Les risques du report et d’échec pèsent sur le dialogue économique

Publié le Vendredi 23 Mai 2014 à 18:10
Les participants au dialogue national sont encore loin du consensus. A une semaine de la date annoncée pour la tenue du congrès national de l'économie, des informations font état de son probable report. Des craintes s’expriment également quant au risque qu’il tourne au fiasco. Et pour cause, l’unanimité est loin d’être atteinte autour des décisions qu’il est censé entériner, pour permettre au gouvernement de mettre en œuvre son programme de redressement économique.

Si tout le monde s’accorde sur le diagnostic, et reconnaît le caractère critique et difficile de la conjoncture économique, les scénarios d’une sortie de crise ne sont pas les mêmes pour l’ensemble parties prenantes du dialogue économique national. Pour le gouvernement, les enjeux ont cruciaux, dans la mesure où les états généraux de l’économie devront valider des réformes impérieuses pour sortir l’économie de l’ornière. Mehdi Jomaâ l’a souligné à maintes reprises, et y est revenu longuement au cours de sa conférence de presse du 14 Mai, la crise est structurelle, et appelle des réformes structurelles, lesquelles  doivent commencer dès l’année 2014 pour atteindre leur vitesse de croisière au cours de trois années suivantes, soit 2015, 2016 et 2017. Des années qui s’annoncent dures, a fortiori l’an 2017 où la Tunisie sera amenée à rembourser une partie importante des crédits contractés.  

Le gouvernement plaide de ce fait pour des mesures immédiates et consensuelles à même d’amorcer la relance et mettre l’économie sur une trajectoire saine, loin de tout saupoudrage ou rafistolage qui ne feront que compliquer la situation. Refusant de parler d’austérité, le gouvernement préconise une rationalisation des dépenses de l’Etat, à travers notamment la compression du budget alloué à la caisse de compensation qui a presque triplé au cours des trois dernières années, avec une hausse de 260 % . Pour ce faire, des augmentations sont attendues dans la toute prochaine période avec la suppression de la subvention du prix du ciment, la hausse de l’essence à la pompe, de l’électricité, et du gaz.

Par ailleurs, des petites augmentations des produits de base subventionnés sont proposées au dialogue national, et ne seront appliquées que si elles y sont validées. Elles toucheront le pain, à raison de 20 millimes dans le gros pain et 10 millimes dans la baguette, ainsi que l’huile végétale,  le sucre, le couscous et la pâte alimentaire ; des hausses à même d’assurer 100 millions de dinars à la caisse de compensation, comme l’a confié à la TAP, le directeur Général de l’unité de substitution de la subvention au ministère du Commerce, Fethi Fadhli.

Ces augmentations, confirmées ou programmées, suscitent des grincements de dents parmi certains partis au dialogue national. Le front populaire a déjà claqué la porte et a annoncé cette semaine qu’il boycottera le dialogue économique national, le considérant comme "une grande supercherie et une couverture de mesures sévères dictées par les institutions financières internationales". L’UGTT a, elle, annoncé sa participation au congrès économique, mais déclare ce vendredi, par la voix de son Secrétaire Général adjoint, Anouar Ben Ghaddour, peu probable, sa tenue à l’échéance prévue, soit le mercredi 28 Mai. Le responsable syndical invoque dans une déclaration à la TAP les pressions imposées par le grand flux de propositions présentées par les partis politiques et les organisations.

Les autres partis politiques agissants ne se sont pas clairement prononcés sur les orientations déjà exposées et débattues en commissions. Ils font néanmoins de la préservation du pouvoir d’achat du citoyen, un argument majeur de la précampagne électorale qui a déjà commencé.

Quoi qu’il en soit, l’aboutissement du dialogue économique semble aléatoire. Il y a d’un côté un gouvernement pressé d’entamer des réformes, d’autant plus qu’il est dans le collimateur des bailleurs de fonds, dont le FMI et la banque mondiale, qui conditionnent leur appui à la Tunisie, à la mise en œuvre de telles réformes, et de l’autre, des partis politiques circonspects quant à l’impopularité des mesures qu’ils doivent cautionner, et leurs éventuelles incidences dans les urnes, ainsi qu’une UGTT naturellement hostile à toute politique haussière des prix, à plus forte raison que la défense du pouvoir d’achat devrait être au cœur de sa mission.

Tout autant que le consensus politique, le consensus économique s’annonce difficile, mais impératif. L’absence de compromis signifiera l’échec du dialogue, ce qui aura des retombées négatives sur une économie qui peine à remonter la pente.   

L’idéal est que les différentes parties prenantes au dialogue, gouvernement, partis politiques et organisations nationales, bannissent les positions rigides et jusqu’au-boutistes, et favorisent le rapprochement des points de vue, pour pouvoir parvenir à des solutions médianes à même de servir l’économie, sans desservir le portefeuille du Tunisien déjà éreinté. Mais, apparemment, cela semble facile à dire, et difficile à faire.

H.J.