Tunisie : Une page se tourne, une défaite honorable et un parti omnipotent

Publié le Lundi 22 Décembre 2014 à 17:30
Béji Caïd Essebsi remporte le second tour de la présidentielle. Une page de l’histoire postrévolutionnaire de la Tunisie se tourne ce lundi 22 décembre 2014 avec l’annonce des résultats de l’élection présidentielle. Notre pays aura mené à son terme sa première période constitutive, transitoire, et entame sous peu une nouvelle étape, celle censée être du parachèvement de la construction démocratique, et de l’instauration des institutions pérennes appelées à se substituer à celles provisoires. La Tunisie a réussi le pari d’organiser des élections plurielles et démocratiques, nonobstant toutes les difficultés, confirmant son statut d’exception dans une région arabe livrée aux démons de la division et des conflits armés.

Ce lundi, 22 décembre, la Tunisie a un nouveau président qui occupera le palais de Carthage lors du prochain quinquennat. Le candidat de Nida Tounes a remporté la présidentielle avec un écart net de plus de dix points par rapport à son rival. Le président sortant n’a pas, quant à lui, démérité. Il a réussi à mobiliser les masses tant au premier, qu’au second tour. Près d’un million 400 mille électeurs ont voté pour lui hier, croyant en sa vision, son attachement farouche aux principes de liberté et de démocratie, et son engagement à œuvrer à rééquilibrer le paysage politique et à prévenir le retour de l’hégémonie et du despotisme.

Marzouki perd la présidentielle 2014, mais sa défaite est honorable, de part le score qu’il a obtenu, et la réussite de sa campagne de proximité, où il a montré encore une fois sa propension à être proche du peuple, et à l’écoute de ses préoccupations jusqu’au fin-fond du pays.

Le président sortant, dont le nom sera à jamais lié à la transition démocratique en Tunisie, quittera Carthage après trois années à la présidence, où il a essuyé un chapelet de critiques. Rarement un dirigeant n’a été vilipendé et dénigré comme il l’a été. Mais, il était en même temps un dirigeant respecté et applaudi en dehors des frontières, tant lors de ses visites bilatérales, qu’à l’occasion de sa participation aux instances et aux forums internationaux. L’histoire retiendra de lui d’avoir été un démocrate convaincu, un homme simple, ayant désacralisé la fonction présidentielle, et un président qui a contribué à protéger les institutions et à préserver le processus transitoire de tous les soubreseauts. Des erreurs, il en a commis certainement, les historiens auront à les évoquer et les analyser, tout autant qu’ils auront à décortiquer et à consigner les différents épisodes de son règne triennal.  

Moncef Marzouki passera le flambeau à Béji Caïd Essebsi, vainqueur de l’élection présidentielle. Le nouveau chef de l'Etat est élu pour cinq ans, où il s’appuiera sur une majorité parlementaire déjà constituée avec les alliances annoncées au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). BCE travaillera avec un chef du gouvernement qui, à défaut d’être, éventuellement, de sa famille politique, serait un indépendant choisi par ses soins, et donc en symbiose avec sa politique et ses choix. Avec tous les leviers du pouvoir entre les mains, Caïd Essebsi et Nida Tounes sauront éviter la situation de blocage qu’ils appréhendaient tant dans l’hypothèse d’une cohabitation.

Aujourd’hui, la Tunisie est face à une situation de monopolisation des pouvoirs par une seule formation politique, voulue par les urnes. La crainte de l’hégémonie et du retour des malheureuses pratiques du passé est sérieuse, d’autant plus que le parti triomphant n’est pas né ex-nihilo, il s’est en effet constitué sur les ruines du RCD dissous, comme il est de notoriété publique, et porte dans son génome les résidus de l’ancien régime.

A Béji Caïd Essebsi et ses compagnons de se débarrasser de cette triste réputation et de prouver qu’ils sont en phase avec les exigences de l’étape, celle qui est intransigeante sur le respect de la démocratie et de la liberté, tout autant que sur les objectifs socio-économiques de la révolution, en prime, l’emploi, la dignité, et la lutte contre la précarité et la pauvreté.  

Tout le monde est unanime à dire au lendemain de ce second tour de la présidentielle, que la principale victoire est celle de la Tunisie, et de son peuple. Les voix s’élèvent au sein des différentes formations politiques, notamment du nouveau parti au pouvoir, pour appeler à l’unité et au rassemblement, notre seule voie de salut pour relever  les défis incommensurables qui nous guettent.
H.J.



 

Commentaires 

 
#3 Excellent article!
Ecrit par Citoyen libre     23-12-2014 10:40
Merci Monsieur. Une leçon de journalisme, d'objectivité, d'impartialité et de professionnalisme!
 
 
-5 #2 @ H.J.
Ecrit par Pseudo     23-12-2014 08:06
Je n'en reviens pas de votre article où vous trouvez des mérites à Marzouki.

Il n'en a aucun et au contraire a nuit à la Tunisie.
 
 
+5 #1 Honnêteté journalistique
Ecrit par Zenobie     23-12-2014 00:07
Vous êtes une des très rares publications tunisiennes à ne pas avoir suivi le mouvement général de diffamation et de calomnies à l'égard de Moncef Marzouki. Vos lecteurs ne semblent guère l'apprécier mais vous, vous savez reconnaître ses principales qualités. Enfin, serait-on tenté de dire !! De vrais journalistes... Bonne continuation sur cette voie qui, seule, permet à une démocratie de se construire.
 
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