Tunisie : L’UGTT joue avec le feu, pour imposer un nouveau rapport de force !

Publié le Vendredi 21 Septembre 2018 à 13:28
Commission administrative de l'UGTT jeudi 20 septembre à Hammamet. L’on s’attendait à une détente dans les relations entre l’organisation syndicale, et le gouvernement, après la dernière rencontre Chahed/ Taboubi, suivie dans la foulée par la signature d’un accord portant sur les majorations salariales dans le secteur privé,  il n’en est rien. L’UGTT maintient la ligne dure, en entérinant, au terme de la tenue de sa commission administrative hier jeudi à Hammamet, la décision de grève dans le secteur public et la fonction publique, les 24 octobre, et 22 novembre prochains.

Pendant deux jours et à presque un mois d’intervalle, le pays sera totalement paralysé en cet automne 2018. Une première fois, on serait face à un service public en panne, notamment le transport (terrestre, ferroviaire, aérien, maritime), STEG, SONEDE avec un service minimum, et toute autre activité commerciale, financière, monétaire, économique… assurées par les établissements et offices publics. 

La seconde fois, ce sera au tour de la fonction publique de baisser les rideaux et de  fermer les portes : administrations, ministères, et autres organismes et institutions, tout ce qui forme les rouages de l’Etat sera suspendu. Dans un cas, comme dans l’autre, ce sera un coup dur porté tout d’abord, aux Tunisiens qui ne sauront vaquer à leurs occupations, faire des déplacements,  bénéficier des prestations administratives,  des services de santé…et vivront une perturbation multiforme qui les éreintera davantage alors qu’ils sont submergés par les problèmes et les difficultés de toutes sortes. Ensuite à l’activité économique qui sera profondément mise à mal, ne pouvant fonctionner normalement avec un service public et une administration à l’arrêt. Sans compter l’immense manque à gagner pour les caisses de l’Etat, dans une situation de crise économique et de disette financière.

La centrale syndicale ne l’entend pas de cette oreille et affirme avoir décidé ces deux jours de grève pour défendre le pouvoir d’achat dégradé, dénoncer la crise politique et son impact sur le pays, l’Etat et ses institutions, et être en tant qu’"organisation responsable aux côtés du peuple dans les épreuves".

Par définition, une organisation syndicale est un outil de contestation sociale, son rôle est, en situation normale, de défendre les droits de la classe ouvrière et des couches pauvres et démunies, et d’être un contre-pouvoir pour prévenir les abus, et éviter que les choix économiques ne soient au désavantage des travailleurs et du peuple.

Dans le cas d’espèce, après la révolution, la centrale syndicale a usé et abusé du droit de grève, et a gagné plusieurs points dans le champ social et professionnel, mais à quel prix ? L'immodération en a fait perdre tout sens à la légitimité. Le déluge des mouvements sociaux ayant envahi l’ensemble des secteurs, en est pour beaucoup pour ce qu’il en est advenu, aujourd’hui, de l’état de l’économie, et a contribué à retarder la transition économique que tout le monde appelle de ses vœux.     

Alors qu’en 55 ans, et depuis l’indépendance, la Tunisie n’a connu qu’une seule grève générale celle de janvier  1978, après la révolution on en a déjà connu deux, et celles annoncées les prochaines semaines, même si elles sont présentées comme étant partielles et limitées à la sphère publique, seront tout autant préjudiciables, car cela revient à une démission forcée de l’Etat, à travers ses deux principaux piliers, de son rôle économique, social et administratif, avec le service privé, victime collatérale qui verra son activité mise au ralenti pendant ces deux jours.

La situation est d’autant plus désolante, que les deux actions sociales annoncées n’apporteront rien aux Tunisiens, ne donneront pas lieu à une quelconque amélioration de leurs droits économiques et sociaux, ou de leur pouvoir d’achat et ne contribueront pas au sauvetage du pays, but ultime s’il en est, mais l’enfonceront davantage, en sapant encore plus les fondements de l’économie nationale, et en dépouillant un Etat saigné à blanc, de ressources directes et indirectes,

Cet arrêt de travail ne permettra pas de solutionner les problèmes qui le motivent, mais les rendront plus complexes. L’UGTT le sait pertinemment, et prend la mesure des graves retombées que sa décision aura sur un pays sous perfusion, mais se résout à prendre des risques inconsidérés, du fait d’un jeu politique qu’elle entend en fixer les règles.

La centrale syndicale cherche à se positionner, et à faire une démonstration de force, en vue de faire pression et  d’affaiblir encore plus un gouvernement, dont elle veut la chute à quelques mois d’élections décisives pour des raisons qui n’ont rien à voir, là aussi, avec l’intérêt du pays. Le but ultime est de changer les rapports de force et de se rendre incontournable, redoutable, et surtout intouchable… personne n’est dupe.

L’organisation syndicale aura  été plus fidèle à l’héritage de Hached et des hérauts du mouvement national et syndical, si elle avait fait valoir, en cette période critique, l’esprit de concession, de compromis et de dialogue.
Gnet



 

Commentaires 

 
#1 Attention au retour de manivelle !
Ecrit par Agatacriztiz     21-09-2018 19:23
A force de tirer sur la corde, on finit par la casser. Ces grèves répétées pourraient inciter certaines entreprises privées à créer (et l'état à les encourager) des concurrentes aux entreprises publiques, comme c'est le cas notamment pour le transport public de voyageurs, remplacé de plus en plus par les bus privés, taxis collectifs et louages.

La Sonede et la Steg, qui "extériorisent" déjà beaucoup de prestations (entretien du réseau, pose de canalisations, pose de compteurs,etc.) pourraient bientôt se voir supplantées par des prestataires de services, comme ceux qui exploitent déjà le créneau de l'énergie solaire et qui peuvent proposer des solutions autonomes, ou ceux, demain, qui pourront gerer des réseaux de distribution d'eau potable de façon privée, à partir de puits de foration ou de bassins de récupération d'eaux usées et installations modernes et performantes de filtration.

Que dire alors, le jour où, des compteurs dits "intelligents", posés et gérés par des entreprises privées, au niveau régional, tout comme au niveau national, faciliteront l'édition (virtuelle) de factures et le recouvrement électronique à distance.
 
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