Tunisie : Mobiles et conséquences du divorce unilatéral Nidaa/ Ennahdha

Publié le Lundi 08 Janvier 2018 à 17:03
Nidaa annonce la fin de son consensus avec Ennahdha. Le week-end écoulé, une rupture a été scellée au sein d’une alliance. Nidaa a annoncé dans la soirée du samedi la fin du consensus, et de la coordination avec le mouvement Ennahdha, le considérant désormais, comme "concurrent", notamment aux prochaines municipales. Une annonce qui est loin d’être une surprise, ayant été précédée la dernière période par une succession de déclarations en faveur de la fin du rapprochement entre les deux forces de la majorité parlementaire. Inexorablement électoralistes, les mobiles confortent l’idée selon laquelle, la vie politique en Tunisie est régie par les agendas électoraux et partisans, et aucunement par les agendas nationaux.

A l’issue de sa première conférence nationale autour des élections municipales, samedi 06 janvier 2018, Nidaa Tounes a annoncé que "l’unique cadre politique qui le lie aux autres partenaires au pouvoir, y compris au mouvement Ennahdha, est le document de Carthage, précisant que sa ligne politique officielle, est celle de la concurrence politique, procédant d’une vision claire, exclusive et qui se démarque de la vision des autres concurrents politiques au niveau du projet sociétal et politique, illustré par la ligne nationale réformiste et moderniste".

Le mouvement dit son intention de se présenter aux élections municipales par ses "listes partisanes ouvertes sur les compétences, en défense de son projet national moderniste et civil, et en concurrence fondamentale avec le projet incarné par Ennahdha". Le ralliement à Nidaa Tounes pour parvenir à "la victoire aux municipales", est "l’unique garant pour la pérennité du projet national moderniste, construit par l’Etat d’indépendance sur plus de soixante ans, comme étant celui qui guide l’Etat et la société", souligne le mouvement dans un communiqué, un brin lyrique. 

Nidaa Tounes se réapproprie ainsi la même stratégie que celle adoptée lors des législatives et présidentielle de 2014, où il a bâti sa campagne électorale sur un adversaire stratégique qui est Ennahdha. L’on se souvient tous de la fameuse formule de BCE, alors candidat, selon laquelle "Nidaa et Ennahdha sont deux lignes parallèles qui ne se rencontrent pas".

En renouant avec la même recette, Nidaa poursuit trois objectifs : Le premier est d’opérer sa réconciliation interne et de s’attirer de nouveau les grâces de ceux qui sont, tant un niveau de sa direction que de sa base, hostile à l’alliance avec Ennahcha ; le deuxième est de reconquérir un électorat qui s’est érodé dans la perspective d’une victoire espérée aussi bien au scrutin local du 6 mai 2018, que dans les législatives et présidentielle de 2019 ; et le troisième est de couper l’herbe sous les pieds des formations politiques, nées suite aux multiples sécessions qu’il a connues, un vrai danger dans les urnes, dans la mesure où elles s’affichent, comme étant l’incarnation de l’anti-projet d’Ennahdha, et les tenants du réformisme, et du modernisme. 

Ce divorce annoncé d’une manière unilatérale constitue, néanmoins, un revers pour le mouvement Ennahdha, qui n’a eu de cesse de clamer son attachement au consensus avec Nidaa Tounes et la famille destourienne, et qui s’est, à maintes reprises, attaqué à ceux qui ciblent cette politique de consensus, et qui cherchent à la briser ; c’est maintenant chose faite.

Même si dans les faits, sauf nouvelles évolutions, le partenariat politique est voué à se poursuivre dans le cadre du document de Carthage, et de la coalition gouvernementale qui en est issue. Nidaa, Ennahdha et les autres partis signataires de cet accord continueront à s’asseoir à  la même table, autour de Youssef Chahed, ou du président de la république, comme c’était le cas, vendredi 05 janvier au palais présidentiel.

Reste à observer la nature de leurs rapports au sein du parlement, à l'aune de cette mini nouvelle donne. Les deux mouvements ont été souvent en parfaite symbiose à l'hémicycle, au moment du vote des lois. C’est par leur entente ouvertement affichée qu’ils ont réussi à faire passer des textes controversés, dont celui sur la réconciliation administrative. 

Quoiqu’il en soit, la prochaine période verra le retour des tiraillements et de la polarisation, propre à toute atmosphère de campagne. Un climat qui va forcément freiner l’action du gouvernement, et rendre les choses encore plus difficiles à Youssef Chahed, dont les appels à l’apaisement et à l’assainissement du climat politique semblent tomber dans l’oreille d’un sourd. Avec un risque qui pèse toujours sur la stabilité politique dans son sens large.

Gnet
 

Commentaires 

 
#1 Pas de panique...
Ecrit par Agatacriztiz     08-01-2018 18:09
Ne vous en faites pas, ils divorcent à l'amiable maintenant et se remarieront d'un commun accord après les élections municipales...
 
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