Tunisie : "Nous sommes tous Tataouine, nous sommes tous le gouvernement !"

Publié le Vendredi 28 Avril 2017 à 17:43
Youssef Chahed lors d'une réunion jeudi 27 avril à Tataouine. Soixante ans d’indépendance, et plus de six ans de révolution, la situation dans le sud tunisien reste tristement immuable, avec des régions indigentes, dépourvues de conditions de vie décente, d’atouts pour le développement, et d’attributs de citoyenneté.

Abandonnées d’emblée par Bourguiba, dont l’œuvre de développement s’est concentrée sur le Sahel et Tunis, ces contrées aux confins du désert, à l’instar des régions du Nord-Ouest, du centre…ont vu le temps passer, des générations se succéder, des régimes politiques s'effondrer, des présidents renverser, des chefs de gouvernement défiler…, sans voir en quoique ce soit leur situation changer.

Elles étaient pauvres, marginalisées, et leur jeunesse désœuvrée dans les années 60, elles le sont encore en 2017. Chaque changement politique leur apporte de l’espoir, lequel est vite étouffé dans l’œuf, laissant place à la désillusion et à la désespérance. Elles ont patienté, se sont acclimatées tant bien que mal avec la rareté des moyens de subsistance,  enduré les affres d’une vie austère, cru en des promesses que les politiques se précipitent à leur faire miroiter à l’approche des échéances électorales, et caressé l’espoir de lendemains meilleurs, mais il n’en est rien, la fatalité de l’arriération les poursuit, les étrangle, et les étouffe, elles n’en peuvent plus, elles crient leur désarroi face à l’injustice, à une vie gâchée, et à des rêves détruits…des cris qui résonnent jusqu’aux entrailles de ce Sahara qui les entoure, muet et placide, à l’image d’un pouvoir central dont ils perçoivent les annonces comme de la poudre aux yeux.

Ce n’est pas contre Youssef Chahed, et son gouvernement, âgé de quelques mois, que Tataouine et d’autres régions se soulèvent, mais c’est contre un système qui dure depuis des décennies, incarné par Bourguiba, Ben Ali, les chefs d’Etat et de gouvernement qui se sont succédé depuis la révolution, dont les politiques se sont souvent soldées par un échec, s’agissant d’améliorer les dures réalités des régions intérieures. 

Les revendications de nos compatriotes de Tataouine sont légitimes, tout le monde en convient.
Leur résistance est pacifique, leur parole authentique, et leur souffrance véridique. Sauf que dans l’état dans lequel se trouve le pays, avec les difficultés qui l’assaillent de tous bords, Tataouine gagnerait à trouver le chemin de l’apaisement, à percevoir, d’un bon œil, les projets du gouvernement, même s’ils sont parcellaires et insuffisants, tout en continuant à porter sa voix au sein des instances de dialogue entre ses représentants régionaux et les autorités de Tunis.

Tataouine doit concourir, avec la probité, le courage et la fierté, dont se prévalent les enfants du Sud, à assurer la stabilité du pays, laquelle passe à ce stade par le soutien du gouvernement en place. Celui-ci doit être conforté, et doit disposer de temps pour qu’il puisse mettre à exécution ses politiques et programmes, d’autant plus qu’il avance sur un terrain miné par la corruption, les  guerres de clans politiques, une mafia de la contrebande qui sévit et sape les fondements de l’économie nationale, etc..

La voie de salut pour la Tunisie est aujourd’hui dans la stabilité, et la pérennité du gouvernement jusqu’à les prochaines législatives et présidentielles, tout en empêchant, tant par la loi que par la conscience civique, ceux qui soufflent sur les braises et cherchent à  instrumentaliser les contestations à des fins électoralistes, de sévir, avec le danger de mener le pays vers l’inconnu.

Notre devise nationale doit être à ce stade : "Nous sommes tous Tataouine, nous sommes tous le gouvernement". 

H.J.