Tunisie : l’opposition pointe les faiblesses du programme du gouvernement

Publié le Vendredi 23 Décembre 2011 à 17:25
L’opposition reproche au programme du nouveau gouvernement présenté hier par Hamadi Jebali de se limiter aux bonnes intentions, et de s’appauvrir en mesures concrètes, en données chiffrées et budgétisées et en objectifs clairs et précis. La majorité rétorque que ce qui a été présenté hier par le chef du gouvernement n’est autre qu’une déclaration d’intention, et que le gouvernement n’a pas encore présenté son programme. Certains noms figurant dans l’équipe gouvernementale ont suscité des grincements de dents chez l’opposition ; la majorité a défendu leur nomination. Une centaine d’élus participent à ce débat qui se poursuit encore. Mustapha Ben Jâafar tient à freiner la logorrhée des élus en leur coupant le micro au bout de 3 minutes.

Selma Baccar a critiqué "la pléthore gouvernementale ; au moment où l’on s’attendait à une équipe restreinte". "Comment va-t-on trouver les moyens pour déployer tout ce gouvernement ?" S’interroge-t-elle, en émettant des réserves sur la nomination de Tarek Dhieb. "On l’a connu comme une superstar du football, ensuite comme conseiller dans un pays frère, et puis on l’a entendu dire je suis nahdhaouis et fier de l’être", dit-elle s’interrogeant sur "les compétences de Tarek Dhieb qui l’habilitent à être ministre du Sport et de la Jeunesse".  L’autre nom désapprouvé par la députée PDM est celui d’Abderrafik Abdessalem, "l’épidémie des gendres fait mal à tous les Tunisiens. Je ne sais pas pourquoi Ennahdha tient bon à désigner Rafic Abdessalem en tant que ministre des Affaires étrangères, est-il la seule compétence au sein d’Ennahdha, pourquoi n’a-t-on pas tenu compte du sentiment du peuple tunisien, a fortiori que les gendres du passé vivent encore avec l’argent du peuple tunisien dans les pays du Golfe, qui nous donnent d’une main, ce qu’ils nous prennent de l’autre".

Mehdi Ben Gharbia a qualifié le programme du gouvernement de déclaration d’intention, étant donné qu’"il est dénué de données précises et d’objectifs clairs. Il s’est demandé sur les sources de financement pour la création de 20 à 25 mille emplois, des 50 mille carnets de soins ; sur le nombre des postes d’emplois projetés dans le secteur privé, ainsi que sur le sort du plan Jasmin élaboré par le gouvernement sortant. Pour le député PDP, "le gouvernement doit avoir le courage de prendre des mesures sociales et économiques difficiles pour remettre le pays sur les rails".

"Les grandes intentions exprimées dans ce programme ne sont pas l’objet de désaccords, mais nous nous attendions à un programme complet, cohérent et clair", souligne Ahmed Ibrahim. A ses yeux, "il s’agit d’une simple déclaration d’intention qui n’évoque pas les grands choix". Et de s’interroger : "Quelle vision envers le modèle de développement, quel est le rôle des investissements publics, comment va-t-on promouvoir le développement régional, si l’on garde cette vision bureaucratique et verticale dans la mesure où ce programme ne parle pas de décentralisation et de création des pôles de développement"…autant de points d’interrogations, dit-il qui "ne nous permettent pas de prendre une position, ni positive, ni négative, envers ce programme".

Lobna Jribi appelle le gouvernement à renforcer la transparence des chiffres, et à ne pas confondre l’appartenance partisane et l’appartenance au gouvernement". "Certaines parties qui se trouvent dans ce gouvernement nous ont habitués à un discours radical", souligne-t-elle, les appelant "à faire preuve de retenue pour ne pas inquiéter le peuple tunisien".
 
"Les difficultés sont réelles et personne n’a de baguette magique pour les régler", renchérit Maya Jribi, mais "cela n’exonère pas le gouvernement de présenter des mesures concrètes et pragmatiques, chose qu’on n’a pas trouvé dans le programme du gouvernement". "Le programme ne précise pas le taux de croissance à atteindre, les moyens pour réaliser ce taux, le nombre d’emplois qu’on veut créer". Au sujet de l’annonce de Hamadi Jebali de placer les Tunisiens sur les marchés étrangers, Maya Jribi rappelle "la situation explosive en Libye", et "la crise asphyxiante en Europe", et se demande "selon quel plan le gouvernement compte-t-il trouver des emplois pour les Tunisiens dans ces pays". La députée PDP suggère une révision du programme du gouvernement afin que l’on rompe avec les simples intentions et on précise des objectifs chiffrés et des échéances pour les projets annoncés.

"Ce n’est pas sur la base d’une déclaration pareille que l’on accorde notre confiance au gouvernement", indique Iyed Dahmani, déplorant, à son tour, l’absence de données précises dans ce programme sur le taux de croissance, l’emploi, le développement régional et les ressources de financement de l’Etat.

Nejib Chebbi a lui salué les membres de ce gouvernement, qu’il dit avoir connu depuis des années en tant que militants, ajoutant qu’il ne doute pas de leur capacité à gérer les affaires pays. Ce programme ne précise pas néanmoins les priorités, relève-t-il, sans pouvoir aller  au bout de son analyse. Face au signe de Mustapha Ben Jaâfar qui lui rappelle le chronomètre, Nejib Chebbi rouspète : "nous ne pouvons pas discuter le programme du gouvernement en trois minutes".

"Il s’agit d’un gouvernement de réformes et non d’expédition des affaires courantes comme cela a été convenu", constate Haythem belgacem. Le député d’al-Aridha appelle pourtant  à réformer l’enseignement supérieur, à restructurer certains diplômes, et à examiner la situation des professeurs contractuels, déplorant l’absence d’un secrétariat d’Etat chargé de l’enseignement supérieur.

"Le discours de bonnes intentions de Hamadi Jebali a parlé de tout sans rien dire, et est dominé par les promesses, dit Mohamed Hamdi, réitérant le même reproche, soit l'absence des données chiffrées.

"La composition du gouvernement n’est pas intervenue en réalisation des objectifs de la révolution, mais pour satisfaire certaines parties. On choisit les personnes et puis les portefeuilles", selon Hichem Hosni,  qui voit dans ce programme "un préalable à l’instauration d’un à Etat religieux, et non d'un Etat civil, dans la mesure où il évoque le rôle des mosquées, les fonds de zakat et la finance islamique".

Fayçal Jedlaoui a déploré que "la région de Gafsa ne soit pas représentée au niveau de la formation du gouvernement, alors que le bassin minier a été marginalisé sous l’ancien régime et bien avant, et a joué un rôle dans le déclenchement de la révolution, depuis le soulèvement de 2008".

Samir Taeib considère que "la composition du gouvernement ne répond pas aux objectifs de la révolution, dans la mesure que les jeunes, les femmes et les compétences en sont absents". Le député d’Ettajdid a posé les questions de savoir : "est-ce vrai qu’un gouvernement étranger est intervenu pour exiger la nomination d’un ministre, et qu’un autre gouvernement est intervenu pour démettre un autre membre du gouvernement ? Si cela était vrai, ce serait très grave, et une ligne rouge qui aurait été franchie en ce sens que cela attente à notre souveraineté".

Dans le rang de la majorité, les interventions étaient tout naturellement plus élogieuses mais non exemptes de critiques. Kalthoum Badreddine a déploré la présence timide de la femme dans l’équipe gouvernementale. La députée d’Ennahdha a suggéré "de développer les ressources de la finance islamique pour promouvoir les microcrédits, a défaut ce dispositif sera inefficace avec le concept de financement classique et usurier".

Abdelbassat Ben Cheikh a attiré l’attention sur les quartiers délabrés et les gourbis-villes aux alentours du gouvernorat de la Manouba. Le député d’Ennahdha estime que l’activation de la loi d’amnistie générale donne espoir à des milliers d’anciens prisonniers. "Ces derniers n’ont pas recouvert leurs droits après la révolution, ils exigent une activation réelle de l’amnistie générale en vue de sortir de la pauvreté, et recouvrer les droits qui leur ont été extorqués des décennies durant".  

Souad Abderahim s’est interrogé "si le gouvernement dispose de stratégies concrètes en vue de trouver des ressources de financement de ce programme". Elle a appelé "à rationaliser les dépenses publiques, à renforcer le contrôle en vue de garantir une bonne gestion des deniers publics et à faire en sorte que la déclaration de patrimoine soit effectuée d’une manière périodique". La députée d’Ennahdha a exhorté de trouver des solutions aux émigrés tunisiens qui croupissent dans les centres de détention italiens.

Baya Jaouadi a pris la défense de Rafik Abdessalem, "choisi pour ses compétences et non pour ses liens de  parenté". "C’est honteux de comparer entre militant et délinquant," (NDLR entre Rafic Abdessalem et Sakhr Matri) dit-elle. Habib Khedher s’est joint à sa collègue pour insister sur les compétences du nouveau chef de la diplomatie tunisienne, relevant "qu’il n’est pas le gendre des trois présidents". Pour le député d’Ennahdha, "le ministère de la justice transitionnelle et des droits de l’Homme va s’occuper de toutes les victimes de la répression de l’époque youssefiste jusqu’à celle de la révolution".

Pour Ahmed Khaskhoussi, "l’action caritative doit être menée sur la base de règles saines pour qu’elle ne tombe pas dans l’allégeance et le clientélisme". Le député MDS suggère que ces organisations soient indépendantes du gouvernement et qu’elles soient à l’abri de toute instrumentalisation.

Gnet


 

Commentaires 

 
#3 Pour un programme de gvt réaliste
Ecrit par Cormoran     02-01-2012 15:34
Le commantaire de RozejazBT est totalement partisan.
Des intentions complètement irréalistes pour une durée d'exercice du nouveau gouvernement bien courte. Les promesses n'engagent que ceux qui les prononcent et comme elles ne s'appuient sur rien de concret, comme l'on très justement indiqué les représentants de l'opposition ; c'est très facile de dire que les objectifs sont partiellement atteint, ou que la situation était telle qu'il n'a pas été possible de les atteindre....
 
 
#2 message à Gnet
Ecrit par RosejazBT     25-12-2011 09:48
j'ai envoyé hier un commentaire concernant: l'opposition pointe les faiblesses du programme du gouvernement, j'aurai voulu savoir si vous ne l'avez pas accepté, ou alors vous ne l'avez pas reçu??? merci dans les deux cas de figure.

NDLR
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+1 #1 Ma vision de cet article
Ecrit par RosejazBT     24-12-2011 15:02
Je voudrais réagir sur cet article par ce qui suit: C'est par les bonnes intentions que l'on démarre, les mesures concrètes viendront après, les objectifs clairs et précis se préciseront dans quelques mois qui suivent, le temps que le gouvernement commence et c'est alors que nous aurons une vision claire du programme de Mr. Jebali.
Pour les réserves émises par Mme Baccar à la nomination de Tarek Dhiab, je lui dis que l'ex grand footballeur du brésil PELE a été nommé ministre des sports, david Douillet, ex-judoka Français a été nommé ministre des sports à la place de chantal Jouanno, l'ex-star du football au Libéria Georges Weah, s'est présenté aux élections présidentielle etc...etc...
Si d'apprés Mme Baccar le fait d'avoir entendu T.Dhiab dire qu'il est nahdaoui et fier.... faite comme lui, vous êtes une cinéaste et réalisatrice, peut être vous donneras-t-on le ministère de la culture, vous serez bien placé pour ce poste, vu que vous avez fait vos études à l'I.F.C. en France.
Bravo aux 2 députés Mme Jaouadi et Mr. Kheder d'avoir défendu Mr. R. Abdesslam. Mme Jribi, reconnais (enfin) la difficulté et que personne n'a de baguette magique.Merci pour si Chebbi pour ses mots gentils et encourageants. Quant à Mr. Hosni je répond, tout le monde sait qu'Ennahdha est un parti à caractère islamique, ceci n'empêche pas que ce programme est civil/religieux à la fois, je préfère la finance islamique (sans intérêts) et les fonds de zakat qu'a l'a caisse 26/26 de zaba.
Ceci n'est autre qu'une petite analyse d'une simple citoyenne tunisienne qui aime son pays.(Excusez-moi, s'il y a des fautes d'ortographes, souvent j'envoie mon texte sans le relire)Merci
 
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