Tunisie : BCE tient Chahed et ses alliés pour responsables de la situation

Publié le Vendredi 28 Décembre 2018 à 16:20
BCE annonce ce vendredi la reprise du dialogue entre le gouvernement et l'UGTT.Béji Caïd Essebsi a tenté ce vendredi de reprendre les choses en main, tout en s’affichant en tant que première autorité dans le pays, celui qui incarne le magistère, qui montre la voie et qui est le plus habilité à évaluer l’ampleur des événements et à en mesurer les conséquences.

Le chef de l’Etat a décidé en cette fin d’année de renouer les canaux du dialogue, rompus depuis fin Mai dernier, date du gel du document de Carthage, et de réunir autour de la table ceux qu’il "considère comme étant responsables de la gestion des affaires du pays" : le chef du gouvernement, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), les chefs de la centrale syndicale et du patronat, et les premiers responsables d’Ennahdha, Machrou Tounes et de la coalition nationale, ceux qui donnent "une couverture au gouvernement, et lui assurent un important soutien au parlement, avec 130 voix".

Dans ses propos liminaires, BCE a alerté sur "la situation du pays extrêmement déplorable et qui va de mal en pis". Il a tenu le gouvernement et les partis qui le soutiennent pour responsables de cette situation : "Je vous considère comme étant responsables avec le gouvernement de la situation du pays et tout aussi responsables de parvenir à des solutions", a-t-il asséné, dans une tentative de se soustraire lui-même à la responsabilité, et d’en exclure Nidaa Tounes dont à aucun moment le nom n’a été évoqué lors de cette réunion, bien qu’il soit considéré comme ayant un pied dans le pouvoir, et un pied dans l’opposition.

Le locataire de Carthage a mis en garde contre les possibles  retombées politiques, économiques, sociales et sécuritaires de la grève générale décidée par l’UGTT le 17 janvier 2017, en faisant l’analogie avec la grève de 1978, et les circonstances qui l’avaient entourée.

Grève Générale de janvier 1978
En faisant un flash-back quarante ans en arrière, un exercice dans lequel il est passé maître, BCE a relaté avoir pris l’initiative de concert avec Ahmed Mestiri et Hassib Ben Ammar, alors qu’ils étaient en dehors du pouvoir, de rapprocher les points de vue entre les parties gouvernementale et syndicale.

"Nous avons discuté avec le pouvoir d’alors de Hédi Nouira, Abdallah Farhat, Dhaoui Hambliya, ministre de l’Intérieur et Mohamed Sayah, directeur du parti d’un côté, et avec Habib Achour de l’autre, mais n’avons a pas réussi à rapprocher les positions", a-t-il dit, rappelant les conséquences ayant découlé de la grève de janvier 1978, communément appelée le jeudi noir, en termes "de morts, d’incarcération, et d’effritement du pouvoir".

Finie la réunion et entouré de tous les participants, le président a fait une déclaration solennelle où il a réitéré que la situation est difficile, évoquant la crainte que la crise ne s’exacerbe.

"Le pays s’apprête à entamer une nouvelle année importante, une année électorale par excellence, au cours de laquelle il a de surcroît des engagements internationaux, avec le sommet arabe (prévu en mars 2019), des échéances qui nécessitent un climat politique positif", a-t-il souligné.

BCE a mis un bémol en faisant état des dispositions positives perçues chez les différentes parties de vouloir surmonter les difficultés, après avoir échangé les points de vue en toute "liberté et franchise".

Il a encore annoncé la reprise du dialogue entre le gouvernement et l’UGTT dans les délais les plus proches, pour parvenir à un accord (à même d’éviter la grève du 17 janvier), en envisageant une autre réunion à Carthage la semaine prochaine pour s’en arrêter aux résultats.

"La Tunisie se trouve dans une situation géopolitique, régionale et financière difficile", a-t-il encore insisté, formulant le vœu que l’on appréhende la nouvelle année avec "la foi de surmonter les difficultés d’une manière progressive, conformément à la politique des étapes qui ne nous est pas étrangère".

Cette réunion annonce-t-elle un dégel des rapports entre les deux têtes de l’exécutif, et entre le président de la république et le mouvement Ennahdha, dont les relations se sont grandement crispées cette dernière période ? Tout en semblant vouloir se placer au-dessus des querelles partisanes,  remplir pleinement sa fonction présidentielle, et rasséréner le climat, le chef de l’Etat garde bien ses distances avec ceux qu’il considère toujours comme étant des adversaires politiques, en étant ce vendredi beaucoup plus juge que partie.

Gnet