Tunisie : Moncef Marzouki lance une OPA hostile sur la base d’Ennahdha

Publié le Mercredi 24 Décembre 2014 à 00:45
Marzouki ce mardi 23 décembre lors d'un discours devant ses partisans à son QG de Campagne.Moncef Marzouki a lancé ce mardi 23 décembre un projet d’une formation politique. Qu’il s’appelle le mouvement ou la dynamique du peuple des citoyens, cette idée vise, dit-il, à canaliser l’élan populaire qui s’est créé autour de sa candidature lors de la présidentielle dans un cadre partisan pacifique. Une démarche légitime, mais sujette à interrogations.

Le président sortant lorgne-t-il sur la base et l’électorat d’Ennahdha, étant entendu que le million et les centaines de milliers d’électeurs qui ont voté pour lui lors du premier et second tour de la présidentielle sont en majorité constitués de militants, partisans et sympathisants du mouvement islamiste.

Cette idée aurait bien pu effleurer le candidat vaincu au second tour, à plus forte raison qu’Ennahdha est traversé par des frictions, aussi bien parmi ses dirigeants, qu’entre son leadership et sa base suite à sa neutralité à l’élection présidentielle. L’annonce de Marzouki serait-elle un appel de pied aux contestataires d’Ennahdha à se rallier à lui, pour constituer "cette force politique dissuasive", comme garde-fou contre le retour du despotisme. Si c’était le cas, son action serait un tantinet hasardeuse.

Le ralliement des Nahdhaouis à Marzouki le temps de cette élection présidentielle a tout l’air d’être de circonstance, étant donné que le mouvement n’avait pas son propre candidat à la présidentielle. Quand bien même il est respecté, et apprécié par la base d’Ennahdha, celle-ci n’irait pas jusqu’à renoncer à son parti d’origine pour se rallier à un parti d’adoption, même s'il en est le chef de file, ne serait-ce que pour les différences politiques et idéologiques substantielles entre Marzouki et les Nahdhaouis. Le ralliement occasionnel en est une chose, et celui définitif jusqu’à fondre dans une même formation politique en est une autre.

Quant aux discordes au sein d’Ennahdha même si elles se sont aiguisées à l’occasion de l’élection présidentielle, elles pourraient bien être circonscrites au sein de ses institutions, ou lors de son prochain congrès qui s’annonce décisif.

Lotfi Zitoun a minimisé ce mardi sur Shems les divisions au sein de son mouvement, les comparant à ceux survenus entre Trotski et Lénine, ou encore entre Robespierre et Danton, c’est-à-dire entre les tenants de la révolution permanente et les réformistes. A le croire, les débats de Majless al-Choura étaient de tout temps houleux, mais à l’époque de la clandestinité, rien ne filtrait, ce n’est que maintenant, avec les médias et les réseaux sociaux, que tout finit par se savoir, a-t-il souligné en substance.

Et puis si des partisans d’Ennahdha venaient à quitter leur parti pour une raison ou une autre, il serait plus naturel qu’ils rejoignent, le moment venu, Hamadi Jebali, leur leader démissionnaire, qui a annoncé son intention de lancer "un parti fondé sur les valeurs démocratiques et civiles". D’ailleurs, Jebali s’est précipité ce soir à réfuter "le communiqué mensonger" qui atteste de son "ralliement à l’initiative de Marzouki et son nouveau parti". "Une information dénuée de vérité", affirme-t-il.

Le président sortant aurait pris de court ce soir plusieurs parties par son annonce un peu précipitée. Il est d’usage qu’après une défaite électorale, on prend le temps de la réflexion, de l’évaluation, de l’autocritique, afin que les décisions prises qui engagent l’avenir soient portées à maturité et bien réfléchies.

Marzouki est un grand militant et son mandat était positif à plus d’un titre, comme on l’a bien souligné dans un précédent article, sa contribution serait plus fructueuse à l’avenir, s’il œuvrait à rassembler et à unifier la famille sociale-démocrate qui reste effritée principalement, pour des motifs d’égo.

Ce qui nuit grandement à la Tunisie, et risque de lui porter davantage préjudice dans le futur, c’est le morcellement politique, auxquels de grands militants historiques, à l’instar de Nejib Chebbi et de Mustapha Ben Jaâfar ont payé le prix fort. Si d’aventure, on cherche à fragiliser des forces politiques qui sont nécessaires à l’équilibre dans le pays, on aurait, à ce moment-là,  ouvert la porte au retour de l’hégémonie et du despotisme.  

L’allocution d’hier de Marzouki destinée aux régions du sud était pertinente, positive, et à la hauteur de sa réputation de démocrate invétéré qui respecte les règles du jeu démocratique, et s’en tient au verdict des urnes. Celle d’aujourd’hui, où il annonce son intention de revoir sa position, en cas d’irrégularités flagrantes, fait peur, et jette un pavé dans la mare, au moment où le spectre de l’agitation gagne certaines régions du pays.

Restons positifs et plions-nous à la décision du peuple souverain. Qu’il y ait eu irrégularités, c’est déplorable, mais cela est tout à fait normal, pour un pays qui monte ses premières marches en démocratie.

Depuis l’annonce des résultats du second tour, un flot de félicitations pour le président élu, et de louanges sur la Tunisie et son peuple, provient des dirigeants des quatre coins de la planète. La Tunisie est objet d’admiration et de respect dans le monde entier, Marzouki lui-même n’a eu de cesse de le rappeler,  tâchons de ne pas compromettre cette image, et de ne pas mettre en péril l’intérêt suprême du pays, pour quelque motif que ce soit.

H.J.


 

Commentaires 

 
+4 #2 Gbagbo
Ecrit par A4     24-12-2014 11:52
Et quand nahdha reprend les siens, il apparaîtra en tricot de peau ... à la mode Gbagbo
 
 
+2 #1 Faux calculs opportunistes
Ecrit par Tahar     24-12-2014 08:16
La machine d'Ennahdha est trop puissante pour lui. Elle va bientôt le marginaliser.
 
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