Tunisie : "Les juges de la Cour constitutionnelle doivent être élus" (expert)

Publié le Mercredi 03 Juillet 2013 à 10:30
L'indépendance de la justice, un sujet de préoccupation majeure de la profession. "Le sujet du parquet a beaucoup été débattu. L’éventualité de l’indépendance du parquet a été évoquée, mais n’a pas été adoptée dans cette constitution, car elle dérange certains politiciens. D’ailleurs même en France le sujet est encore en débat. Pari ailleurs, il y a la question de suspension des juges. Il n’est pas logique que cette pratique soit adoptée. Il faut que l’on s’assure que la suspension ne soit pas abusive. Le texte constitutionnel interdit également la permutation des juges…ceci ne doit pas être définitif, si jamais un juge à Siliana s’arrête de travailler pour une quelconque raison, on ne peut plus le remplacer par un autre venu d’ailleurs ?» a dit Neji Bacccouche, directeur de l’école doctorale de la faculté de Droit de Sfax, lors de la table ronde organisée hier mardi par l’Union des magistrats administratifs et l’Ecole doctorale de la Faculté de droit de Sfax, autour du thème  "la justice dans le projet de la constitution".

Il a ajouté concernant la cour constitutionnelle : «Le problème demeure à mon sens la nomination des magistrats à cette cour. La solution la moins mauvaise serait que les juges élisent les membres de cette cour, qu’ils soient juges ou autres. Cette mission doit être confiée à des personnes éloignées des tiraillements politiques », a-t-il dit.  Le texte de la constitution prévoit aussi que les deux tiers de la Cour constitutionnelle soient composés d’experts en droit et un tiers de différentes spécialités. Un détail qui dérange l’expert. Selon lui n’importe qui, s’appuyant sur cette disposition, pourrait faire partie de la composition de la Cour. « Ce qui aurait été correct c’est d’arrêter des conditions strictes concernant la composition de cet appareil… », a-t-il réitéré.

Ezzedine Hamdene, magistrat au tribunal administratif, a évoqué les garanties d’indépendance de la justice administrative, comme inscrites dans le projet de constitution. « Le pouvoir exécutif ne protège pas le pouvoir législatif, mais au contraire ouvre les portes à tous les dépassements. Inscrire dans la constitution que la justice est indépendante ne fera pas d’elle une justice réellement indépendante. Le fait de nommer les juges constitutionnels est une ouverture pour faire prôner les intérêts politiques et les appartenances idéologiques », a-t-il dit.

Issam Ben Hassan, maitre-assistant à la faculté de droit de Sfax a parlé lors de cette rencontre de l’exécution des décisions juridictionnelles dans le projet de la constitution.

«Le projet de constitution dans sa version du mois d’août 2012 a abordé ce sujet. Il précise que la non-exécution des jugements de justice est considérée comme étant un crime imprescriptible…certains ont critiqué cet article et un changement y a été apporté. Le nouvel article de décembre 2012, stipule que : les lois sont adoptées et appliquées au nom du peuple et qu’il est interdit de ne pas exécuter ou ralentir son exécution sans raison légale ». L’expert relèvera que ce texte est flou, et que la raison légale évoquée mènera à toutes les interprétations. « En partant de ce texte, on se demande ce qu’est la non-exécution, est-ce que c'est un refus d’exécution ou un acte spontané de la part des fonctionnaires ? Quelle est la loi qui empêche l’exécution d’une décision de justice ? », s’est-il interrogé. 

C’est pourquoi, il propose qu’une disposition soit prise pour inciter l’administration à exécuter un jugement, par l’instauration d’une amende à l’encontre des fonctionnaires récalcitrants. « A chaque fois que les finances d’un agent sont menacées, il utilisera tous les moyens mis à sa disposition par l’administration pour faire appliquer un jugement », a dit Ben Hassen.

Moôtez Gargouri, enseignant à la faculté de droit de Sfax, a quant a lieu mis en garde contre les dispositions transitoires qu’il considère comme une couverture pour les faits et dépassements que pourraient commettre l’assemblée nationale constituante.
Chiraz Kefi