Tunisie : Mehdi Jomaâ prépare son avenir politique, avec 2019 en tête |
Publié le Jeudi 18 Septembre 2014 à 17:28 |
L’allocution prononcée hier par Mehdi Jomaâ ayant tenu en haleine la Tunisie entière, a suscité une flopée de commentaires, critiques pour la plupart, à l’endroit du chef du gouvernement. Jomaâ a annoncé devant un parterre médiatique, sa décision de ne pas entrer dans la course présidentielle, une question qui ne devrait même pas se poser, vu son statut particulier et les circonstances ayant entouré son accession à la Kasbah. Contrairement à tous les Tunisiens qui pouvaient se présenter au scrutin présidentiel, pour peu qu’ils remplissent les conditions, Mehdi Jomaâ et son gouvernement n’en ont pas le droit. C’est qu’ils forment un gouvernement de consensus, fruit du dialogue national, sont investis d’une mission bien déterminée, celle de parachever l’ultime étape transitoire par la tenue d’élections démocratiques et transparentes, outre le fait qu’ils se sont engagés dans le cadre de la feuille de route, à ne pas se présenter aux prochaines élections présidentielles et législatives. Mehdi Jomaâ a eu, lui-même, à réitérer, à maintes reprises, son attachement à ses missions initiales, a souvent appelé à le laisser ainsi que son gouvernement, au dessus des tiraillements politiques, et n’a eu de cesse de sommer son équipe de se tenir à la même distance de tous les partis. Dans ses déclarations médiatiques, il a jugé inenvisageable d’être reconduit à la kasbah, et cela devrait s’appliquer tacitement à Carthage, vu les engagements qu’il a pris. La candidature de Mehdi Jomaâ n’avait pas lieu d’être posée, pourtant, il semble avoir caressé l’idée de solliciter les suffrages des Tunisiens, pour un quinquennat à Carthage. Deux principaux facteurs l’auraient encouragé. Tout d’abord, sa popularité et son capital confiance tant auprès de l’opinion publique, et de l’élite politique, qu’auprès des partenaires étrangers. En effet, l’arrivée de Jomaâ à la Kasbah, en tant que chef d’une équipe apolitique, a permis de désamorcer les tensions et d’apaiser quelque peu le climat général. Le fait qu’il ait pris certains dossiers à bras le corps et avec rigueur, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, lui a attiré les grâces des médias et même des partis politiques qui lui étaient peu ou prou hostiles au départ. Mais les sympathies en politique sont éphémères, Jomaâ l’aurait appris à ses dépens. Son discours d’hier a suscité des grincements de dents sur la scène politico-médiatique, qui lui reniait, à raison, le simple fait d’avoir réfléchi à briguer un mandat présidentiel. Le deuxième facteur a trait aux appels et aux appuis qu’il dit lui-même avoir reçus des parties intérieures et extérieures qui l’incitaient à se présenter. Pour l’intérieur, certaines informations évoquent le mouvement Ennahdha qui aurait vu en Mehdi Jomaâ le candidat de consensus idéal, qu’il semble peiner à dénicher au milieu de cette multitude de postulants pour la fonction suprême. S’agissant des parties extérieures, Mehdi Jomaâ a serré la main et s’est entretenu depuis qu’il est au palais du gouvernement de la Kasbah avec de nombreux dirigeants du monde, qui lui ont tous assuré de leur confiance et de leurs dispositions à l’aider à mener à bien sa mission, celle de faire réussir la transition en Tunisie. Manuel Valls (France), John Kerry (Etats-Unis), Benkirane (Maroc), Sellal (Algérie)…tous ont l’air de filer la bonne entente avec ce visage souriant et rassurant, qui serait le symbole du passage de la Tunisie du provisoire au durable, une fois on aura franchi le cap électoral. Le locataire de la Kasbah se serait mieux gardé, néamoins, d’évoquer des appuis extérieurs, car cela laisse penser à une ingérence étrangère dans les affaires de la Tunisie. Le fait qu’il en pavoise prouve que l’homme est un vrai technocrate, et n’a pas vraiment de sensibilité politique. Jomaâ gère la Tunisie comme une entreprise, sa méthode ne sied qu’à cette conjoncture précise, où il s’agit d’expédier les affaires courantes et d’apaiser le climat en prévision des élections. Quant à la prochaine période, le pays aura besoin d’un président politique qui fixera une trajectoire et un cap pour le pays, tant au niveau de sa politique intérieure, qu’étrangère. Quoiqu’il en soit, nonobstant quelques maladresses, Mehdi Jomaâ a su vaincre ses ambitions personnelles, et éviter au pays une crise politique aigue qui aurait fait voler en éclat tous les efforts accomplis pour faire avancer le processus transitoire et l’acheminer vers la tenue des élections. On retiendra de lui d’être un homme de parole, et de morale. Il a lui-même fait valoir hier son souci de construire une démocratie fondée sur l’éthique, et c’est capital. Mehdi Jomaâ est néanmoins encore jeune et n’a que 52 ans, hormis le rôle qu’il pourra jouer lors de la période postélectorale, la voie reste ouverte devant lui pour revenir en 2019, date de la prochaine présidentielle, si Dieu le veut. Le cas échéant, il aura à revenir de la porte principale et non d’une porte dérobée. C'est déjà ça de gagné (principalement pour lui). H.J. |