Tunisie : Lutte contre la torture, encore du chemin à faire

Publié le Mercredi 18 Mai 2016 à 16:52
Vue de la conférenceLe Comité contre la Torture a présenté à la Tunisie ses recommandations à Genève les 19, 20 et 21 avril, après avoir consulté le rapport présenté par le gouvernement tunisien.
Le Comité a salué l’initiative de la Tunisie pour la réhabilitation des victimes de la torture à travers la création de l’Institut tunisien de réhabilitation des survivants de la Torture (Nebras) qui a été créé par l’association du même nom.

Le comité  a accueilli avec satisfaction les lois adoptées en Tunisie, notamment l’imprescriptibilité du crime de torture, la création du Conseil supérieur de la Magistrature, l’adoption du plan de réforme des structures judiciaires et carcérales et d’un plan d’action de lutte contre le surpeuplement. Mais le comité a aussi adressé une quarantaine de recommandations pour améliorer la lutte contre la torture.

Lors d’une conférence de presse organisée ce matin, le président de l’Association a appelé le gouvernement à respecter les recommandations faites par le Comité. Son président Fethi Touzri a déclaré à cet effet que l’Etat était tenu de s’y tenir. «A côté du rapport gouvernemental, Nebras a également présenté son propre rapport au Comité international, à la lumière de quoi le comité elle a émis ses recommandations », a-t-il dit.

«Nous sommes la première association qui prévoit la réhabilitation des victimes de la torture et nous pouvons dire que la situation actuelle n’est ni complètement sombre, ni rose, en ce qui concerne la torture. Il existe encore des cas de torture et d’exactions, et nous continuons le combat pour faire appliquer la loi et les  traités internationaux », a-t-il dit.

Il a passé en revue les recommandations de la commission. « Il s’agit essentiellement de la définition de la torture qui ne correspond pas aux textes de la Convention internationale contre la torture mais aussi les comportements des appareils sécuritaires notamment lors des gardes à vue, le comportement des magistrats, de la police judiciaire, la vitesse à laquelle sont traitées les plaintes présentées au sujet de la torture, les examens médicaux lors des gardes à vue, l’impunité et l’absence de transparence au sujet des affaires en justice des victimes de la torture, le harcèlement des militants des droits de l’homme et de ceux qui portent plainte pour torture », a-t-il déclaré.

La commission a appelé la Tunisie à remédier à toutes ces lacunes, d’autant qu’elle a ratifié le protocole international de lutte contre la torture, dans son intégralité en 2011.  « En 2013, il y a eu adoption de la loi portant sur la création de l’Instance nationale de lutte contre la torture qui est supposée jouer un rôle préventif à travers les visites inopinées dans les centres de détention, ce qui est, en soi, un acquis de taille pour le pays, et nous espérons qu’elle mènera à bien sa mission. Nous espérons seulement qu’elle ne manquera pas de moyens  et qu’elle aura le soutien des autorités », a souligné Fathi Touzri.

Il a par ailleurs ajouté que comme l’Etat a été à l’origine de la torture, c’est lui qui devra s’occuper de la question de la réhabilitation des victimes. «  C’est ce que nous demandons et c’est ce que la commission internationale dans son rapport du 13 mai, mais aussi en 2012 lorsqu’elle a parlé de ce volet, a appelé la Tunisie à faire », a dit le président de l’association. 

Malgré les grands discours et les textes de loi parfois révolutionnaires, la réalité demeure différente sur le terrain. Eradiquer les comportements quasiment institutionnalisés pendant plusieurs décennies, est tributaire de plusieurs facteurs, dont la volonté des autorités.

L’Etat est le premier garant de la bonne application de la loi, mais surtout un important pourvoyeur de fonds pour la société civile, qui sans moyens financiers et logistiques, se trouve dans l’impossibilité de mener son combat. Fethi Touzri a appelé les autorités à publier les recommandations de la commission afin que le public soit au courant des lacunes et des changements à apporter. Mais aussi que les médias consacrent des tribunes à ce sujet. 

Le comité a pressé le législateur tunisien à être plus clair sur certains points dont le moment où commence la garde à vue pour un prévenu. Car, à partir du 1er juin 2016, la durée légale de la garde à vue sera de 48 heures, renouvelable une seule fois par décision motivée du procureur.

Le Comité s’inquiète également au sujet des individus appréhendés dans le cadre d’affaires de terrorisme, puisque la loi organique numéro 2015-26 relative à la lutte contre le terrorisme  « ne définit pas clairement l’acte de terrorisme », selon le comité « et étend la durée maximale de la garde à vue pour ces suspects jusqu’à 15 jours », ajoute-t-il.

Concernant les examens médicaux pour les personnes en garde à vue, prévus dans la loi 2016-5, « le comité regrette que la personne privée de liberté ne puisse pas choisir son médecin ». Le Comité a appelé les autorités tunisiennes à accéler l'adoption de la loi contre la violence à l'égard des femmes, et s'assurer que celle-ci soit une infraction pénale. Il a également exprimé sa préocuppation au sujet de la pénalisation des actes sexuels consentis en dehors du mariage et les examens médicaux imposés aux personnes soupçonnées de ces actes.  Le Comité a invité aussi l'Etat à présenter son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, le 13 mai 2020 au plus tard.

La lutte contre le terrorisme ne doit pas empiéter sur le respect de l’intégrité physique. « Nous pouvons lutter contre le terrorisme dans le cadre de la loi », a indiqué Fethi Touzri.

Chiraz Kefi

 

Commentaires 

 
#1 Oui a la torture
Ecrit par Royaliste     19-05-2016 19:08
Les terroristes ne parleront jamais sans la torture
 
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