Tunisie : Les résultats de la première étude sur le terrorisme divulgués

Publié le Mercredi 26 Octobre 2016 à 16:50
Le Forum Tunisien des Droits économiques et sociaux a annoncé ce mercredi 26 octobre 2016, la création du Centre tunisien des recherches et études sur le terrorisme. Le président du Forum, Abderrahmane Hedhili, a expliqué que près de 500 000 jeunes tunisiens ont abandonné les bancs de l'école depuis 2011, sans avoir de projets d’avenir, ni de formation adéquate pour entrer sur le marché du travail. Des jeunes qui sont, selon lui une proie facile pour les mouvements extrémistes djihadistes.

Un responsable du nouveau centre explique que les données sur le terrorisme sont restées jusque là  très floues pour le public et aucun intérêt n’a été accordé à ce comportement, comme étant matière à étudier et à décortiquer. Il a expliqué que le centre qui a déjà effectué une première étude, a passé au crible les données judiciaires et sociales d’individus impliqués dans des affaires de terrorisme.

« La matière de laquelle nous avons démarré l’étude, est réaliste et l’intérêt que nous lui accordons est important. Surtout qu’après la révolution, la loi sur l’accès à l’information telle qu’elle n’autorise pas de divulguer des informations au sujet d’affaires qui n’auraient pas fait l’objet d’un procès public », a-t-il expliqué.

Les premières données que révèlent cette étude ne concernent donc pas les affaires en cours d’investigation. Il a relevé les difficultés rencontrées pour s’octroyer et divulguer les informations, notamment pour les données concernant les témoins et les juges en charge des affaires.

Selon lui, la justice tend à réduire au minimum la liberté de divulguer des informations concernant des affaires terroristes. « D’ailleurs il existe une journaliste qui avait révélé l’identité d’un juge d’instruction dans l’une des affaires, qui a été poursuivie en justice. Le fait que ce juge ne soit pas protégé par la loi, a fait que l’affaire a été rejetée en cassation », a-t-il expliqué.

Unité d'écoute pour les victimes du terrorisme
Par ailleurs, une grande frange des victimes du terrorisme n’a personne vers qui se tourner, ce pour quoi le centre a créé une unité d’écoute et d’aide à la réinsertion. « Nous pensons que remédier à la violence est importante, parce que ceci permet d’éviter à certaines personnes de passer à l’acte et de tomber dans le terrorisme », a-t-il dit.

Selon Imen Gzara, membre du centre des recherches sur le terrorisme, l’étude a examiné 384 dossiers judiciaires, collectés entre 2011 et 2016. Des affaires dans lesquelles 2284 accusés sont concernés.

Cette étude a révélé que Sidi Bouzid recèle 14.5% du nombre total des terroristes présents sur le territoire tunisien, bien que le gouvernorat soit classé 12ème en nombre d’habitants, selon le dernier recensement de 2014.

« Cette disparité entre la taille du gouvernorat et le nombre de terroristes, reviendrait à sa position géographique. Il constitue un point de liaison entre le sud et le nord du pays et représente un emplacement stratégique pour la contrebande », a révélé,  Imen Kochbati, sociologue.

Le Centre des études et recherches sur le terrorisme a classé les régions tunisiennes en 3 catégories selon le nombre de terroristes qu’elles recèlent.

Le premier groupe contient les régions produisant entre 50 et 200 terroristes, et sont Tunis, Sidi Bouzid, Jendouba, l’Ariana, Bizerte, Kasserine et Medenine.

Le deuxième groupe recense 13 gouvernorats desquels sont originaires entre 10 et 49 terroristes impliqués dans des affaires. Le troisième groupe qui recense Beja, Silana, Gabès et Siliana, est consacré aux gouvernorats qui ont moins de 10 terroristes. Ces dernières régions seraient moins concernées par le terrorisme en raison de la faiblesse de la doctrine salafiste parmi leurs habitants.

Par ailleurs, le Centre a révélé que la Tunisie n’est pas une destination de combat comme c’est le cas en Syrie ou en Libye, ce qui fait que l’écrasante majorité des prévenus sont de nationalité tunisienne.

Parmi l’échantillon étudié, 35 sont des femmes, qui sont passées de détentrices  de rôles logistiques et d’appui en 2012, à des participantes au combat en 2015, en allant jusqu’à partir dans les zones de conflit comme la Syrie. Ceux qui prennent le chemin du terrorisme sont souvent âgés de moins de 35 ans, et sont célibataires à hauteur de 68%. Les jeunes les plus touchés sont ceux âgés entre 25 et 29 ans.

« Ce qui reflète la dangerosité de ce phénomène qui attire la tranche d’âge la plus répandue dans la société tunisienne, censée être le moteur économique du pays et qui deviendra un fardeau pour la société en cas d’incarcération  », a dit l’experte.

Les terroristes sont actifs dans plusieurs domaines, légaux et illégaux et notamment dans la contrebande. Les meneurs de l’étude ont constaté que le monde du djhiadisme avait besoin surtout de personnes actives dans les petits métiers, comme les vendeurs à la sauvette devant les mosquées, et les détenteurs de petits commerces.

De jeunes endoctrinés ont également du renoncer à leur activité professionnelle comme dans la police ou l’armée, pour se reconvertir en marchands ambulants.

Le terrorisme a trouvé son terreau dans les médias étrangers, les sites internet, et autres mosquées et écoles coraniques qui échappent au contrôle de l’Etat, selon l'étude. Il a également profité du retour de certains leaders de la pensée takfiri ayant bénéficié de l’amnistie générale et du climat de liberté qui règne dans le pays, depuis 2011.
C. k.