Tunisie : Youssef Chahed, et le sens de l’injonction de ne pas se présenter en 2019 !

Publié le Mardi 17 Juillet 2018 à 13:57
Youssef ChahedEn sept ans, le pays a fait peu de choses sur le plan socio-économique, il a même reculé à plusieurs égards. C’est là un motif de déception générale, que l’élite et le peuple, partagent amèrement. Là où la Tunisie se prévaut d’avancées considérables, c’est en termes politique et de libertés. Notre démocratie naissante est une source de consolation collective, c’est ce qui nous fait espérer des lendemains meilleurs, étant entendu que la démocratie est à la base de tout, sans laquelle, il ne peut y avoir d’Etat de droit, d’institutions élues et transparentes, de séparation des pouvoirs, de suprématie de la loi et d’égalité de tous devant elle, de bonne gouvernance, et de peuple souverain, qui choisit librement ses représentants.

A observer la vie politique nationale, ses évolutions, ses vicissitudes, ses flux et reflux, l’on a le droit de s’interroger, quelle démocratie voudrait-on, à l’heure où la nôtre, balbutiante et inachevée, est menacée par des collusions politico-familiales, des considérations partisanes et d’humeur politique, des influences de lobbies et des ingérences extérieures, etc., autant d’intrusions qui ont tendance à prendre l'ascendant, sur ce qui doit à l’origine régir la démocratie, en l’occurrence la loi et la constitution.

Cette introduction est nécessaire pour essayer de comprendre et de décrypter ce qui se passe en Tunisie, tant on est décontenancés, voire déboussolés, face à des attitudes et des pratiques qu’on croyait révolues. L’exemple de cette crise politique qui est provoquée de bout en bout, est illustratif.

On n’en est pas, d’ailleurs, à la première crise inventée de toutes pièces, et  manigancée derrière les portes closes ; de nombreuses l’ont précédées, le but était, à chaque fois, de faire perdurer ce climat de tiraillements, et d’empêcher toute action de relance et de redressement. Cette atmosphère de campagne électorale permanente a rendu impossible toute stabilité politique durable, et explique, en grande partie, les difficultés de la conjoncture actuelle.

Toutes ces années, on était les artisans de nos propres malheurs, parce qu’on n’a pas défendu des principes, des valeurs et l’intérêt suprême du pays, mais plutôt des personnes, des partis, et des intérêts corporatistes et claniques étriqués.

"Tout le monde a les yeux rivés sur 2019, si on avait eu 25 ou 27 candidatures lors de la dernière présidentielle de 2014, et on en aura 35 à la prochaine présidentielle de 2019", s’est élevé le président dimanche sur Nesma. Il a raison de dénoncer un tel état de fait et de s’en inquiéter, a fortiori que c’est là le principal mobile de cette crise politique provoquée qui paralyse le pays ; BCE le sait parfaitement.

Si on réclame le départ de Youssef Chahed, ce n’est pas pour son incompétence ou son échec - si échecs il y a, ils sont collectifs et découlent, en grande partie, du  climat général dans le pays qui tire vers le bas - mais c’est à cause de l’enjeu de 2019. L'homme a plusieurs atouts dont sa cote de popularité révélée par les sondages, qui font de lui un adversaire redoutable en 2019, à l’heure où de nombreux prétendants lorgnent sur Carthage, et croient avoir des chances à défendre dans les urnes.

Le locataire de la Kasbah est-il aussi vilipendé dans les milieux influents pour avoir été le premier à lancer une guerre contre la corruption, qui s’est  malheureusement arrêtée en si bon chemin, signe des pressions qu’il a dû subir pour l'acculer à lever le pied.

Il est l’homme indésirable pour ceux qui croient tirer leur force d’une certaine filiation biologique, et avoir plus de légitimité à la succession à ce fauteuil suprême.

Le mouvement Ennahdha qui défend le maintien de Youssef Chahed et la préservation de la stabilité politique, lui enjoint de ne pas se présenter à la présidentielle de 2019, réitérant un appel qu’il a déjà lancé une année auparavant, l’été 2017 (Interview de Rached Ghannouchi le 1er août 2017 sur Nesma, décidément !).

Au nom de quoi ? Le chef du gouvernement a-t-il un quelconque empêchement constitutionnel ? Le pays ne s’est-il pas doté d’une loi fondamentale, la constitution de 2014, qui pose les conditions et régit les candidatures aux élections nationales ?

Interdire à Youssef Chahed ou à n’importe quel autre Tunisien ou Tunisienne jouissant de ses droits civiques, de se porter candidat (e), n’est-il pas une manière de fouler aux pieds la constitution et d’exercer une tutelle sur le peuple que l’on dit souverain ?

Entretenir l’amalgame entre la période de Mehdi Jomaâ et celle de Youssef Chahed est malvenu. Le premier était tenu à un engagement de ne pas se présenter aux élections, suite à un consensus fruit d’un dialogue national, qui a fait que son gouvernement de technocrates soit investi d’une mission bien précise, celle de préparer les élections devant faire passer le pays d'une période transitoire à une autre pérenne. On n’est aucunement dans la même configuration avec Youssef Chahed, en présence d’une constitution qui prévaut sur tout, et que personne n’a le droit de bafouer ou de s’y substituer pour fixer les règles du jeu.

Considérer les choses à travers le prisme partisan, fragilise notre projet démocratique, encore inabouti. 
Gnet


 

Commentaires 

 
-1 #2 RE: Tunisie : Youssef Chahed, et le sens de l’injonction de ne pas se présenter en 2019 !
Ecrit par Agatacriztiz     17-07-2018 23:01
Je serai à la place de Chahed, j'ose le tout pout le tout et annonce que je serai candidat à l'élection présidentielle, et advienne que pourra !

Si Chahed doit être demain le Président de la Tunisie, Ennahda devrait savoir que c'est la volonté de Dieu qui décide en finalité, pas celle de la volonté du dirigeant d'Ennahda.

Ce qu'Ennahda risque de dévoiler par cette insistance à empêcher Chahed de se présenter aux élections, c'est qu'elle se préoccupe de plus en plus des interêts communs qu'elle a avec le clan Caid Essebsi plutot que ceux de la nation tunisienne...
 
 
-1 #1 RE: Tunisie : Youssef Chahed, et le sens de l’injonction de ne pas se présenter en 2019 !
Ecrit par Agatacriztiz     17-07-2018 15:29
On est pas au sultanat ni à l'émirat d'Ennahda, où le l'émir ou le sultant décrète qui peut ou qui ne doit pas diriger le gouvernement.
La Tunisie ne peut pas être à l'image des royaumes de pacotille du Golfe, car elle n'a pas de pétrole et encore moins de gaz qui font que le monde tolère ces régimes rétrogrades, donc, il ne faut pas jouer aux riches quand on a pas le sou.
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.