Tunisie, quand l’émigration se conjugue au féminin

Publié le Lundi 20 Septembre 2010 à 22:57
Les Tunisiennes émigréesA travers l’histoire et dans toutes les contrées du monde, souvent, des hommes quittaient leur patrie pour aller chercher ailleurs ce qui leur permettait d’améliorer leur quotidien. D’ailleurs ceux dont le mari, le père, le fils ou le frère travaille à l’étranger, ont souvent suscité l’admiration, voire l’envie. En Tunisie aussi, puisque nous connaissons un volet, en matière d’émigration. Chaque famille a, au moins, un membre ou un parent qui a tracé sa voie sous d’autres cieux, jouissant de moyens financiers au dessus de ceux de ses semblables restés au pays.  C’est parce que la responsabilité de nourrir la famille et de subvenir à ses besoins incombe aux hommes de la famille, que ceux-ci partent parfois, pendant de longues périodes, envoyant de l’argent et des nouvelles, chacun selon sa situation depuis son pays d’accueil. Maintenant, de plus en plus d’hommes émigrés choisissent de se faire accompagner par leur épouse et enfants. Ceux partis célibataires ne se font pas de soucis, un jour ils trouveront quelqu'un pour partager leur vie…entre-temps, ils jouiront de la chance de vivre entre deux rives. Il y a également ceux à qui la chance ne sourit pas forcément. Ils trainent pendant de longues années, bravant les obstacles pour pouvoir faire vivre leur famille restée au pays.

On a pris l’habitude que des hommes partent dans des pays lointains pour des raisons économiques, mais aujourd’hui les choses ont changé. Les femmes aussi partent seules, tenter l’aventure réservée jusqu’il n’y a pas longtemps aux hommes. Parce qu’elles sont tout autant éduquées que ces derniers, et ayant des rêves de grandes carrières ou de grandes études, elles partent faire leur chemin dans d’autres pays. L’on verra que la distance ne leur fait pas peur.

Elles demeurent certes, moins nombreuses que les hommes à émigrer mais non moins motivées et décidées. Se trouvant aux quatre coins de la planète, les Tunisiennes qualifiées sont reconnues dans tous les domaines d’activités, comme c’est le cas d’Ines, qui malgré la complexité de son travail, n’a pas déchanté. Il y a sept ans, elle est partie de l’institut préparatoire de Sousse, vers le Nord de la France pour entamer une spécialisation en Ingénierie Ponts et Chaussées. Trois ans plus tard, elle est la cible d’une multitude de chasseurs de têtes, qui lui proposent des postes un peu partout en France. «  J’ai alors choisi Paris, la meilleure pour que je puisse faire mes preuves et avoir le plus d’opportunités possibles. Ma spécialité est plutôt rare en Tunisie et plutôt réservée aux hommes, ce n’est qu’ici que je pouvais aspirer à une ascension de carrière en travaillant sur des projets de grande envergure, en me heurtant le moins possible au machisme», dit-elle, en parlant des circonstances de son départ pour la France. Ines a toujours été très ambitieuse, elle avait de très bonnes notes au lycée, lui permettant d’accéder à ce qui représente pour elle un gage de réussite sociale, à savoir des études en ingénierie. Mais pour une femme, il n’y a pas que la carrière dans la vie, tu es d’un autres avis ? «  Je le sais bien…Mais je me suis noyée dans le travail, je suis constamment sur de grands projets et je deviens presque comme une machine à produire de la valeur ajoutée. Il faut dire aussi qu’il est plus facile ici de trouver des hommes tunisiens avec une bonne situation, mais il est rare de trouver un homme qui réponde à mes critères, un homme droit qui ne se serait pas complètement détaché de notre culture et traditions et qui partage les même valeurs que moi », répond-elle. La jeune femme semble bien savoir ce qu’elle veut, et surtout ce qu’elle ne veut pas. Elle estime que parfois «  vaut mieux être seule que mal accompagnée ». Elle n’est pas pressée par le temps qui passe, elle veut surtout rencontrer quelqu’un qui réponde à ses critères et qui aussi plaise à sa famille.

Un autre continent, une autre expérience. C’est aux Emirats Arabes Unis, que Myriam a posé ses bagages, il y a deux ans. Elle est partie travailler pour un groupe de presse, un travail qu’elle bénit, parce qu’il correspond en tout point à ses aspirations. Aujourd’hui, à  28 ans, elle ne pense toujours pas à rentrer, de peur de perdre tous les privilèges que lui procure son travail. « J’aime la qualité de vie que l’on peut avoir ici, je m’y suis habituée et je pourrais dire que si j’étais restée en Tunisie, cela n’aurait pas été aussi bien ». Pourtant Myriam avait déjà une carrière bien lancée avant de quitter le pays, mais là où elle est actuellement, les conditions de travail l’encouragent à supporter l’éloignement et le mal du pays. En Tunisie, elle a laissé famille et amis et surtout un partenaire. « Mais il respecte beaucoup que je veuille réussir ma carrière professionnelle, et il n’est pas question dans l’immédiat de fonder une famille donc nous gérons la relation à distance. On arrive même à se voir tous les deux ou trois mois, chose qui nous convient parfaitement» ajoute-elle. Une preuve que le besoin de liberté n’est plus qu’une affaire d’hommes, les femmes aussi prennent leur avenir en main, faisant fi des préjugés et des qu’en dira-t-on.

C’est aussi le cas d’Imen.  Faisant partie d’une famille conservatrice, issue d’un quartier populaire, elle échange un avenir incertain  contre un contrat dans une agence de voyage au Koweït, qu’elle quitte un an plus tard pour un poste de réceptionniste dans une clinique canadienne à Dubai. Les débuts sont loin d’être simples, la vie est plutôt couteuse, mais elle tient à aller jusqu’au bout de ce qu’elle s’était tracée «  ne pas revenir en arrière, sinon ça témoignerait de mon échec et m’aurait exposée aux critiques de mes proches et amis ». Petit à petit, elle a réussi à trouver un meilleur poste dans une société de gestion d’actifs financiers, et a commencé à envoyer de l’argent à sa famille. « Je compte même m’acheter un appartement, je serre la ceinture et j’envoie chaque mois de l’argent au promoteur immobilier, jusqu’à ce que je paie la totalité du prix », dit-t-elle avec beaucoup de fierté. Mais qu’en est-il de ta vie personnelle, penses-tu un jour à sceller ton avenir à celui d’un homme, et rentrer définitivement au pays ? « Je vais vous dire une chose, les quelques fois où je suis rentrée rendre visite à ma famille, des hommes se sont montrés intéressés, sans que cela ne soit vraiment concluant. Je ne vous cache pas que les hommes en Tunisie pensent du mal des filles comme moi qui sont parties travailler dans les pays du Golfe. Pour eux, je suis sans équivoque une fille qui se fait entretenir et ils me demandent tout de suite de quitter Dubaï et de revenir chez mes parents, » répond  Imen sans cacher sa déception. « Ils n’ont aucune idée du mal que je me fais pour gagner ma vie et m’assurer un bon avenir… je ne vous cache pas ma déception ». Et d’ajouter : «  De toute façon, se qui compte le plus en ce moment c’est mon travail, et je ne pense plus à me lier à un homme en Tunisie », une réponse que l’on était habitué à entendre de la bouche des hommes, mais vraisemblablement, l’égalité hommes-femmes n’est plus un mythe.

Plus loin, à des milliers de kilomètres, Selma est partie vivre seule aux Etats-Unis d’Amérique. Ayant grandi en Tunisie et fait ses études en France, elle a toujours rêvé d’aller vivre aux USA, jusqu’à ce que ce rêve se réalise via un site internet qui propose des postes d’enseignants dans son pays de prédilection. Elle passe des tests qu’elle réussit, et en janvier 2001, elle saute dans l’avion, direction Chicago. Neuf ans après, la quarantaine entamée, elle ne regrette pas sa décision : « Ici, il est possible de monter haut professionnellement. J'ai toujours été curieuse, avide de nouveautés, originale, libre...La Tunisie, je savais depuis gosse que ce n'était que temporaire...il me fallait de vastes espaces...il fallait que je puisse déployer mes ailes», dit Selma. A l’époque où elle quittait le pays, Selma était une athlète internationale, débordante d’énergie et aimant relever les grands défis. Ce qui était considéré comme tempérament « impulsif » dans des pays comme la France ou la Tunisie devenait un atout au pays de l’Oncle Sam. Aujourd’hui elle participe activement à la vie associative de son quartier. Au début de ce mois, pour collecter des fonds pour une association de lutte contre les maladies respiratoires, elle réussit le rappel d’un building de 27 étages à Chicago. Rien ne l’arrête. « Ici, on respecte les gens qui ont des idées originales, on encourage la créativité et l’audace et la prise de risque, c’est très différent de là où j’ai vécu avant », termine Selma.

Une autre jeune femme, que l’on va appeler Nadia est née en 1977 dans un village tunisien du Sahel. L’histoire de son départ, est pour elle, très douloureuse. Elle est partie aux USA en 2002, dans le cadre d’un programme qui fournit aux candidates un logement gratuit et un salaire symbolique chez une famille d'accueil qui a besoin d'une baby-sitter bilingue. Et elle n’est jamais rentrée. « J’ai voulu quitter  pour échapper à la tyrannie de ma mère et de la famille de mon père qui voulaient me marier à n'importe quel prix, et qui étaient contre le fait que je continue mes études. J'ai convaincu mon père de me laisser partir aux USA sous prétexte qu'il s'agissait d'un stage de formation. Une fois arrivée ici, je leur ai dévoilé que je ne comptais pas revenir avant de finir mes études…et que c'était à moi de choisir à qui me marier et non pas à mes oncles d’en décider », révèle la jeune femme. Une histoire qui a démarré dans la souffrance mais qui est en train de se transformer en conte de fée, puisque Nadia a tout réussi ; ses études, une brillante carrière professionnelle et sa vie de femme, non sans beaucoup de sacrifices. « Ici tout m’encourage à rester, le salaire, le professionnalisme, l’organisation…mais il m’arrive de regretter  aussi ma famille, que j’aimerais beaucoup revoir pendant les grandes occasions. Mais à part mon père qui a toujours cru en moi, le reste de ma famille ne me considère plus comme l’une des leurs ». C’est tout dire. C’est aussi le cas de Meriem, partie faire ses études au Canada, et qui depuis 5 ans est restée y vivre. Elle y a rencontré un homme avec qui elle partage beaucoup d’idéaux, et se voit faire sa vie avec lui. Et la liste des exemples est très longue.

Combien de femmes sont-elles parties ou cherchent à partir ? Il n’existe pas de chiffres exacts, mais beaucoup encore au pays disent vouloir émigrer. Mais qu’en est-il de leur avenir de femme et de mère ? Comment voient-elles leur vie dans quelques années ? « Mon avenir est exactement ce que je ferai demain, et demain j’ai un rendez vous chez mon dentiste. Au-delà de ça je ne saurais répondre », confie Ines. Toutes ces femmes, ne savent pas plus qu’elle, de ce qu’elles feront des années à venir. Toutes se disent être convaincues par leur choix et heureuses malgré tout…et comme dans toute grande décision, il y a un prix à payer. Celui là s’appelle le mal du pays. 
Chiraz Kefi
 
 

Commentaires 

 
#15 RE: Tunisie, quand l’émigration se conjugue au féminin
Ecrit par el_manchou     24-09-2010 10:47
ما يقعد في الواد كان حجرو
 
 
#14 Nombrilisme
Ecrit par Jeudi 23     23-09-2010 20:45
Après plus de cinquante année d'indépendance (...) (dans les faits, le reste ce n'est que de la littérature), n'est-il pas honteux de ne pouvoir proposer aux jeunes que de foutre le camp (je m'excuse pour le terme, mais c'est celui qui convient le mieux!) ?
Quand allons nous arrêter d'admirer nos nombrils ?
 
 
#13 RE: Tunisie, quand l’émigration se conjugue au féminin
Ecrit par el_manchou     23-09-2010 10:01
@yasmine : oui beaucoup de femmes préfèrent privilégier leur carrières et oublient de se marier et d'avoir des enfants et ne vivent pas une bonne vié, vaut mieux rester en terre d'islam.
au fait, comment va éric ?
 
 
#12 RE: Tunisie, quand l’émigration se conjugue au féminin
Ecrit par yasmine     23-09-2010 09:09
c'st vrai que la priorité pour beaucoup de femmes n'est plus le mari c'est leur carrière et la réalisation de soi qui les pousse à partir vers d'autres cieux .Je réponds à el manchou : ah bon tant mieux pour ceux qui restent ? sans leurs cerveaux? et bien bravo tant mieux pour ceux qui restent si ce n'est pas dans la médiocrité
 
 
#11 RE: Tunisie, quand l’émigration se conjugue au féminin
Ecrit par el_manchou     22-09-2010 16:40
l'émigration féminine est aussi dûe à beaucoup de tunisiens de l'étrangers qui reviennent chercher bent le7lel au bled
 
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