Tunisie : Un collectif d’intellectuels fustige la loi sur la réconciliation

Publié le Mercredi 26 Août 2015 à 13:42
La levée de boucliers contre la réconciliation économique continue. Des experts, universitaires et avocats ont fait paraitre un texte sur la page officielle de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), dans le cadre de la coalition civile contre le projet de loi organique n’o 49 de l’année 2015, portant sur la réconciliation dans les domaines économique et financier, sous l’intitulé "je ne pardonne pas" مانيش ـ مسامح. Gnet traduit de larges extraits de ce rapport qui met le doigt sur les failles constitutionnelles et législatives dudit projet de loi.

En vertu d’une initiative législative présidentielle, le gouvernement a soumis à l’Assemblée des représentants du peuple un projet de loi organique, portant sur des mesures concernant la réconciliation dans le domaine économique et financier. La coalition civile tient à préciser à l’opinion publique nationale et internationale que le choix du peuple tunisien d’instaurer un dispositif de justice transitionnelle fondé sur la révélation de la vérité, le questionnement, la reddition des comptes, l’indemnisation des victimes, et la réforme des institutions de l’Etat, couronné par une réconciliation générale, a été confié exclusivement à l’Instance Vérité et Dignité, en respect du principe de l’Etat de droit et des institutions.

En dépit de l’ambigüité de la loi instituant l’instance, ses insuffisances notamment en matière de choix de ses membres, et son manquement (l’IVD) à remplir ses missions, cette initiative législative présidentielle n’a fait qu’approfondir la crise du processus de justice transitionnelle, le faisant dévier et le fragmentant, au lieu de le réformer en harmonie avec les aspirations et les attentes des Tunisiens y compris les victimes.

Le projet de loi organique n’o 49 de l’année 2015, soumis à l’ARP,  constitue un déni des exigences et des objectifs de la révolution, une violation des valeurs et principes universels des droits de l’Homme, ainsi que des valeurs morales du peuple tunisien, en contradiction claire avec le texte et l’esprit de la constitution de la deuxième république, et avec la loi organique n’o 53 de l’année 2013 de la justice transitionnelle.  

Ce collectif civil  énumère les failles constitutionnelles du texte qui transgresse le premier paragraphe du préambule de la constitution, le principe de bonne gouvernance, et le principe participatif en matière de gestion du régime républicain démocratique, inscrit dans le paragraphe 3 du préambule.

Le projet de loi sur la réconciliation concerne directement au moins trois structures : l’instance Vérité et Dignité, l’instance nationale de lutte contre la corruption et la malversation, et la commission de saisie, aucune d’entre elle n’a été consultée, déplorent ces intellectuels, pointant le télescopage (des prérogatives) entre la commission de réconciliation prévue par le projet et la commission d’arbitrage et de réconciliation au sein de l’IVD.

Le projet de loi enfreint le principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs inscrit dans le paragraphe 3 de la constitution. La commission de réconciliation prévue par le texte, se compose principalement de représentants du pouvoir exécutif, avec l’exclusion des pouvoirs législatif et judiciaire.

Il viole l’article 10 de la constitution qui stipule trois points importants soit le recouvrement de l’impôt, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales et la bonne gestion des deniers publics, ainsi que l’interdiction de la corruption.

Ce texte transgresse le principe d’égalité, prévu dans l’article 21 qui dispose : "Tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune". Il est contre le principe de transparence, ainsi que le principe de recours à la justice, en le vidant de sa substance.

Le projet de loi viole le dispositif de justice transitionnelle prévu dans l’article 148 du paragraphe 9 de la loi fondamentale. Cet article exige le respect du dispositif de justice transitionnelle mis en place au préalable, alors que le projet l’a vidé de ses principes, de sa teneur et de ses objectifs.

La loi organique relative à la justice transitionnelle de l’année 2013 s’inscrit dans le système constitutionnel général conformément à la jurisprudence de l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, ce qui en empêche toute transgression.  

Le projet de loi s’oppose à l’arsenal législatif, selon ce collectif d’intellectuels, qui évoque l’absence d’une étude de faisabilité et de rentabilité, ainsi que son ambigüité dans la mesure il ne définit pas la notion de corruption financière, de détournement de fonds publics, a fortiori après qu’il ait écarté les crimes de corruption et d’extorsion des deniers publics, ce qui donne un pouvoir absolu à la commission de réconciliation d’accepter ou de rejeter des dossiers, viole le principe d’égalité entre les justiciables, donne lieu aux dérapages et à la discrimination, et consacre le traitement sélectif des dossiers.  

Le projet de loi ne fixe pas la période qui lui est impartie, contrairement à la loi régissant la justice transitionnelle, morcelle le processus de justice transitionnelle, consacre l’impunité, ainsi que l’illégalité en créant une commission de réconciliation sans contrôle législatif en matière de choix de ses membres, et sans possibilité de recours contre ses décisions, et ses travaux devant n’importe quelle partie judiciaire.

Ce projet de loi crée une instance relevant du pouvoir exécutif. Contrairement aux expériences comparées en matière de justice transitionnelle, où il n’y a pas d’instance chargée de justice transitionnelle qui soit officielle, relevant du pouvoir exécutif, et inféodée aux engagements électoraux et à l’intérêt étriqué de ceux qui sont au pouvoir. Comme il attente aux droits civils, en annulant le pouvoir du parquet et des juridictions d’un côté, et le rôle des victimes se prévalant de droits civils, de l’autre.  

La coalition civile conclut que les failles constitutionnelles et les faiblesses législatives conduisent, à elles seules, à ne pas accepter le projet, outre sa contradiction avec les attentes des Tunisiens à tourner la page du despotisme et de corruption et à réformer les institutions, et non la construction sur la corruption et les corrompus.

L’actuel projet de loi nuit à l’avenir politique du pays, fait perdre son autorité à l’Etat, comme Etat de droit et de justice, et porte préjudice à la classe politique dans son ensemble qui perdra la confiance du peuple, a fortiori qu’elle s’est engagée à réformer les appareils de l’Etat et à instaurer la justice. Il plonge, de surcroît, de larges catégories de la société dans le désespoir, la rancœur et la rébellion, avec le déni de l’engagement des constituants dans le préambule de la constitution à rompre avec l’injustice et la corruption, a l’heure où la Tunisie a besoin de cohésion, de sécurité et de fidélité aux symboles et objectifs de la révolution.

Synthèse et traduction de Gnet

 

Commentaires 

 
#4 QueDire ?
Ecrit par AyariMoncef     09-09-2015 21:35
Quand je lis des commentaires pareils sur le travail sérieux qu'un groupe d'universitaires et d'avocat ont mis à la disposition des tunisiens pour leur expliquer les tenants et les aboutissants sur le projet de loi relatif la réconciliation et surtout attirer leur attention sur ses dangers, je désespère. Tout d'abord aucun rapport avec le sujet : un feu rouge grillé pour l'un et un bus bondé pour l'autre. Quant au troisième et ses menaces, c'est le comble.
Enfin, je voudrais remercier ce groupe pour son travail qui ma aidé à me faire une idée assez complète et surtout assez claire sur le sujet.
 
 
+2 #3 observateur
Ecrit par bruno     01-09-2015 15:43
C'est bien de réunir des personnes pendants des heures pour palabrer sur un sujet alors que personne ne respect un feu rouge , un stop un sens interdit , l'environement et ces braves intellos que penset ils de la coruption à tous les étages alors faite moi rien quoi ? une constitution? allez voir à Tatouine , Kairouan ce qu'ils pensent de la constitution plutot que de disserter préparé vous à une guerre lasse et sale qui s'aproche
 
 
+2 #2 Pendant ce temps la
Ecrit par Royaliste     26-08-2015 14:18
un rappel que la ville de Tunis ne dispose pas d un service de transport publique digne de ce nom, aucun horaire n est affiche nu part, le metro ne couvre que quelques axes, le bus, dans un etat moyen est, quand il arrive est bondé... quand il fait 40 degres, ce n est pas une partie de plaisir.

a mon humble avis, la priorité du tunisien est loi du charabia et des manigances politiques cités dans cet article

par ailleurs, on parle de pardonner ou non aux corrompus du passé et on evite de parler de ce qui ruine AUJOURDHUI a l economie, tous ces trafiquants et mafias organises protégés par les politiciens, douaniers et syndicalistes qui spolient la Tunisie d aujourdhui, pas celle de 1987
 
 
#1 La pire des races dans le pays....
Ecrit par ALéon     26-08-2015 14:06
.....les intellos et les avocats. N'est-ce pas par eux que la catastrophe a commencé.
Le peuple les réduira en poussière avec, à leur tête, la mère Védrine Ben Chaudrine qui finira un jour par accuser la France de l'avoir jetée au front.
C'est MOI, Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya, qui ne leur pardonnera JAMAIS ce qu'ils ont fait à mon pays.
Ils le payeront, et surtout ils payeront leur implication avec leurs commanditaires que je vais dénoncer sur la plus haute tribune.
Vous saurez qui est Léon, bande de traitres!
Léon,
VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.
 
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