Tunisie : Naissance d'un baromètre de la Justice transitionnelle

Publié le Mardi 20 Janvier 2015 à 17:19
La justice transitionnelle qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, a fait l’objet d’un atelier de travail ce mardi à Tunis, mais cette fois-ci sous un nouvel angle.

Il s’agit de l’instauration d’un baromètre pour l’évaluation de l’avancement de la Justice transitionnelle. Un projet pensé par le centre Kawakibi pour la Transition démocratique, l’ONG, Impunity Watch, et l’Université britannique D’York.

Wahid Ferchichi, coordinateur scientifique, du projet a expliqué que les efforts de toutes les instances qui ont vu le jour depuis la révolution dans le but de contribuer à la justice transitionnelle, étaient dispersés et non efficients, « ce pour quoi, il fallait une loi qui encadre le processus et sous laquelle se réuniraient tous les contributeurs », a-t-il dit. Mais malgré la loi cadre de la Justice transitionnelle, les victimes demeurent la partie la plus marginalisée et la moins bien encadrée. « A travers le baromètre de la Justice nous visons non seulement à avoir un regard extérieur et vertical sur la justice transitionnelle, mais aussi à trouver le moyen adéquat pour rendre cette justice plus efficace pour les victimes », a-t-il ajouté.

Concernant l’Instance Vérité et Dignité, Wahid Ferchichi a rappelé qu’il ne suffisait pas d’instaurer des lois pour que les choses évoluent : « La preuve en est, l’IVD rencontre des difficultés à faire son travail…car il existe déjà plusieurs actions en justice au sujet de certaines affaires, la justice judiciaire s’en charge, la justice militaire aussi, et il y a même des jugements qui ont été prononcés…il y a plusieurs intervenants dans cette question et notamment l’Etat et son rôle d’assurer une justice sociale, et d’assurer le développement qui est l’un des éléments de la justice transitionnelle… », a-t-il dit, ajoutant que plusieurs menaces planaient sur le parcours de la justice transitionnelle, notamment avec la question des archives. Selon Wahid Ferhcihci, la société civile est nécessaire pour accompagner les victimes dans la quête de leurs droits, mais aussi pour effectuer une pression, pour faire réussir le processus.

Mustapha Baazaoui, membre de l’IVD a pour sa part déclaré que le but ultime de l’Instance était de réconcilier la société. « Le problème des archives avec le Président de la République, est la plus grande preuve qu’il existe une incompréhension du rôle de l’Instance Vérité et Dignité, alors que son but est d’arriver à une réconciliation nationale. Je pense personnellement, que l’incident qui a eu lieu avec le chef de l’Etat, peut arriver avec n’importe quelle administration…toutes considèrent l’IVD comme une menace, à leurs yeux elle représente la Justice et non pas une partie de l’appareil judiciaire…on la voit comme un perturbateur », a-t-il dit.

Il a rappelé que l’Instance Vérité et Dignité devra passer par 3 étapes, qui sont la réception des plaintes, l’investigation et l’enquête, et enfin l’élaboration des rapports. « Cette dernière étape est très importante, car ces rapports proposeront des projets de réforme, de la Santé, de l’Education, de la culture, de la sécurité, de l’administration…et actuellement on demande l’adhésion, il faut que ce soit le projet de toute la société », a-t-il dit.

Karim Ben Abdesslam, président de l’association Justice et Réhabilitation a déclaré, quant à lui que les victimes représentaient le plus important maillon dans la justice transitionnelle, et notamment dans l’instauration de la réforme. La Justice transitionnelle nécessite d’après lui trois éléments,  qui sont juridiques et concernant les aveux de l’Etat quant aux exactions commises, le questionnement et la reddition des comptes, et les réformes profondes surtout celles en rapport avec les droits de l’Homme.  «Mais aussi, il y a une exigence morale envers les victimes, auxquelles il faut rendre hommage et honorer la mémoire », a-t-il dit, ajoutant que l’Instance ne détenait pas le monopole de la vérité, ni de l’histoire.

Le Baromètre de la Justice Transitionnelle lancera une unité de recherches et d’études qui sera active pendant deux années. Sa mission est d’effectuer des recherches et études d’une part, et aider les associations œuvrant dans la justice transitionnelle, à effectuer des recherches en rapport avec leur activité.

Ce projet vise à développer la recherche autour de la question, à former des équipes pour effectuer des études de terrain, et à fournir les résultats de ces travaux aux parties concernées par la justice transitionnelle et aux décideurs. 
Chiraz Kefi