Tunisie : Les non-dits de la crise politique

Publié le Mardi 24 Septembre 2013 à 17:53
Séance de dialogue entre Ennahdha et le quartette. L’imbroglio politique persiste en Tunisie, après de longues semaines de pourparlers indirects menés par la médiation du quartette. A un moment où l’on s’attendait à entrevoir le bout de tunnel, les choses se compliquent, les visages se crispent, le ton monte, et les échanges entre parties prenantes du règlement de la crise sont on ne peut plus vifs. Que s’est-il vraiment passé, alors que les différentes parties semblaient proches d’une solution par consentement mutuel.

Aussi bien la troïka, spécifiquement Ennahdha, que l’opposition ne tarissaient pas d’éloges sur le rôle du quartette en matière de rapprochement des points de vue, annonçant au passage leur approbation de son initiative. Mais le diable est dans les détails ; des différences d’appréciations et d’approches sont sous-jacentes à l’unanimité apparente autour de l’initiative du quartette.  

Timing de la démission du gouvernement : Pomme de discorde
Le point qui contrarie le Front de salut national et les quatre organisations parrainant le dialogue est le "oui…mais" d’Ennahdha, s’agissant de la démission du gouvernement. Le parti islamiste qui conduit la coalition au pouvoir consent au principe de la démission du gouvernement, et de la formation d’un gouvernement de compétences nationales dirigé par une personnalité indépendante, mais estime que cette démission ne peut devenir effective et la succession ne peut avoir lieu que lorsque l’Assemblée nationale constituante aura terminé ses missions constitutives, adopté la constitution, et qu’une date claire des élections aura été fixée. Une approche catégoriquement récusée par l’opposition et le quartette. La première réclame la démission immédiate du gouvernement actuel, et le second lui accorde trois semaines, à compter de la première séance de dialogue direct, pour présenter obligatoirement sa démission.

Si l’on se réfère aux deux approches, on se rendra compte que le désaccord porte en théorie sur une semaine d’intervalle. Le quartette propose la démission du gouvernement dans trois semaines et le parachèvement des travaux constitutifs de l’ANC dans quatre semaines. Hassine Abassi a même salué hier sur Hannibal TV  la proposition d’Ennahdha de réduire le temps imparti à l’ANC pour adopter la constitution, à trois semaines. Le cas échéant, il n’y aura plus de problèmes, la démission du gouvernement et l’adoption de la constitution interviendraient en simultané, a-t-il dit pour le paraphraser.

Au vu de ces palabres, on peut conclure que cette crise est provoquée ; tourne au cercle vicieux, et que les politiques sont en train de porter préjudice au pays pour de faux problèmes. Cela est en partie vrai, mais certains aspects, à l'origine de l’impasse actuelle, méritent d’être soulignés.

L’interminable crise politique qui atteint à l’heure actuelle son faîte, s’est manifestée depuis le lendemain des élections du 23 octobre 2013 tantôt à un état latent, tantôt à un état patent. Elle cache un profond malaise qu’ont les politiques des deux bords  à coexister et à accepter l’alternance pacifique au pouvoir, selon les règles démocratiques communément admises. Là où le bât blesse, est dans cette crise de confiance aigue entre les deux camps, que tout sépare de point de vue idées, projets et approches, mais que l’amour de la patrie doit normalement rassembler. Il n’en est rien.  

Même si l’expérience de cette deuxième période transitoire postélectorale s’est traduite par une alliance entre islamistes modérés et laïcs modérés, la polarisation idéologique entre islamistes et laïcs a été d’emblée vive dans la Tunisie postrévolutionnaire et n’a cessé de s’exacerber, au point de la rupture. Les deux camps n’ont que la défiance en partage.

Le mouvement Ennahdha a affirmé dans sa conférence de presse d’hier, lundi 23 septembre, avoir "des craintes réelles et sérieuses" pour l’aboutissement du processus transitoire. "Si on ne parachève pas les missions constitutives, il n’y aura pas de garanties pour réussir la transition démocratique", a déclaré Rafik Abdessalem. Il ne dit pas tout, en fait.

Le parti islamiste a peur de l’éradication, de l’exclusion et de la répression dont il a payé le plus lourd tribut sous Bourguiba et sous Ben Ali. Il a peur d’une réédition des années de plomb et de la punition collective avec le retour massif en prison, et l’exil forcé. Il a peur que l’expérience du pouvoir ne tourne court, et ne finisse mal. Il a peur d’un scénario à l’égyptienne avec des ingrédients tunisiens.

La direction d’Ennahdha craint-elle aussi, subsidiairement, de perdre tout crédit aux yeux de sa base, qui  lui reproche d’avoir fait beaucoup de concessions à ses adversaires, et qui la jugera sévèrement le jour où sa stratégie se révélera préjudiciable. C’est toutes ces peurs réunies qui font que le parti islamiste prend le risque de contredire la puissante UGTT, de se mettre à dos le patronat, le conseil de l’ordre des avocats et la LTDH, principales organisations de la société civile, et de se mettre ainsi dans une position intenable, car il ne peut guère fonctionner dans un milieu si hostile.

L’opposition éprouve aussi des peurs. La peur de voir Ennahdha influencer le déroulement des prochaines élections. D’où les cris d’orfraie que des composantes du front de salut national ne cessent de pousser quant aux nominations décidées par le parti islamiste, au niveau de l’administration centrale et régionale, prélude, selon leurs dires, à "la falsification des élections".

Ils ont peur aussi qu’Ennahdha, fort d’une large assise populaire, ne remporte de nouveau les élections. En effet, malgré ses échecs et les déceptions qu’il a pu susciter, le mouvement islamiste resterait un parti bien enraciné, qu’il ne serait pas facile de déboulonner. Ce sont des peurs mutuelles qui sont à l’origine de l’exacerbation de la crise, des peurs, quoique légitimes, sont en train de mener la Tunisie au bord du précipice.

La crise politique tourne au bras de fer entre les deux camps. Face au refus d’Ennahdha de signer sans conditions la feuille de route, le quartette et l’opposition menacent  de recourir à la mobilisation populaire et de s’en remettre à la rue. Face à quoi Ennahdha ne restera pas les bras croisés, et mobilisera à son tour les masses populaires acquises à sa cause. Le processus politique aura ainsi dévié dangereusement, la Tunisie s’enlisera dans l’instabilité, sa paix civile sera sérieusement menacée…tout cela sur fond d’une conjoncture économique et sécuritaire des plus redoutables. Les dangers sont d’une ampleur telle qu’on n’ose pas en imaginer les conséquences. Que les politiques se détestent, nourrissent une méfiance et une peur réciproque, cela est manifeste, mais qu’ils règlent leurs comptes au détriment de la Tunisie et de son peuple, voilà qui est inadmissible. Aujourd’hui, seuls le dialogue et le consensus -ressassés sans être traduits dans les faits- sont à même de sortir la Tunisie de cette situation inextricable. Les sacrifices ne comptent pas devant l’importance de l’enjeu. L’entêtement de part et d’autre fera courir le pays à sa perte. Le cas échéant, les politiques, les plus scrupuleux du moins, auront des regrets et des remords…mais leur repentir, si repentir il y a,  ne servira à rien
H.J.

 

Commentaires 

 
+3 #7 L'opposition et la peur des urnes.
Ecrit par Titus     26-09-2013 15:15
Le travail de sape systématique que mène l'opposition contre le gouvernement, l'assemblée constituante et, récemment la présidence de la république, nous amène au constat suivant : le refus catégorique de l'opposition de l'aboutissement de la transition démocratique et la tenue des élections; explications : participer à des élections en vue de les gagner suppose de nos jours l'existence d'une véritable machine électorale bien rodée, une occupation de terrain tout azimut par des militants bien aguerris et des porteurs d'eau insoupçonnés et infatigables. L'établissement de telles structures supposent la mobilisation de moyens financiers et matériels colossaux.La question qu'on doit se poser est; L'opposition est-elle prête à participer aux élections, dispose-t-elle de tels moyens; à l'évidence, Non. Que lui reste à faire? occuper les plateaux des canaux Tv, tirer à boulets rouges sur Ennahdha et inféodes, peut-être, auraient-elle (l'opposition) assouvi ses fantasmes.
 
 
-2 #6 Un type qui me rend fou !!!
Ecrit par Msahsah     25-09-2013 17:36
Il y a quelqu'un qui me rend fou à chaque fois où je vois sa tête tellement ses actes, son rôle et ses positions ne corroborent pas avec sa vraie posture, ses aptitudes réelles (6ème primaire) et sa courbe montante de carrière (il grimpe dans les échellons à une vitesse utopique). Il m'a vraiment complexé, d'autres l'ont été aussi et ils sont nombreux paraît-il à ne pas saisir cette équation qui n'obeït à aucune logique qui tient debout. Le type est d'un niveau aussi médiocre, mais il est tellement influent au point qu'il nous est trés difficille de déchiffrer cette équation. Seule la théorie de relativité d'Einstein qui peut expliquer ce phénomène aussi complexe : C'est la faiblesse des autres qui fait la force de ce minable. Devinez-le, il est souvent au bout du nez de tout un chacun. Comme du sel qui n'échappe à aucune marmite, il se vent surtout à la rue M.A - Pas loin de la Médina !!!!!!!!!!
 
 
-6 #5 c'est pourtant flagrant
Ecrit par Le Baron     25-09-2013 11:00
soyons terre a terre pour une fois et laissons de coté nos préférences partisanes, avant l'assassinat du défunt Brahmi l'anc était a deux doigts de finaliser la formation de la nouvelle ISIE qui allait a son tour prendre en charge les élections et ceci avec un large consensus svp de même l'anc était dans la dernière ligne pour finaliser la constitution avec un large consensus aussi :parole de maya et nejib chebbi ainsi que mohamed hamdi le gouvernement aussi commençais a bien tourner stabilisation des prix ,retour de la sécurité,prémices du retour de l'activité a son rythme normal or après l'assassinat de Brahmi volte face de certains députés avec le gel de leur activité au sein de l'anc, entrée en lice de Nida qui était hors course ainsi que du quartet (ugtt,ltdh,utica,les avocats)afin d'imposer un gouvernement parachuté et délimiter le rôle de l'anc donc mettre un terme au processus démocratique!!!!comment peut on appeler ce phénomène!!!
 
 
+6 #4 H.J ou l’art de cultiver le flou
Ecrit par Houba     25-09-2013 10:13
Une spécialité qu’il partage décidément avec les islamistes qu’il n’a cessé de dépeindre sous un jour “meilleur que nature”.

Disons à H.J qu'Ennahda est aujourd’hui confrontée à la triple nécessité de se redéfinir vis-a-vis de :
1/ son organisation interne 2/ son rapport au politique & à la prédication et 3/ de son concept fondateur.

Pour cela, il faut cesser de baiser la main des Al-Saoud et des Qataris. Ce nest pas pour demain!
 
 
+4 #3 “Tout a été dit”avant de commencer..
Ecrit par Mahdi     25-09-2013 09:15
Ce n’est un secret pour personne que la démocratie est incompatible avec des sociétés dans lesquelles le pouvoir politique est d’abord entre les mains des religieux, et ce quelque soit la religion.

Nos islamistes - dont le conservatisme social & politique ainsi que leur alliance aux monarchies du Golfe et aux USA sont on ne peut plus connus- ont largement profité de larges mannes et du vide post-Zaba pour embobiner une bonne tranche des Tunisiens. Comment s’étonner dés lors de leur victoire aux élections ou du fait qu’ils font tout pour rester au pouvoir? Les islamistes ont peur des fantômes du passé? Ne me faites pas rire. Il est connu que leur philosophie- en cas d’opposition- tourne très vite en volonté d’élimination physique du “non croyant”. Deux notables martyrs en ont fait les frais.

Quant à l’opposition (pour ainsi définir les non-islamistes), elle n’est pas exempte de torts. Son inconstance dans le combat politique, son manque d’initiatives politiques véritables et sa tendance a toujours attendre que les islamistes jettent un sujet dans le marché politique pour le récupérer et en faire leur cheval de bataille a conduit le pays dans ce cercle vicieux. Sans parler de l’amour du “korsi”qui aveugle plus d’un.
 
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