Tunisie : Quid du projet du code des droits et libertés individuelles ? |
Publié le Mercredi 13 Juin 2018 à 12:08 |
L’arsenal juridique actuel comprend des failles, s’agissant de la protection des droits de l’Individu et de ses libertés fondamentales. Il repose sur une constitution consacrant les libertés individuelles et des textes qui leur sont contraires, souligne la commission des libertés individuelles et de l’égalité, dans son rapport, paru hier mardi sur son site. Ce dispositif juridique est désormais "désuet" et ne répond pas aux aspirations des Tunisiens pour la liberté, de manière à "mettre un terme à la tutelle de la collectivité sur l’individu". La paix sociétale requiert une société diverse et plurielle, laquelle ne peut l’être sans que l’individu ne dispose d’un champ qui lui est propre, et d’un espace intellectuel et matériel où il peut exprimer ses spécificités par rapport la collectivité, ajoute la commission dans son rapport. Celui-ci présente une proposition de loi organique portant sur le code des droits et libertés individuelles, en vue de combler les lacunes de la législation actuelle. Le projet de code prévoit, selon l’exposé des motifs, des dispositions générales visant à poser les fondements juridiques, et conceptuels des droits et libertés individuelles. Le concept des libertés individuelles n’a jamais été consacré par le droit tunisien, et encore moins par le droit comparé, alors que les jurisconsultes se sont, en majorité, contentés de donner une définition négative à la liberté individuelle, étant une liberté qu’on pratique sans avoir besoin de la collectivité, relève le rapport. La définition de la liberté individuelle telle qu’elle a été proposée tient compte de deux critères : le premier a trait à l’individu lui-même, et le second à la forme selon laquelle cette liberté sera pratiquée. Il s’agit aussi de garantir la non-discrimination entre citoyens et citoyennes, et entre l’ensemble des citoyens et les étrangers, en matière de jouissance de ces libertés. "Le but est d’en finir avec les pratiques discriminatoires répandues dans la société et qui reposent sur la couleur, le sexe, la filiation, l’orientation sexuelle, et autres motifs qui entrent dans l’intimité de l’individu, et qui ne représentent pas une menace pour la société et l’Etat", souligne le rapport de la commission. L’ensemble de ces droits ont été définis à partir du texte de la constitution, et des traités ratifiés par la Tunisie. Les droits et libertés retenus sont : Le droit à la vie ; le droit à la dignité ; le droit à l’intégrité physique ; le droit à la sûreté et à la liberté ; la liberté de pensée, de croyance et de conscience ; la liberté d’opinion et d’expression ; le droit à la vie privée ; le droit à la protection des données personnelles ; le droit à l’inviolabilité du domicile ; le droit à la confidentialité des correspondances et des communications ; la liberté de circulation et de résidence ; la liberté des arts ; et les libertés académiques. L’article premier dudit code définit les droits et libertés comme étant ceux qui visent à protéger l’individu en tant que tel et dont la pratique ne requiert pas la participation d’autrui, L’article 04 interdit la discrimination entre l’homme et la femme en matière de reconnaissance de ces droits et libertés, et leur pratique, La discrimination est proscrite entre un Tunisien, un étranger ou un apatride quant à reconnaître les droits et libertés individuels, en bénéficier, les pratiquer, sauf exception prévue par la constitution Tout comportement, action ou décision de l’administration qui renie les droits et les libertés, les restreint, les discrimine ou revient dessus est considéré comme étant nul et non avenu, en vertu d’une loi, L’article 09 : Personne ne peut être empêchée de se présenter à des fonctions électorales, au nom d'une restriction à ses droits et libertés, Article 10 : Il est interdit pour tout employeur public ou privé, dans tout organisme ou entreprise, d’édicter des conditions de recrutement, de formation, de rémunération, de promotion, de mutation ou de poursuite de la relation professionnelle, à même de restreindre les droits et libertés des salariés, ou de les discriminer, Article 15 : Personne ne peut être empêchée de fréquenter les espaces publics à l’instar des cafés, restaurants, hôtels, les espaces commerciaux, et distractifs, ou emprunter les moyens de transport, dans le cadre d’une restriction à ses droits et libertés , L’article 16 énonce le droit à la vie, et l’article 17 abroge la peine de mort. Tout condamné à la peine de mort devra voir sa peine permuter en peine de prison à perpétuité, l’accusé ne devra pas être extradé pour un crime dont la sanction est la peine capitale dans le pays demandant son extradition. L’article 26 interdit la torture, le traitement cruel, inhumain et attentatoire à la dignité. Il est interdit de faire usage de violence sous quelque prétexte que ce soit disciplinaire, pédagogique, ou autre, Selon l’article 49, toute personne a droit à la liberté de pensée, de croyance et de conscience, L’article 50 : La liberté de croyance et de conscience revient à la liberté de l’individu d’adopter ou non une religion donnée, sa liberté de se convertir à une religion ou une croyance qu’il aura choisi, sa liberté de montrer sa croyance en accomplissant les rites, seul ou avec un groupe ; en public ou isolé. Article 57 : Toute personne a droit au respect de sa vie privée, à la préservation de son caractère confidentiel, sans aucune immixtion, La vie privée concerne l’apparence de la personne, sa vie affective, sexuelle, familiale et sociale, son état de santé, sa situation financière, ses convictions et croyances, les comportements et discussions dans un lieu privé, les discussions non destinées au public, ou celles ayant été menées par téléphone ou par n’importe quel autre appareil. Article 63 : toute personne a droit à la protection de ses données personnelles, Article 64 : les données personnelles ne peuvent être traitées que dans le cadre de la transparence, la confiance et du respect de la dignité de la personne Article 72 : Toute personne a doit au respect de la confidentialité de ses correspondances et ses communications, Le projet Code de 93 articles prévoit des amendements des lois en vigueur en vue d’une meilleure harmonie au sein de l’arsenal juridique. Les articles à amender concernent le code des plaidoiries civiles et commerciales, le code pénal, le code des procédures pénales, et le code des plaidoiries et des sanctions militaires. Un amendement du code pénal est préconisé pour ce qui est de la criminalisation de la discrimination : "Est considérée comme discrimination toute ségrégation entre personnes du fait du sexe, de la race, de la couleur, de l’apparence extérieure, de l’âge, de l’état de santé, de l’handicap, des orientations sexuelles, de l’état de grossesse, de la langue, de la religion, de l’opinion politique on non politique, de l’activité syndicale, de l’origine sociale, du lieu de résidence, de la fortune, de la filiation, de l’état civil ou autres". Une peine de deux ans de prison et une amende de 5 mille dinars sont prévues, avec privation de l’exercice d’une fonction publique, et du droit de vote, contre celui qui est rendu coupable d’une quelconque discrimination. Gnet
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