Tunisie : Vers une importante réforme de la réglementation des changes

Publié le Vendredi 03 Juin 2016 à 16:37
Vue de la ConférenceL’assouplissement de la réglementation des changes en Tunisie est devenu nécessaire pour impulser l’investissement. C’est à la demande des acteurs économiques qui considèrent que la réglementation actuelle constitue l’un des obstacles majeurs au climat des affaires et de l’investissement que la Banque centrale de Tunisie s’est penchée sur la question. Lors d’une conférence organisée ce matin par la BCT, Faiza Feki, directrice générale des opérations de change a présenté le projet élaboré par la Banque Centrale dans ce sens.

Un projet qui a été commenté par des experts en finance et en économie, a été  l’objet d’une concertation avec les différents acteurs concernés.

Parmi ces propositions se trouve l’abandon de l’intervention de la BCT sur le plan de l’octroi des autorisations pour les investissements réalisés par les étrangers au sein de sociétés non régies par le code des investissements comme les holding, le commerce de détail ou le transport. Le droit de transfert à titre d’investissement à l’étranger doit être l’apanage des entreprises ayant une sorte de quitus de change qui s’apparente à une situation et non à un document. Les transferts à effectuer seront fixés en fonction des fonds propres nets donc à une autre référence que le chiffre d’affaires, comme c’est le cas actuellement.

La Banque centrale a aussi proposé de supprimer le plafonnement de la souscription des étrangers aux titres d’emprunt émis par l’Etat ou par les sociétés résidentes et ce pour les nouvelles émissions. Une mesure positive aux détenteurs d’épargne longue (fonds de pension) qui sont à la recherche de placements rentables. Une mesure qui pourrait être revue en fonction de l’évolution du comportement des investisseurs étrangers.

La BCT prévoit également de supprimer les plafonds des emprunts extérieurs pour les établissements de crédit, mais aussi pour les sociétés totalement exportatrices, en relevant le plafond à 10 millions de dinars pour les entreprises autres que totalement exportatrices.

La BCT parle de permettre le libre accès des entreprises industrielles non résidentes installées en Tunisie aux ressources du marché monétaire en devises pour le financement des investissements d’extension. Les sociétés non résidentes établies en Tunisie opérant dans l’industrie et régulièrement dotées d’une situation financière saine,  peuvent quant à elles, bénéficier de financements en dinars.  Un financement qui sera destiné au matériel roulant  utilitaire ou à l’acquisition de d’équipements nécessaires à l’exploitation de l’activité uniquement.

Concernant la détention de comptes en devises ou en dinar convertible  pour les résidents, la Banque Centrale prévoit de réduire leur nombre afin de faire un meilleur suivi moyennant une classification par catégorie, tout en donnant plus de liberté d’utilisation des fonds logés dans ces comptes, avec la possibilité d’orienter les fonds logés dans ces comptes vers le financement de l’économie tunisienne en garantissant à leurs titulaires la possibilité d’y déposer les revenus ou les produits de cession ou de liquidation.

Pour les non-résidents, la Banque propose plus de souplesse en termes de fonctionnement et prévoit une rémunération de ces comptes, en permettant le débit pour le financement d’investissements en Tunisie.

Transferts courants
Au sujet des transferts courants, la banque évoque la possibilité de libéraliser les transferts à titre d’économies sur salaires des tunisiens résidents à l’étranger et ayant obtenu des contrats de travail à durée déterminée en Tunisie. Mais aussi de permettre les transferts au titre des cotisations à une assurance sociale volontaire des Tunisiens binationaux devenus résidents en Tunisie et des étrangers conjoints de résidents. Actuellement, seuls les étrangers peuvent effectuer les transferts librement.

Prolonger la durée de validité de l’autorisation de sortie de devises de 30 à 60 jours. Pour les exportations de marchandises, il est prévu de relever à 90 jours au lieu de 30 jours le délai de règlement des exportations non assorties de garanties de paiement.

Le gouverneur de la BCT, Chedly Ayari a déclaré à cet effet que cet ensemble de mesures renforce la conformité de la Tunisie aux pré-requis internationaux en matière d’assouplissement de la réglementation des changes. «Dans le contexte actuel de post-transition caractérisé par une pénurie de l’épargne nationale, la libéralisation envisagée est d’autant plus opportune pour la mobilisation des ressources externes nécessaires au financement des réformes, des déficits budgétaires et aussi des investissements », a-t-il dit.

Interrogé sur la raison de maintenir l'interdiction de détenir un compte en devise en Tunisie, le Gouverneur a répondu que l'Etat craignait le blanchiment d'argent et les capitaux d'origine douteuse. il n'écarte toutefois pas l'idée d'imaginer une procédure plus souple, mais qui exigerait un contrôle rigoureux de la part des banques qui se doivent d'informer la Banque Centrale de certaines transactions.

Chedly Ayari a confié à Gnet qu’après concertation avec les différents intervenants du secteur, la Banque Centrale de Tunisie diffusera des circulaires auprès des banques, contenant certaines des propositions élaborées et retenues. « Les banques n’auront plus qu’à les mettre en application. Bien sûr, certaines nécessiteront un décret ministériel, mais sans passer par l’Assemblée des Représentants du Peuple », a-t-il souligné. Les premières circulaires seront appliquées avant la fin du mois de juin 2016, d’après Chedly Ayari.
Chiraz Kefi