Tunisie : Un gouvernement de synthèse, au-delà des des contradictions !

Publié le Jeudi 29 Janvier 2015 à 17:49
Habib EssidLes partis politiques ne sortiront pas indemnes de l’épreuve de genèse du gouvernement. Les frictions qui les traversent risquent de se transformer en fissures profondes, et de mettre certains dirigeants, de gré ou de force, sur le carreau. La raison majeure de ces tensions internes tient aux positions divergentes quant à la nature du prochain gouvernement, ses composantes, et sa base de représentativité. Autant de points qui demeurent ambigus, car non encore tranchés, et sujets à fluctuations. Les déclarations contradictoires des leaders des partis politiques à  l’issue de leur entrevue avec le chef du gouvernement désigné, ne font que semer encore plus la confusion.

La mission actuelle d’Habib Essid est de réduire, autant que faire se peut, l’hostilité envers son gouvernement, afin de lui garantir un passage au parlement à une majorité confortable, sinon acceptable, c'est-à-dire supérieure à la majorité absolue de 50+1 (109 députés) requise. Il est en train de tenter, non sans difficultés, de s’attirer les grâces des partis en leur faisant des offres, notamment celle de participer au gouvernement par des portefeuilles importants. Mais, quoiqu’il fasse, il ne pourra contenter tout le monde, avec les 39 membres, entre ministres et secrétaires d’Etat, qu’est censé compter son cabinet.

A ce stade des concertations, il y a deux grandes visions qui se dégagent quant à la physionomie du gouvernement en devenir. La  première, défendue notamment par un clan au sein de Nida Tounes, est que le parti de la majorité parlementaire, s’allie avec les partis qui lui sont proches, à l’instar d’Afek Tounes, al-Moubadara et accessoirement, le front populaire, outre l’Union patriotique libre dont la participation au gouvernement est normalement acquise. Avec une telle coalition politiquement homogène, aux yeux de ses instigateurs, mais économiquement hétérogène, le gouvernement Essid pourrait passer à une majorité d’à peu près 130 députés.

La deuxième approche prônée indéfectiblement par le mouvement Ennahdha est celle d’un gouvernement de consensus, voire d’unité nationale, dont il fera partie. Il s’agit le cas échéant, d’une alliance entre Nida, Ennahdha et d’autres partis, qui garantira au gouvernement Essid une majorité largement confortable avoisinant, voire dépassant les 2/3.Ce point de vue a des partisans au sein du parti victorieux des scrutins de 2014, mais aussi des détracteurs, pour qui une entrée d’Ennahdha au gouvernement, serait une manière de trahir les attentes des électeurs qui ont massivement voté pour leur mouvement.

Cette attitude est diversement accueillie  par les autres forces politiques, qui oscillent entre neutralité et position tranchée pour ou contre cette vision des choses.  

Le Front populaire est contre l’idée d’un gouvernement d’unité nationale, dans lequel Ennahdha serait présent. La coalition conduite par Hamma Hammami réfute avec opiniâtreté de siéger avec le mouvement islamiste dans le même cabinet, autrement, il reste ouvert à y prendre part, même si son programme économique, antilibéral et étatiste, est aux antipodes du programme de Nida Tounes, d’Afek, de l’UPL, préconisant une économie de marché, et la continuité s’agissant des rapports avec les institutions financières, telles que le FMI et la banque mondiale.

Afek et l’UPL disent, quant à eux, ne pas avoir d’hostilité de principe envers le mouvement islamiste, et sont prêts à se retrouver avec lui au sein du même gouvernement, pour peu qu’il y ait accord sur le programme, les grandes réformes et les priorités.

Habib Essid est tenu de faire la synthèse de toutes ces positions, tout en suivant la feuille de route fixée par Nida Tounes. Il aura à faire oublier la composition gouvernementale initiale, décriée par tous, et à élargir la base de représentativité de son gouvernement vers la droite, ou vers la gauche. L’essentiel est que ce gouvernement soit annoncé avant la date butoir du 04 février, expiration du délai constitutionnel, et qu’il obtienne la confiance du parlement. A défaut, on sera soit face à la reconduction d’Habib Essid en tant que chef du gouvernement désigné, qui bénéficiera d’un deuxième délai d’un mois pour former un nouveau cabinet, soit en présence de la désignation d’une autre personnalité. Mais espérons que l’on n’en arrive pas là, au vu où l’on en est…

H.J.