Tunisie : Réseaux sociaux et nouveaux comportements chez les jeunes

Publié le Mardi 23 Juillet 2013 à 13:15
Dans le cadre des ateliers d’écriture organisés par l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, Badi Melki, étudiant en sciences culturelles, a élaboré une thèse portant sur les représentations des étudiants tunisiens de la culture numérique. Un article issu de son travail a traité des portraits d’une jeunesse tunisienne équipée : « Les jeunes tunisiens et les usages sociaux d’internet ».

Au cours de son travail, Badi Melki s’est appuyé sur deux enquêtes sur terrain : l’une effectuée dans  8 maisons de jeunes du Grand Tunis (La Marsa, Sidi Bousaid, Megrine, Ezzahra, Kaalaat Landalous, Ariana, Oued Ellil, Jedaïda). Dans chacune de ces institutions, un échantillon de 10% des adhérents a été pris en compte. Soit au total 185 jeunes.

La deuxième enquête a été effectuée auprès de 870 étudiants, issus des universités de Tunis, du Centre et du Sud.

Les individus n’ont jamais été aussi connectés, que ce soit par téléphone, mail, ou messageries instantanées. Les statistiques d’Internet World Stats révèlent l’existence de 2.09 milliards d’internautes dans le monde, en mars 2011.

«Selon notre enquête, 70% des étudiants tunisiens sont des adeptes des réseaux sociaux, notamment Facebook. Ils y publient leurs photos, vidéos, commentent les publications de leurs amis et y expriment leurs préférences pour tel ou tel style musical », indique l’article.

En termes de création d’informations par le biais des médias numériques, certains signes montrent que les jeunes font preuve d’imagination dans leur façon de créer et de manipuler l’information. « Une récente étude révèle que plus de la moitié des jeunes internautes ont participé d’une façon ou d’une autre à la création d’un contenu en ligne : blog, page personnelle, ou contenu original à partager, notamment des œuvres d’art, des photographies, de la musique ou des vidéos », indique Badi Melki dans son article, non sans relever qu’il ne fallait pas toutefois surestimer leur capacité à innover. L’extraction passive des informations reste l’activité la plus répandue parmi les jeunes sur internet, la création de contenu étant moins largement pratiquée.

Avec l’usage des réseaux sociaux les jeunes ne sont pas à l’abri de certains comportements qui peuvent s’avérer « inadaptés » ou « provocateurs ». Parmi ces comportements, on trouve la tendance à la victimisation, la divulgation d’informations personnelles, les comportements agressifs, les conversations avec les personnes rencontrées en ligne, le dévoilement des comportements sexuels et le téléchargement d’images ou de vidéos inappropriées.

Les jeunes connectés aux réseaux sociaux et notamment à Facebook adoptent de nouveaux comportements « Ainsi, de plus en plus de cercles d’amis se dessinent virtuellement en remplaçant peu à peu  le mode d’emploi classique des relations entre individus…Les notions de proximité et d’intimité ont acquis une nouvelle portée avec Facebook… », Indique l’article.

Avec internet, nous assistons  également au développement d’un nouvel usage du code linguistique, né déjà dans les SMS des téléphones portables. Divers registres de langues, codes spéciaux, abréviations, libertés avec les règles de la syntaxe, sont de plus en plus employés : « slt » pour « salut », « waw », pour  « c’est bien », « à tt » pour « à toute à l’heure »,  ou « LOL » pour « mort de rire » (de l’anglais Lot of Laugh ». D’après l’enquête de Badi Melki, 90% des étudiants tunisiens affirment avoir utilisé cette écriture  « hybride » au moins une fois dans leurs emails ou SMS, voire dans leurs notes personnelles. Des pratiques qui mettent en péril le bagage linguistique de ces jeunes, et menacent les langues vivantes.

L’enquête menée dans les maisons de jeunes, a permis de constater que les jeunes tunisiens âgés entre 15 et 29 ans, utilisent Internet en premier lieu pour le divertissement et les recherches.

71.72% des jeunes internautes pensent qu’internet a un impact positif. Seule une minorité de 14.48% déclare être consciente de ses différents effets négatifs.

Les jeunes cherchent en premier lieu l’instantanéité et l’accessibilité permanente, qui favorisent le sentiment de lien et de contact. L’usage du chat est tributaire de la recherche de contact avec des correspondants.

«Exposée en permanence à ces nouveaux moyens, cette génération pose la question de l’apprentissage scolaire. Différente de la génération précédente formée par l’écrit et le papier, les jeunes d’aujourd’hui sont-ils plus rapides dans l’assimilation de l’information? », s’interroge l’auteur.

Cette enquête menée en 2010, ne traite pas de l’impact d’internet sur les révolutions arabes. L’effet des réseaux sociaux sur la révolution tunisienne et leurs rôle dans la propagation du printemps arabe n’ont pas été pris en compte par l’auteur.  Pourtant, depuis décembre 2010 (et jusqu’à ce jour) ce sont les réseaux sociaux qui servent de relais entre la rue et les citoyens. En décembre 2010, le partage d’images et de vidéos, sur Facebook, de la répression sanglante de l’ancien régime tunisien, a attisé la colère populaire et a rempli les rues.
C.K.