Les islamistes de Bourguiba à Caïd Essebsi, la grande métamorphose

Publié le Mardi 09 Février 2016 à 17:25
Vue de la conférence
«L’Etat et les islamistes : De Bourguiba à Caïd Essebsi », est le thème d’une conférence organisée ce mardi par le Centre des Etudes pour l’Islam et la Démocratie à Tunis. 
 
Ahmed Ounaies, ex- ambassadeur du temps de Ben Ali et ministre des affaires étrangères, dans le gouvernement de Mohamed Ghannouchi, a déclaré que la Tunisie vivait une nouvelle page. « On avait cru pendant longtemps après l’indépendance que la religion n’avait rien à avoir avec la politique. Et que la religion politisée constituerait un frein pour le mouvement réformiste, qui était nécessaire pour l’Etat tunisien moderne », a-t-il déclaré. 
 
Selon lui, les militants de l’époque pensaient que la renaissance du pays, était impossible en y impliquant la religion, mais qu’à travers une prise de conscience générale, les islamistes se sont retrouvés sur la scène politique. « Je ne nie pas qu’un certain mystère et abstentionnisme sont nécessaires en politique. Et il est permis qu’Ennahdha use de ce mystère concernant certains sujets, et s’il le fait, c’est qu’il joue le jeu de la politique civile, qui n’a aucun lien avec la référence religieuse, et accepte d’adopter la pensée selon laquelle le fondamentalisme religieux n’a aucun lien avec la politique. Cette vision prend des dimensions arabes et régionales, on le voit à travers la lutte actuelle contre des groupes adeptes de la charia islamique », a-t-il dit.
 
Ajmi Lourimi, député Ennahdha, a pour sa part déclaré que la situation actuelle des islamistes était la preuve irréfutable que l’ancien régime est bel est bien déchu : « Aujourd’hui, un nouveau régime est en train de prendre place, grâce à un travail quotidien. Il incombe à la partie islamiste d’accueillir en son sein toutes les catégories sociales. Nous sommes à une époque où la seule composition islamiste ne peut avoir lieu, au sein d’un même parti », a-t-il dit. Selon Lourimi, ces changements ne sont pas propres au mouvement Ennahdha, mais sont valables pour tous les autres partis laïcs, qui compteraient parmi eux des adeptes de l’islamisme. 
 
« Du temps de Bourguiba, la vague islamiste était très forte, mais ceux qui croyaient en la pluralité étaient très faibles, je vise les modernistes libéraux et les islamistes libéraux», a-t-il dit, avant d’ajouter que la réalité actuelle imposait un changement de slogan. « Qu’on ne dise plus que l’islam est la réponse, mais que l’islam est une partie de la réponse », a-t-il souligné.
 
Le mouvement réformiste démocrate est l'émanation du PSD
Aux côté des dirigeants du mouvement Ennahdha, le centre a convié Khaled Chawket, porte-parole du gouvernement et membre de Nidaa Tounes. En réponse à ceux qui critiquaient le régime de Bourguiba, Chawket a dit : « Qui dans les années 1950 était démocrate ? S’agit-il des gens qui ont planifié des coups d’état  au nom du baathisme, où les communistes avec leurs visions marxiste ou trotskiste, ou tous les autres courants qui existaient au début du siècle et jusque dans les années 1960 ? Portaient-ils des programmes pluralistes, démocratiques, qui visaient à construire des régimes respectant les libertés et les droits de l’Homme ? » s’est-il interrogé. Il a ajouté que chacun de ces courants, et d’autres encore, y compris celui de Bourguiba, croyait détenir la vérité absolue, et allait vers le totalitarisme. «Nous sommes tous responsables des slogans que portaient les réformistes tunisiens du 19ème siècle et qui aspiraient à un Etat moderne progressiste ancré dans son identité arabo-musulmane. La démocratie est une découverte collective tunisienne. Sans oublier que le mouvement réformiste démocrate est apparu au sein du parti au pouvoir (du temps de Bourguiba), le Parti socialiste Destourien, et tout le monde en est témoin », a-t-il dit. 
 
Chawket  a dit croire fermement que la plupart des Tunisiens étaient  influencés par l’esprit de Bourguiba, et pour preuve : « Beaucoup d’islamistes avaient vécu dans des pays qui autorisaient la polygamie et je n’ai jamais entendu parler d’un islamiste qui avait pris une seconde épouse…Les islamistes tunisiens croient en une lecture de l’islam différente de celle des autres pays musulmans…D’ailleurs les islamistes tunisiens sont parfois accusés d’impiété par d’autres courants islamistes », a-t-il affirmé. Chawkat a terminé par exprimer son optimisme quant à l’expérience tunisienne, qui jouera, selon lui, un rôle important dans l’histoire arabe et musulmane. 
 
Le journaliste d’Al Jazeera, Lotfi Hajji a, quant à lui, souligné « Je suis de ceux qui pensent que les deux années passées au pouvoir, ont changé les convictions des islamistes et leurs position… car ils se sont heurtés à la réalité qui est autre que ce qui est écrit dans les livres ».   Il a ajouté qu’une députée d’Ennahdha aurait dit récemment dans un débat télévisé avoir défendu avec véhémence  les droits des prostituées et ne rien avoir contre l’association Shams, qui défend les homosexuels. « Si Habib Bourguiba avait été ressuscité, il lui aurait tapoté la joue à cette députée, en lui disant que beaucoup avait changé dans le royaume de Carthage », a-t-il plaisanté.

Lotfi Zitoun, dirigeant d'Ennahdha, a pour sa part déclaré que son parti était « en train d’apprendre » et de « s’adapter à la situation du pays et aux difficultés par lequel il passe ».
 
Appelé à commenter la dernière déclaration de Beji Caid Essebsi faite lors de son voyage aux Emirats Arabes Unis, Zitoun a répondu que son parti ne se sentait pas visé, et qu’il ne voulait pas retourner aux conflits du passé : « Nous voulons que le pays regarde vers l’avenir. Ls jeunes s’attendent à des réponses aux slogans de la révolution. L’appréciation du président de la République est celle de Nidaa Tounes. Il est connu que la Troika a échoué durant l’exercice du pouvoir », a-t-il dit. 
 
En parlant de cette expérience, Zitoun estime qu’aucun parti ne sort indemne du pouvoir. « On fait des promesses électorales, mais quand la situation du pays ne permet pas de les tenir, il arrive que des partis perdent leurs électeurs. Ennahdha en a perdu le un tiers, d’autres se sont désintégrés… », a-t-il indiqué.  

Chiraz Kefi
 
 

Commentaires 

 
+2 #1 RE: Les islamistes de Bourguiba à Caïd Essebsi, la grande métamorphose
Ecrit par Royaliste     10-02-2016 12:23
mais qui a donc tué Chokri Belaid?
 
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