Tunisie : Une nouvelle donne politique, la cohabitation reste possible !

Publié le Lundi 27 Octobre 2014 à 16:13
Une timide adhésion populaire au vote, notamment à l’étranger. La Tunisie a franchi hier un pas supplémentaire sur la voie de la consolidation de la démocratie, à travers l’organisation d’un scrutin libre, démocratique et transparent. Les irrégularités et les dépassements relevés ça et là, aussi bien par les observateurs locaux et étrangers, que par les représentants des partis politiques ne touchent pas à la substance de l’opération et n’en affectent pas la crédibilité des résultats, de l’aveu de tous.

La principale réussite de ce scrutin est celle sécuritaire. Les législatives se sont déroulées sans encombres dans un climat de stabilité, grâce à un important déploiement militaire et sécuritaire, et à une stratégie sécuritaire judicieuse ayant permis de prévenir et d’anticiper les menaces qui planaient sur le scrutin. Il faut rendre grâce, sur ce point, aux dizaines de milliers, (100 mille au total), agents militaires et sécuritaires mobilisés dimanche sur tout le territoire pour assurer la tenue des élections dans les meilleures conditions possibles.  

La deuxième réussite, même si elle est relative, est l’affluence des électeurs vers les urnes, pour élire leurs représentants dans le futur parlement, et fixer les orientations politiques de la nouvelle étape. Bien entendu, la participation est jugée faible notamment à l’étranger où le scrutin a connu certains cafouillages. Le taux d’abstention au sein du corps électoral tient à deux raisons : la première est que notre histoire avec la démocratie est récente et les Tunisiens n’ont pas encore incorporé les nouveaux réflexes qui font qu’ils prennent la peine de se déplacer aux bureaux de vote à l’occasion des échéances électorales, pour exprimer leur choix et être ainsi agissants dans la vie publique. La deuxième porte sur la désaffection des Tunisiens envers la politique, après les déconvenues et les déceptions qu’ils ont connues tout au long de la période transitoire. La timide adhésion populaire au vote traduit une crise de confiance entre les Tunisiens et la classe politique, qui reste à restaurer.

Autre aspect  digne des démocraties les plus ancrées, a trait aux résultats des sondages sortie des urnes dévoilés hier par deux Instituts de sondage, et qui sont en train d’être confirmés par les résultats partiels recueillis progressivement des bureaux du vote, sous réserve de l’annonce officielle ce soir par l’ISIE des résultats préliminaires. Si les estimations de Sigma Conseil et de 3 C études concordent avec les taux qui seront dévoilés ce soir par l’instance électorale, (ce qui semble a priori être le cas), ces deux instituts de sondage gagneront en crédibilité et serviront désormais de référence.

Le quatrième point positif est la réaction des partis politiques aux résultats annoncés. Ces derniers ont jusque-là affiché une attitude civilisée et fair-play, se soumettant au verdict des urnes, signe d’une vie démocratique évoluée.

Ceci étant, ces élections ont redessiné la donne politique, caractérisée désormais par l’avènement d’une nouvelle force politique en l’occurrence Nida Tounes, vouée à piloter la nouvelle étape,  l’effondrement des partis se prévalant d’un grand passé militant, et le recul d’Ennahdha par rapport au dernier scrutin. Relégué à la deuxième place, le mouvement islamiste aurait, néanmoins, un bloc parlementaire de poids dans la future assemblée.

Ce nouvel équilibre des forces pourrait donner lieu à plusieurs scénarios en terme de gouvernance, mais il y en a deux qui semblent les plus plausibles : le premier est que les résultats de la présidentielle vont dans le même sens que les législatives et on aura ainsi, selon toute vraisemblance, une majorité qui gouverne et une opposition qui s’oppose.

La deuxième hypothèse est que la présidentielle dégage un vainqueur qui n’appartiendrait pas à la même majorité parlementaire, et  on aura, dans ce cas là, une cohabitation. Des résultats des tractations qui ne tarderont plus à être enclenchés entre partis politiques, dépendra le mode de gouvernance futur.  Mais, dans tous les cas de figure, la classe politique devra réussir le pari de s’entendre rapidement sur une formule commode et pragmatique pour diriger le pays, le mettre à l'abri des soubresauts et répondre aux attentes urgentes des Tunisiens.
H.J.