Tunisie/ Politique : Cette gauche qui doit évoluer

Publié le Jeudi 09 Octobre 2014 à 17:22
La gauche contemporaine dans le monde arabe, est le thème d'une conférence tenue à Tunis, ce jeudi 9 septembre 2014, organisée par la Fondation allemande Rosa Luxemburg. Le Sociologue Mouldi Gassoumi, et Riadh Ben Fadhel, membre du Front Populaire, ont abordé le cas de la gauche en Tunisie.

Mouldi Gassoumi affirme qu'il existait deux sortes de gauche en Tunisie, qui se sont clairement distinguées au début de la révolution lors du sit-in d'El Kasbah 1 et 2. L'une qui soutenait le premier gouvernement de Mohamed Ghannouchi et l'autre qui s'y opposait.
 
La composition du Front populaire est issue de plusieurs partis qui ne sont pas complètement intégrés: "Ils ne se ressemblent ni sur la vision sociétale, ni sur le plan de leurs origines, ni sur l'idéologie...la vraie question est comment faire pour que cette structure devienne productive et non pas uniquement une structure de forme", a dit le sociologue. 

Selon lui, la gauche tunisienne ressemblerait à une réserve naturelle "qui attire les regards, sans évoluer, mais qui ne se perd pas ", a-t-il comparé. 

 Mouldi Gassoumi estime que cette gauche et le "révolutionnarisme vain" finissent par se croiser, "et la situation qui prévaut actuellement en Tunisie, en est la parfaite expression", a-t-il ajouté, appelant à ce que ses objectifs soient revus.
 
Riadh Ben Fadhel a déclaré pour sa part que l'objectif majeur du Front Populaire est de réaliser les objectifs de la révolution, " et nous estimons aujourd'hui que ces objectifs n'ont pas été encore atteints...", a-t-il dit.
 
Avant de rejoindre le Front Populaire, le parti de Riadh Ben Fadhel, le Pôle Démocratique Moderniste étaient de ceux qui soutenaient le gouvernement de Mohamed Ghannouchi.

Aujourd'hui encore, Ben Fadhel dit que son parti d'origine, maintient sa position sur le rendement de ce gouvernement, tandis que le reste de la gauche s'y opposait.  "La réalité a exigé que l'on rejoigne le Front populaire, car malgré toutes les différences et les différents qui nous opposent, la gauche tunisienne est plus homogène que la gauche d'autres pays arabes", a-t-il dit.
 
Il a reconnu que son parti doit se remettre en question, surtout que le plus grand parti de gauche, celui des Indépendants  ne fasse pas partie du Front populaire : "Le grande base populaire de gauche n'adhère pas à cette coalition alors qu'elle devrait, puisqu'elle y est liée de manière organique...nous sommes encore un cartel de partis, et nous devons progresser", a-t-il dit.
 
Il a rappelé par ailleurs, que feu Chokri Belaid, a été le premier à constater l'échec des forces révolutionnaires lors du 23 octobre 2011 qui serait dû à l'échec du front du 18 octobre.
 
Selon lui, la gauche tunisienne défend certes les intérêts des travailleurs, mais ses leaders ne proviennent pas de la classe ouvrière, mais plutôt d'une classe instruite, issue même de la petite bourgeoisie, "  Ces leaders bien qu'ils portent un  vrai projet social, ils demeurent en rupture avec leur base électorale", a regretté Riadh Ben Fadhel.

Le Front populaire qui est la coalition de forces d'origine marxiste ou nationalistes, est selon lui, une force réformiste, puisqu'elle est passée de 16 courants au passé, à actuellement 9 courants.

"Le projet de création d'un parti de gauche unifié n'aurait pas pu exister sans l'intervention du Front populaire....la plus importante réserve politique de la force de gauche qui considère que le marxisme est à l'origine du mouvement n'a été amené à dialoguer avec le reste des courants  que grâce au Front populaire", a-t-il expliqué, tout en s'appuyant sur l'exemple de les partis de gauche au Maroc ou en Palestine qui n'ont pas connu la même facilitée pour gommer leurs contradictions. 
 
Une étude élaborée par la Fondation Rosa Luxemburg, révèle que la gauche tunisienne n'a pas réussi après le 14 janvier à se faire une grande place chez la classe populaire, là où elle est censée  avoir le plus de succès. 
 
A l'issue des élections du 23 octobre 2011, le parti islamiste Ennahdha avait remporté 89 sièges à l'Assemblée, tandis que toutes les factions réunies de la gauche en avaient remporté 14. Le Pôle Démocratique Moderniste est le parti de gauche qui avait eu le plus de sièges, soit 5, talonné par Le Parti des Travailleurs avec 3 sièges. 

De ce fait, le rapport recommande à la gauche tunisienne à s'autocritiquer et à penser à une idéologie politique démocratique qui donnerait des réponses claires et convaincantes à la situation de chaos politique.

La gauche tunisienne doit, selon la fondation, rejoindre les attentes du peuple, et présenter des lectures des évènements que vit la société, notamment des évolutions économiques et sociales, tout en évitant l'immersion dans les concepts révolutionnaires qui n'ont plus aucun écho auprès des nouvelles générations.
 
Chiraz Kefi