Tunisie, Rached Ghannouchi livre sa conception de la laïcité |
Publié le Samedi 03 Mars 2012 à 02:03 |
Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, a présenté sa conception de la laïcité, lors d’un débat organisé ce vendredi 2 mars à Tunis par le centre d’études Islam et Démocratie (CISD), autour de "la laïcité et les rapports entre religion et Etat". La laïcité, un terme qui fait couler beaucoup d’encre, et est, en partie, à l’origine de la polarisation politique devenue quasi-incontournable en Tunisie. Les amalgames et les incompréhensions qui l’entourent compliquent le débat, qui vire, par moments, au dialogue de sourds. "Il existe plusieurs laïcités, tout autant qu’il existe plusieurs islams, du moment où ce sont des concepts sujets à des compréhensions et des interprétations diverses", indique Rached Ghannouchi, en présence d'une assistance composée de politiques et d'intellectuels, dont Mustapha Ben Jaâfar, président de l'assemblée nationale constituante. "De prime abord, la laïcité semble être comme une philosophie qui est venue pour combattre des conceptions religieuses, ce n’est pas le cas", explique le cheikh. Selon son analyse, la laïcité a fait son apparition en occident sous forme "de solutions procédurales", pour résoudre des problèmes survenus à l’époque, avec les dissensions protestantes qui ont divisé l’église catholique et donné lieu aux croisades. "La Laïcité induit dans la conception occidentale l’impartialité de l’Etat. Celui-ci relève du domaine public et n’intervient pas dans les consciences des gens, alors que la religion relève du domaine privé". Mais, cette acception de la laïcité n’a pas cours partout en occident. Aux Etats-Unis, la religion est présente sur la scène publique, les discours des dirigeants politiques sont truffés d’allusions religieuses, dit-il, imputant cela au fait que les Etats-Unis ont été construits par les évangélistes religieux qui ont fui la répression catholique en Europe. "Les Etats-Unis étaient alors considérés comme une terre promise ou les rêves contenus dans l’évangile et la torah peuvent trouver la voie à la concrétisation". Rached Ghannouchi cite Tocqueville qui considère que "l’église est le parti le plus fort aux Etats-Unis". Idem pour la Grande-Bretagne où "la reine cumule les pouvoirs temporel et spirituel", indique-t-il. Il en déduit une différence entre la conception anglo-saxonne et la conception française de la laïcité. "La séparation la plus totale entre le religieux et le politique, est celle du modèle français, vu les affrontements survenus au fil de l’histoire française entre l’église catholique et l’Etat", dit-il. "Notre destin veut que nos élites soient le plus influencées par la laïcité française, là où la religion est totalement exclue de l’espace public et où l’Etat se considère comme garante de l’identité". Exemple de cette spécificité française, souligne-t-il, est que "la France est le seul pays qui n’a pas accepté le foulard islamique, contrairement aux autres pays où le voile est accepté sans qu’il crée une quelconque crise". L’islam a-t-il besoin de ces solutions procédurales, s’interroge le numéro un d'Ennahdha, en admettant : "depuis son avènement, l’Islam a combiné la religion et la politique. Le prophète était celui qui a édifié l’Etat, et instauré la religion". L'Islam prône la distinction entre le religieux et le politique A la séparation entre religion et politique, préconisée par la laïcité, équivaut en Islam, la distinction entre le politique et religieux, explique-t-il. "La religion n’a pas vocation à nous donner une expérience dans les domaines industriel, agricole, de gouvernance, qui sont le fait de la raison humaine, il nous donne, en revanche, un code de valeurs et de principes". "Dès sa naissance, et tout au long de son histoire, l’Islam n’a pas connu l’exclusion de la religion de la vie", soutient le cheikh. "Les musulmans s’inspiraient de tout temps peu ou prou de la religion dans leur vie civile tout en maintenant la distinction entre le religieux et le politique. Les fuqâha (jurisconsultes) ont également fait la différence entre les variables et les constantes ; les prières (régies par l’ordre divin), et les pratiques ou les transactions qui sont le fait de l’esprit humain", explique-t-il. L’Etat plus ou moins influencé par l’islam édicte des lois, à l’aune des valeurs de l’Islam, relève-t-il. Et d'ajouter : "En l’absence d’une église en islam, il n’y a que la liberté d’Ilijtihad (effort de réflexion) qui vaut. Et puisque l’Ijtihad peut-être multiple, le meilleur mécanisme que les Hommes ont trouvé pour régir cette diversité est la démocratie, c'est-à-dire ce mécanisme électoral qui désigne les représentants de la Oumma, et qui permet aux élus de fournir collectivement cet effort de réflexion", fait valoir Rached Ghannouchi en considérant la démocratie comme la meilleure illustration de la valeur de la choura (concertation) en Islam. Quid de la situation actuelle ? Pour le cheïkh, le débat qui se déroule en Tunisie est entre les laïcs durs et les islamistes durs. "Les uns veulent imposer une certaine conception de l’Islam, les autres veulent délester l’Etat de toute influence par l’Islam". Tout en insistant sur la nécessaire distinction entre le religieux et le politique, Rached Ghannouchi considère comme étant "une aventure, une séparation totale entre les deux, comme le prévoit la conception française ou marxiste". "L’affranchissement de l’Etat de la religion est une manière de transformer l’Etat en mafia, l’économie en pillage et la politique en supercherie. C’est ce qui est advenu en Occident, où la politique internationale est entre les mains d’intermédiaires qui ont l’argent, et les médias, et qui dominent les politiques", relève-t-il. "Il en va de même du religieux, lorsqu’il se libère de la politique, cela peut donner lieu à des défaillances et des déviations", indique-t-il en substance. La question est comment parvenir à une équation où les libertés et les droits des personnes sont garantis, souligne le chef d’Ennahdha. Dans sa conception, la religion est une conviction personnelle, ce n’est pas l’Etat qui l’impose. "La liberté est à la base de l’Islam", assène-t-il, en avouant qu’il défend la liberté dans les deux sens : aussi bien de celui qui se dirige vers l’Islam, que de l’autre qui le renie… H.J.
|
Commentaires
Ecrit par Halal Vitamins 26-06-2012 11:56
Ecrit par lAÎCITE? 12-03-2012 08:00
Ecrit par Musulman. 10-03-2012 08:39
L’article premier de la constitution de 1959 n’a jamais été l’œuvre du laïc bourguiba. Au cas où votre mémoire serait courte ou au cas où vous seriez jeune, sachez que cet article comportait une laïcité de la Tunisie expressément et clairement notifiée et que bourguiba avait été contraint à remplacer la laïcité par l’Islam suite à une opposition Islamique farouche entreprise notamment par le militant Ahmed Ben Aïssa qui l’a menacé de mobiliser contre lui toutes les tribus tunisiennes du sud ouest et du center ouest.
Il est à rappeler, qu’en Islam, la laïcité est une mécréance.
Ecrit par alaya brahim 10-03-2012 01:56
Ecrit par khammous 06-03-2012 14:17
C'est la revanche de la justice historique ...