Tunisie : Le quintette saura-t-il rééditer l’expérience du quartette ?

Publié le Mercredi 19 Août 2015 à 13:50
Le quintette est amené à sortir le pays de l'ornière. Troïka, quartette, quintette, chacun de ces concepts a une histoire, et renvoie à un contexte postrévolutionnaire bien déterminé. La transition qui a suivi un cheminement singulier en Tunisie, a vu le pouvoir passer d’un épicentre à un autre, ce n’est pas uniquement par la loi des urnes, mais au gré des exigences de la conjoncture.

La Tunisie est passée tout naturellement après le 14 janvier de la sclérose à la dynamique. Cela s’est traduit par un changement radical au niveau de la gouvernance, qui est passée du monopartisme et du pouvoir sans partage, au multipartisme et  à la collégialité. Les alliances se sont enchaînées, selon les rapports de force, et le climat politique général, plutôt effervescent et traversé par des hauts et des bas.

L’histoire postrévolutionnaire pourrait être répartie en trois principaux épisodes, qui recèlent des sous-épisodes. Le premier, celui qui a vu la succession de trois gouvernements, ceux de Ghannouchi 1 et 2 et celui de Béji Caïd Essebsi, a trait à la première période transitoire gérée, non sans difficultés, par un consensus tantôt manqué, tantôt obtenu au forceps au sein de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. L’Instance de Ben Achour a défini l’architecture de la période consécutive aux élections de l’ANC, en fixant notamment un mandat d’une année à la future Assemblée constituante d’alors, qui a fini par en mettre trois pour parachever la constitution, dans un contexte d’agitation permanente.

Le deuxième épisode transitoire, celui du règne de la troïka et de l’Assemblée nationale constituante (ANC). La première s’était formée selon une alliance entre islamistes modérés et laïcs modérés (Ennahdha, Ettakatol, CPR), et la deuxième était dominée par une majorité islamiste d’Ennahdha. Cette période était des plus ardues, le pays ayant été secoué par deux assassinats politiques, outre des attaques terroristes contre nos agents militaires et sécuritaires, ayant fait sombrer le pays dans une crise politique aigue, jamais connue par le passé.

C’est là où la troïka a vu peu à peu le pouvoir se dérober sous ses pieds, pour être transféré à un nouvel épicentre de décision soit le quartette. Composée de quatre principales organisations nationales (UGTT, UTICA, LTDH et ordre des avocats) menées par la puissante centrale syndicale, le quartette est parvenu à rassembler les protagonistes politiques autour de la table de dialogue pour aboutir à une sortie de crise, c’était chose faite -là aussi la démarche était laborieuse- avec l’avènement d’un gouvernement de consensus national, celui de Mehdi Jomaâ, l’adoption de la nouvelle constitution en cette mémorable soirée du dimanche 26 janvier 2014, et la mise en place des instances constitutionnelles ayant mené le pays à la tenue des premières élections présidentielles et législatives démocratiques et transparentes.  

Intervient ensuite, le troisième et actuel épisode, avec un mode de gouvernance postélectoral, régi par des institutions censées êtres pérennes dont les trois principales déjà en place sont : la présidence de la république, la présidence du gouvernement et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le passage du provisoire au durable est loin de changer en quoi que ce soit la complexité des défis posés, bien au contraire, la situation n’a cessé de se détériorer, notamment avec les deux attentats meurtriers, du Bardo (18 mars) et de Sousse (26 juin), et leur lourd bilan, 60 morts en majorité des touristes, ayant porté le coup de grâce à l’un des piliers de l’économie, le tourisme, et aggravé la crise économique générale.

Pour faire face à une telle conjoncture critique, il n’y a nulle autre solution que d’affermir l’unité nationale et le consensus politique. Ceci s’est traduit tout d’abord par l’avènement d’une coalition gouvernementale atypique, regroupant les ennemis d’hier, Nidaa Tounes et Ennahdha, et s’illustre actuellement, à quelques semaines de la rentrée politique, par l’entrée en scène du quintette, ayant tenu sa première réunion hier à Carthage, à l’initiative du chef de l’Etat, tout en se donnant rendez-vous, après trois heures de discussions, le 07 septembre prochain pour poursuive le dialogue. Le but étant d’échanger les points de vue sur les problèmes de l’heure, notamment la crise économique et la lutte contre le terrorisme, et de parvenir au consensus sur la manière de les confronter.

Le pouvoir politique, le syndicat et le patronat sont amenés à s’entendre sur une stratégie à même de sortir le pays de l’ornière…en sont-ils capables, sachant qu’ils sont mus par des intérêts parfois contradictoires. Le quintette est-il en mesure de rééditer l’expérience réussie du quartette, même si l’un et l’autre sont intervenus dans des processus et contextes totalement différents.

Au stade où en sont les choses, l’approche participative et consensuelle dans la gestion de la chose publique n’est pas un choix, mais une fatalité. On a du mal à y percevoir une alternative. Reste un hic, l’esprit d’entente cordiale ayant le plus prévalu au cours des cinq dernières années, n’a pas encore produit (excepté pour le volet politique) les solutions escomptées aux problèmes posés… plus le temps passe, plus la situation devient inextricable

H.J.