le successeur d’Habib Essid avait alors proposé à Rahaoui de rallier le gouvernement d’union nationale et d’occuper un portefeuille ministériel. Une démarche unilatérale que le FP a vue d’un mauvais œil, et s’est précipité à dénoncer et à s’en désolidariser dans un communiqué public. Son attitude violait en effet la politique de boycott suivie par le FP, envers l’ensemble des gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution.

Rahoui ne voyait pas les choses ainsi, et rétorquait illico presto dans une conférence de presse que le Front populaire se devait de répondre positivement à l’invitation du Premier ministre et de participer aux concertations, sans oser accepter néanmoins l’offre de Chahed, même si l’envie ne semblait pas lui manquer.

Le député d’extrême gauche qui n’a pas la langue dans sa poche, s’agissant notamment de s’en prendre à l’ennemi stratégique, n’avait pas manifestement l’intention d’arrêter son offensive envers sa coalition et a continué à lui lancer des critiques acerbes au lendemain du congrès électif de son parti, le watad, parti des patriotes démocrates unifié, tenu le week-end dernier, et à l’issue duquel il a réussi à être réélu.

Dans une déclaration à Express, le député avait critiqué la stratégie du FP, sa politique de refus permanent, et le fait qu’il ait refusé de prendre part aux tractations pour la formation du nouveau gouvernement.

Ce jeudi 08 septembre, Rahoui hausse encore plus le ton contre le FP, et se lance dans une véritable diatribe contre son chef emblématique, Hamma Hammmi.

Intervenant sur Mosaïque, il a affirmé que le front populaire est politiquement isolé, et le fait qu’il campe obstinément sur sa position, va approfondir son isolement. Ses militants doivent bouger avant qu’il ne soit trop tard, a-t-il déclaré, signalant qu’avec son refus de toutes les propositions, le FP est désormais qualifié d’être contre tout, sans justification.

Le Front populaire n’est pas une formation fondée sur la démocratie, assène-t-il, le pressant d’entamer sa réforme interne.

Mongi Rahoui s’en est pris avec virulence à Hamma Hammami, estimant que son discours est devenu non-convaincant et redondant, son capital faible, et a besoin de repos et de renouveau, en proposant d’autres personnes capables d’apporter une valeur ajoutée. Le capital de Hammami s’est érodé du fait qu’il répète le même discours depuis des années, a-t-il dit, s’interrogeant si les 250 mille électeurs vont lui accorder leurs voix de nouveau.

La fronde subite de Mongi Rahoui, lui qui était solidaire de ses camarades et totalement en harmonie avec leur ligne politique et idéologique, s’explique par trois raisons :

La première est que le député Jabhaoui est amer et en veut à sa coalition, notamment à Hamma Hammami, de s’être attaqué à lui publiquement pour avoir répondu présent à l’entrevue avec Chahed, et de l’avoir surtout privé d’occuper un portefeuille ministériel et de commencer à s’exercer au pouvoir exécutif après avoir fait ses armes au sein du législatif avec deux mandats parlementaires consécutifs d’abord à l’ANC, puis à l’ARP.

La deuxième est que Mongi Rahoui, qui appartient à cette génération de politiques quinquagénaires, semble avoir une ambition ardente, et réfléchit sérieusement à son avenir politique. Il ne souhaite pas avoir à rater une autre fois une chance de faire partie d’un prochain gouvernement, d'autant plus que les gouvernements d’après la révolution semblent être engagés pour des CDD (contrat à durée déterminée). Les chances que l’occasion se présente à lui de nouveau, dans un avenir proche, ne sont pas à exclure.

La troisième qui découle des deux premières est que cet ancien banquier reconverti à la politique après la révolution, cherche à incarner un nouveau courant au sein de la Jabha, en opposition avec la ligne de Hamma Hammami, celui qui prône l’ouverture, et le dialogue  avec les autres familles politiques et la participation à des initiatives de portée nationale.

Rahoui semble avoir compris que le front de refus prôné par la Jabha ne mène nulle part, et le maintiendra ad vitam aeternam dans une posture d’opposition de rupture sans jamais avoir des chances d’accéder au pouvoir exécutif. La sociologie électorale du peuple tunisien ne permettra pas au front populaire de gouverner seul. La Jabha pourrait avoir, au gré des événements, tantôt un poids important au parlement, comme cela été le cas lors des dernières législatives de 2014 où la coalition dispose de 15 députés, tantôt un poids faible, mais jamais la majorité absolue.

L’accession à l’exécutif pour Hamma Hammami et ses camarades ne peut se concevoir que dans le cadre d’une coalition, rassemblant les différentes forces politiques, ce que la Jabha réfute farouchement, et ce que Rahoui se résout désormais à accepter. La bataille est donc ouverte entre les anciens et les néo-Jabhaouis, et ce sont les militants qui auront à la trancher.
H.J.