Tunisie: Parution de l'étude prospective autour du projet moderniste

Publié le Mardi 22 Mai 2012 à 20:04
«Le projet moderniste a besoin de quatre conditions, importantes à sa réussite, la volonté de l’Etat, la volonté de l’élite, le mouvement national et finalement le rôle du mouvement syndical. Ce projet a déjà commencé avec Mohamed Ali EL Hammi et Taher Haddad. Ce sont eux qui ont donné la base du mouvement réformiste. L’originalité de ce projet réside dans le fait que c'est la société civile qui l’ait entrepris qui a une emprunte syndicale, qui doit être ancrée dans ses origines  », a dit en prélude Habib Guiza, président de l’association club Mohamed Ali de la Culture ouvrière, présentant le livre « Tunisie 2040 : Contribution au renouvellement du projet moderniste ».

Il ajoute : «  nous sommes avec le moderniste, nous ne sommes pas laïc…nous sommes séculiers et pas laïcs, nous sommes les petits-enfants d’Avéroès (Ibn Rochd). La Tunisie, sa langue est l’arabe, l’islam sa religion et son approche est la modernité », tout en précisant que la notion de modernité est plurielle et diversifiée qui appelle à tout développer, tout décortiquer. 

Cette étude prospective réalisée par un groupe d’experts en économie, en droit, en sciences sociales, en histoire, en environnement, et d’autres encore, a démarré en  janvier 2009. Dans l’introduction de l’ouvrage présenté cet après-midi à Tunis, l’expert en relations internationales, Ahmed Ounaïes rappelle que le travail devait durer entre 12 et 14 mois, mais la révolution qui a éclaté en décembre 2010 avait changé le contexte. «Cet évènement n’a, en rien changé, l’âme de ce travail. Il a mis à l’épreuve la pertinence des principes arrêtés et les a confirmés, à savoir : l’existence d’une impasse, le sentiment de déception et l’absence de perspectives », peut-on lire. 

Selon Ahmed Ounaïes, la Tunisie vivait une période de stagnation et de dégénérescence dont était coupable le régime en place. « Les mouvements sociaux qui voyaient le jour témoignaient de la fragilité politique et du déséquilibre régional  qui régnait ». Il a évoqué le soulèvement des habitants du bassin minier de Gafsa en 2008, celui de Ben Guerdane en août 2009, jusqu’à la réélection pour un 5ème mandat de Ben Ali, provoquant le ras-le-bol général en décembre de la même année, et qui a provoqué la chute du régime.  
 
Et Habib Guiza d’ajouter que le travail de prospection a été étayé par l’organisation de trois universités d’été et 20 conférences, faisant participer la société civile, pour renforcer le contenu et collecter le plus d’idées possibles. 

Le sociologue Abdelkader Zghal a pour sa part parlé de son expérience au sein du projet. Il a expliqué que le projet  était au départ, adressé à la société civile et non pas à l’Etat. « Comment ceci a-t-il germé ? En 2004, nous étions avec des intellectuels assis à la terrasse d’un café, et nous avions vu flâner des jeunes femmes voilées. Nous nous sommes alors interrogés sur l’existence d’outils pour étudier ce phénomène qui, selon nous, allait caractériser les 20 années prochaines années. En effet il n’existait pas d’outils ». 

Le projet s’est penché sur certains concepts, parmi lesquels la laïcité. «Nous avons essayé de comprendre ce qu’elle signifiait. Nous avons trouvé qu’elle allait de pair avec le concept de citoyenneté, et ce partout dans les pays qui la prônent. Il n’existe de laïcité sans citoyenneté. Et dans toutes les recherches, il n’existe pas d’études approfondies sur le concept de citoyenneté.
 
Par ailleurs, "dans l’imaginaire collectif, la Tunisie est constituée de deux pôles. Un pôle islamiste et un pôle moderniste. Ceci est dans l’imaginaire principalement français. Or, le régime tunisien se rapproche plus des sociétés protestantes que catholiques », a-t-il dit.
 
D’après l’économiste Mahmoud Ben Romdhane, le projet a abordé la modernité dans sa globalité et dans tous les domaines, sans en dissocier la religion, et surtout la culture. « Le projet parle du rôle moderniste de l’expérience tunisienne dans la culture et l’essoufflement de celle-ci en Tunisie. Mais aussi de la modernisation des institutions administratives qui est le fondement du développement ».  Il a enfin rappelé que la Tunisie est spécifique et particulière.

Ce livre coréalisé par le Mepi, le Cemaref, l’Institut Français de Coopération et l’association Friedrich Ebert Stiftung est proposé à la vente au prix de 25 dinars.

C.K