Tunisie : Une coalition fragile, malgré le plébiscité attendu à l’ARP

Publié le Mardi 03 Février 2015 à 17:55
Un travail ardu attend Habib Essid.Habib Essid engagera demain, mercredi 04 février, la responsabilité de son gouvernement devant le parlement. Son passage à l’hémicycle s’annonce être une pure formalité, le vote de confiance étant acquis d’avance,  vu la large représentativité parlementaire de son équipe.

Même si la plénière de demain s’annonce longue, avec un flot d’interventions en perspective, le cabinet Essid finira, selon toute vraisemblance, par être plébiscité.

Arithmétiquement, les partis représentés dans la nouvelle équipe gouvernementale (Nida, Ennahdha, Afek, UPL et FSN) pèsent plus des deux tiers de l’Assemblée avec 180 députés. Des députés indépendants peuvent, également,  se rallier à la masse, sans compter les indécis du bloc social-démocrate, en cours de construction, qui détermineront leur position, séance tenante, à la lumière du programme présenté par le chef du gouvernement désigné, et ses réponses aux interventions des élus.

Ce prévisible et massif vote de confiance serait, théoriquement, un signe de force et de résilience potentielle du nouveau gouvernement. Des craintes demeurent néanmoins quant à sa fragilité intrinsèque, qui tient à la manière dont il a été pensé, repensé et formé.

Dès son annonce, la composition gouvernementale remaniée a fait l’objet d’un chapelet de critiques sur la scène politico-médiatique. Les critiques proviennent principalement des forces politiques représentées au parlement, qui sont, de gré ou de force, en dehors de la composition gouvernementale, à l’instar du Front populaire (15 sièges), du CPR (4 sièges), du courant démocratique (03 sièges), d’al-Moubadara (03 sièges), mais ce n’est pas tout, des réserves à son propos sont émises par des voix au sein même des partis qui le composent.

La gêne est en effet perceptible chez ces partis de qualifier la nouvelle équipe de gouvernement d’unité ou de coalition. Tellement, l’harmonie et la cohérence semblent lui faire défaut. La controverse qui a marqué son difficile processus de constitution est loin d’être une parenthèse fermée, et des tensions restent dans l’air, s’agissant du fonctionnement de la nouvelle équipe.

Demain, la quasi-majorité des députés vont accorder la confiance au gouvernement, mais on sera face à de nombreux votes à contrecœur. Et pour cause, ce gouvernement n’emballe que peu de personnes, à se référer aux réactions des uns et des autres. Entre Nida Tounes qui reste divisé sur l’entrée d’Ennahdha au gouvernement, Ennahdha qui aurait souhaité être mieux représenté au sein de la nouvelle équipe, et qui se trouve contraint de se contenter de peu, Afek qui rejette d’emblée la présence de l’UPL…la fragile coalition risque de tituber au moindre soubresaut.

Ce qui ajoute encore à la vulnérabilité du nouveau gouvernement, c’est qu’il ne s’est pas constitué sur un programme, comme cela se fait partout dans le monde dans le cas des coalitions gouvernementales. Un exemple et non des moindres, la CDU-CSU de la chancelière allemande, Angela Merkel, et ses adversaires sociaux-démocrates du SPD ont mis un mois pour s’entendre sur le programme point par point, avant de sceller leur alliance, et lui garantir un fonctionnement optimal, à l’abri des tensions.

Dans le cas d’espèce, le programme a été relégué au second plan, et les partis n’avaient d’yeux que pour les portefeuilles ministériels. Résultat : on est en présence d’un gouvernement formé selon le principe des quotas partisans, qui manque de vision, de fil d’Ariane, voire d’un soubassement solide.

Un état des lieux peu rassurant qui hypothèque la bonne marche du cabinet Essid, et de son efficience, s’agissant de s'attaquer aux défis incommensurables qui guettent le pays. Le travail du successeur de Mehdi Jomaâ sera ardu pour faire accorder les violons des différentes composantes de son équipe, leur imposer un tableau de bord, et faire en sorte de minimiser, autant que faire se peut, les frictions et les turbulences.  
H.J.