Tunisie : Subtilités et limites de l’initiative de BCE sur la Libye

Publié le Lundi 20 Février 2017 à 16:48
Cérémonie de signature. L’Egypte, l’Algérie et la Tunisie ont signé ce lundi 20 février la déclaration ministérielle de Tunis pour un règlement politique global de la crise libyenne. Ce document émane de l’initiative du président Béji Caïd Essebsi, qui considère que les trois voisins directs de la Lybie sont habilités plus que quiconque à favoriser une solution à même de mettre un terme à six années de luttes fratricides dans ce pays.

La Tunisie conduit une initiative diplomatique et régionale dans une tentative d’inciter les frères libyens à emprunter le chemin du dialogue et de la concorde, et de pacifier un pays qui n’arrive pas à exorciser les démons de la division, six années après la révolution et la chute du régime du défunt Mouammar Kadhafi. Au lendemain d’une réunion à Tunis,  dont la date a été avancée d’une dizaine de jours, en se tenant hier, dimanche 19 février, au lieu du 1er mars, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaïs Jhinaoui, son homologue égyptien, Sameh Chokri, et le ministre algérien des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, ont signé ce lundi 20 février à Carthage, la déclaration ministérielle de Tunis.

L’initiative n’est plus tunisienne mais tripartite, du moment où l’Algérie et l’Egypte y souscrivent, dira en substance BCE. Elle traduit désormais "l’engagement des trois pays à faire progresser le processus d’un règlement politique global, mettant un terme à la crise en Libye", a encore affirmé le locataire de Carthage, lors de la cérémonie de signature.

L’initiative de BCE qui a fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps, a fini donc par livrer ses secrets. Sa teneur s’inscrit dans le droit fil de la position tunisienne qui plaide pour un règlement pacifique et politique de la crise, et rejette toute intervention militaire dans ce pays, qui serait périlleuse et fatale non seulement pour la Libye, mais pour les pays voisins et la région dans son ensemble.

Déclaration ministérielle de Tunis, signée le 20 février 2017 à Carthage.

Rien ne se fera sans la Russie et les Etats-Unis
Sur le fond, l'initiative n’apporte pas grand-chose de nouveau, et reprend une rhétorique déjà vue et entendue sur la crise libyenne. Sa singularité réside néanmoins dans le fait qu’elle met l’ensemble des points en suspens sur la table, et revendique une légitimité des trois pays limitrophes, Egypte, Algérie et Tunisie, d’être les premiers impliqués dans le règlement du bourbier libyen étant les plus touchés par ses répercussions. Sa subtilité tient aussi à cette manière de mettre en avant le parrainage de l’ONU, comme préalable à toute solution politique, dans une tentative de couper l’herbe sous les pieds des forces régionales et internationales qui s’activent sur le terrain libyen, pour, en apparence, sortir le pays du chaos et lui permettre de renouer avec la sécurité et la stabilité, et en réalité, tirer bénéfice des richesses libyennes.

L’initiative se veut être une plateforme pour inciter les protagonistes libyens à s’asseoir autour de la table du dialogue, et à discuter d’une solution consensuelle à même de pacifier le pays, et d’en préserver l’unité et l’invulnérabilité. Elle les invite également à aplanir les litiges autour de l’accord de Skhirat signé en décembre 2015 dans la ville marocaine après un long processus de pourparlers, sans qu’il ne connaisse jusque-là la voie de la concrétisation.

L’accord de Skhirat signé sous l’égide des Nations-Unies comporte de nombreuses faiblesses, et est loin de faire l’unanimité sur la scène libyenne. Les parties l’ayant signé sont peu influentes dans le pays, outre le fait que cet accord complique l’imbroglio institutionnel, au lieu de le résoudre. En présence de plusieurs institutions rivales, qui se disputent la suprématie en Libye, ledit accord créé un conflit supplémentaire entre le conseil présidentiel dirigé par Faez el-Sarraj et le parlement de Toubrouk, auquel est affilié Khelifa Haftar,  en entretenant l’ambiguïté sur les prérogatives de chacune de ces deux institutions.

Aussi, Fayez el-Sarraj, maître de Tripoli, et Khalifa Haftar, homme fort de Toubrouk, qui se sont retrouvés tout dernièrement au Caire, sur l’instigation de l’Egypte, dans un espoir d’entamer des négociations directes, n’ont pas réussi à se rencontrer tellement les divergences qui les opposent sont profondes.

Autant de tensions, que toute démarche de sortie de crise se doit de désamorcer. BCE envisage une rencontre avec Khelifa Haftar à Tunis, dans une tentative de dégel entre les deux hommes. Y parviendra-t-il ? Entretemps, l’initiative tunisienne continuera à faire l’objet de concertations communes dans un cadre tripartite, comme l’ont affirmé les ministres algérien et égyptien ce lundi à Tunis, en attendant la rencontre au sommet Caïd Essebsi, Bouteflika et al-Sissi à Alger qui attesterait de sa réussite. Laquelle nécessitera un ralliement encore plus large, au-delà du voisinage direct de la Libye, entendez par là les pays africains et les deux puissances mondiales, la Russie de Poutine et les Etats-Unis de Trump qui entendent fixer les règles du jeu en Libye, et s’orientent plutôt vers un soutien du Maréchal Haftar.

Gnet

 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie : Subtilités et limites de l’initiative de BCE sur la Libye
Ecrit par Agatagritiz     20-02-2017 19:12
Avec tout ce zèle démontré ces derniers temps pour régler la question libyenne, on dirait que tout se passe comme si on se bousculait au portillon pour ne pas rater l'occasion de se partager le "gateau" Libyen et, surtout de ne pas en perdre une miette...
et là, ne vous en faites pas, tout le monde est d'accord pour étriper ce qui reste de la Libye.
 
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