Tunisie : Une guerre d’usure, la crise sera renvoyée au parlement !

Publié le Lundi 17 Septembre 2018 à 16:33
Youssef ChahedLa Tunisie vit un état de déliquescence inédit. Plus le temps passe, plus la crise politique s’aggrave ; tiraillements, tensions, querelles…cela vire à la guerre d’usure entre la Kasbah d’un côté, et l’UGTT, Nidaa et Carthage de l’autre, désormais alliés objectifs, face à un mouvement Ennadha toujours du côté de la  stabilité gouvernementale, et d’une organisation patronale, quelque peu soulagée que la nouvelle loi de finances 2019 soit annonciatrice d’une stabilité fiscale.

Vendredi dernier, le chef du gouvernement était on ne peut plus clair. Il a exclu  devant la conférence nationale sur les orientations économiques et sociales du projet de loi de finances 2019, toute intention de renoncer à sa mission, considérant tout changement comme fort nuisible pour le pays. Il s’est également engagé à aller de l’avant sur la voie de la réforme, regrettant que son gouvernement n’ait pas trouvé le soutien requis pour avancer en la matière.

Son engagement et sa résistance n’ont en rien changé, néanmoins, l’adversité qui le vise. Le soir même, son propre parti, Nidaa Tounes, a décidé de geler son adhésion. Le lendemain, le SG de l’UGTT, Nourddine Taboubi, qui multiplie cette dernière période, ainsi que ses lieutenants, les menaces et les fulminations envers le gouvernement, a déclaré au sortir d’une rencontre avec le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur, que son organisation n’allait pas rester les bras croisés devant la cherté des prix, et la dégradation du pouvoir d’achat.

Dans le bras de fer qui l’oppose au gouvernement, la centrale syndicale trouve de larges soutiens en milieu politique. Les partis hostiles à Youssef Chahed se servent, sans modération, de la puissante organisation syndicale, dans leur réquisitoire contre la prestation et le bilan de son gouvernement. 

Dans un tel climat délétère, l’engagement du locataire de la Kasbah d’avancer sur les réformes majeures, notamment celles des caisses sociales et des entreprises publiques,  sur lesquelles la centrale syndicale use de son veto, serait difficile à tenir. A moins que la rencontre attendue Chahed/ Taboubi puisse déboucher sur un modus vivendi notamment sur la question des négociations sociales dans le secteur public et la fonction publique, pour que les canaux de dialogue reprennent entre les deux parties sur l’ensemble des points litigieux.

Contrairement à la crispation de ses rapports avec syndicat, les relations du gouvernement avec le patronat semblent être à présent au beau fixe, notamment à la faveur des annonces faites au sujet du projet de loi de finances 2019, qui, a priori, apportent satisfaction à l’organisation patronale. L’UTICA qui réclame un allégement de la pression fiscale sur l’entreprise économique, le financement des petites et moyennes entreprises, la lutte contre le commerce parallèle… trouve un début de réponses positives à ses doléances dans l’ébauche de la novelle loi de finances dévoilée au palais des congrès, qui contrairement aux textes analogues de 2017 et 2018, n’augmentera pas les impôts pour les entreprises, ni pour les particuliers, d’ailleurs.

Côté partis politiques, des appels au dialogue sont lancés ça et là, mais là où en sont les choses, ils sont peu écoutés. Tout porte à croire que la crise politique sera renvoyée au parlement, qui fera sa rentrée dans une quinzaine de jours. D’autant que le paysage parlementaire est en train de se recomposer, pour donner lieu peut-être à de nouvelles oppositions, une majorité remodelée, et d’autres blocs parlementaires qui feront pencher la balance d’un côté, ou de l’autre.

Le parlement qui n’est pas parvenu alors qu’il s’apprête à entamer la dernière et cinquième session de sa législature de parachever l’installation des instances constitutionnelles dont la Cour constitutionnelle, et qui doit pourvoir à la vacance à la tête de l’ISIE, à quelques mois d’échéances électorales décisives qui seront tenues, parole du chef du gouvernement qui s’en est porté garant, dans les délais constitutionnels.
Gnet