Tunisie : Que propose la commission de l’égalité sur l’héritage, la dot, et le nom de famille ?

Publié le Lundi 22 Janvier 2018 à 17:15
La commission veut donner la liberté aux époux en matière de dot, et de droit successoral.La commission des libertés individuelles et de l’égalité devra soumettre au plus tard dans un mois son rapport au président de la république qui comprend 25 propositions visant à renforcer les libertés individuelles et à instaurer l’égalité entre l’homme et la femme.

Créée le 13 août dernier dans la foulée du discours du président de la république prônant l’égalité homme/ femme en matière d’héritage, cette commission devra préparer les contours de la réforme du Code du Statut Personnel (CSP) conformément aux valeurs de l’Islam et aux principes de la constitution.

Des fuites qui se sont répandues dernièrement sur les réseaux sociaux sur des supposées propositions de la commission ont nourri la polémique, à l’instar de la liberté d’annuler la dot dans le contrat de mariage, la liberté pour l’enfant de choisir à la maturité, son nom de famille, celui du père ou de la mère, et la liberté donnée aux  hommes et femmes de choisir en matière de droit successoral entre les prescriptions de l’Islam, et l’égalité. Les propositions auraient aussi prévu l’éventualité que la tutelle soit accordée à la femme, au même titre que l’homme. 

Intervenu ce lundi 22 janvier sur Mosaïque et Express, Slaheddine Jourchi a déclaré que les propositions fuitées ont été mal interprétées, signalant que certaines d’entre elles sont en cours de discussion. La commission n’a pas encore statué dessus. 

Au sujet de la dot, il a expliqué que la commission n’a pas proposé de l’abroger. Mais elle suggère que la dot ne soit plus une condition nécessaire à la validité du mariage, et son absence n’entraîne pas son annulation.

La dot pourrait faire l’objet d’un accord entre les futurs époux, et reste tributaire de leur perception à ce sujet, a-t-il ajouté. 

Dans la législation actuelle, la dot est une condition sans laquelle le mariage est considéré comme étant nul et non avenu. «Le mariage n'est formé que par le consentement des deux époux. La présence de deux témoins honorables et la fixation d'une dot au profit de la femme sont, en outre, requises pour la validité du mariage», stipule l’article 154 du code du statut personnel.

S’agissant du nom de famille, Jourchi a indiqué qu’une proposition est en train d’être discutée au sein de la commission sur la possibilité d’octroyer le nom de la mère à l’enfant, à côté de celui du père. Une proposition qui ne met pas en doute la filiation de l’enfant à son père, et qui doit intervenir de commun accord entre les parents, a-t-il ajouté. 

Pour rappel, l'amendement n°93-74 du 12 juillet 1993 portant modification du Code du Statut Personnel donne le droit à la femme de transmettre son patronyme et sa nationalité à ses enfants au même titre que son époux -même si elle est mariée à un étranger - à la seule condition que le père ait donné son approbation.

Au sujet du droit successoral, il a souligné que cette question n’a pas été encore tranchée, évoquant l’éventualité que la commission propose de laisser la latitude aux époux de choisir entre ce que prévoit l’Islam en la matière, et le principe d’égalité.

Pour ce qui est de la tutelle, au sujet de laquelle, la commission doit se prononcer, elle est accordée, selon la législation actuelle, au père, et ne se transmet à la mère qu’en cas de décès ou d’infirmité. «Le père est le tuteur de l'enfant mineur et, en cas de décès ou d'incapacité du père, c'est la mère qui en est tutrice légale. La tutelle est exercée de droit sur l'enfant mineur par le père, puis par la mère, puis par le tuteur testamentaire», stipule le CSP.

Dans une récente déclaration au site al Arabi al-Jadid, Slaheddine Jourchi a annoncé que la commission va présenter à la mi-février au président de la république un rapport comportant 25 propositions, portant essentiellement sur les libertés individuelles, et les moyens d’instaurer l’égalité entre les deux sexes.

Selon ses dires, les oulémas de l’Islam ont été écoutés, et ont livré leur opinion au sein de la commission sur l’égalité entre les deux sexes, le nom de famille, le droit successoral et la dot.

Une fois en possession du rapport, le président de la république pourrait présenter une initiative législative à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), reprenant les propositions de la commission, ce qui ouvrira la voie à une réforme cruciale du Code du Statut Personnel (CSP), en vue de s’acheminer vers plus d’égalité homme/ femme.

Les choses ne seront pas, néanmoins, aussi simples, s’agissant de réformes sociétales qui divisent, et alimentent la controverse en Tunisie, et au-delà. Leur passage à l’Assemblée ne pourrait intervenir que moyennant compromis et approche consensuelle acceptés par tous.
Gnet