Tunisie : Le pouvoir postélectoral vu par les différentes forces politiques

Publié le Mercredi 22 Octobre 2014 à 16:35
Les partis politiques vont-ils se soumettre tous au verdict des urnes. Si l’on procède à une analyse de contenu de cette campagne électorale qui est sur le point d’arriver à son terme, l’on s’apercevra que des mots, comme consensus, unité nationale, concorde, coalition... sont ceux qui sont revenus le plus dans les discours des partis, toutes appartenances confondues. Les formations politiques semblent persuadées, et ne cessent de le marteler, que la Tunisie ne peut-être gouvernée au lendemain des élections par une seule partie, ou un seul parti, quelque qu’il soit, que la monopolisation du pouvoir et l’hégémonie d’une seule force politique seront malvenues et préjudiciables à une démocratie naissance, encore vulnérable et inaccomplie, et que la mise en commun des efforts est nécessaire pour surmonter les difficultés, relever les défis, et remettre sur pied un pays éreinté.

Même s’il est largement partagé, cet appel au rassemblement n’a pas la même résonnance dans l’esprit des différents partis. Chacun en a sa propre vision.

Nida Tounes dont le président, Béji Caïd Essebsi, a réitéré hier que son parti ne gouvernera pas seul, même s’il obtient la majorité, préconise des alliances au sein de sa large famille politique, composée des partis dits modernistes, progressistes, et destouriens. C’est à dire que dans l’hypothèse d’une victoire électorale de ce camp politique, on assistera à une alternance au pouvoir, par rapport à la troïka issue des élections de 2011.

Ennahdha fait, quant à lui,  de l’appel au consensus et à l’unité, la clef de voûte de sa campagne électorale. Le mouvement islamiste qui impute en partie les déconvenues des gouvernements de la troïka, au fait que la base de gouvernance ne reposait pas sur une coalition encore plus large que celle tripartite, cherche à tirer les enseignements de ce passé récent. Son président Rached Ghannouchi axe ses discours sur ce plaidoyer pour l’unité nationale, et pour un gouvernement d’union, mettant en garde contre les dissensions et les divisions, qui ont failli, l’été 2013,  faire basculer  la Tunisie dans une guerre civile. Le parti islamiste se défend aussi, par la voix de ses dirigeants, de toute propension hégémonique, se disant prêt à retourner au pouvoir, comme à se ranger dans l’opposition.

Al-Joumhouri prêche aussi cette parole d’unité. Sa Secrétaire Générale, Maya Jribi, qui refuse toute coalition avec les partis de la troïka, "symbole de l’échec", tout autant que les partis destouriens et rcédeistes, "symboles de la corruption et de la répression", se dit favorable à un gouvernement d’unité nationale. Le candidat du parti à la présidentielle, Nejib Chebbi, s’affiche comme une personnalité de rassemblement, et prône la concorde nationale après les élections.

Ettakatol est presque sur la même ligne. Le FDTL de Mustapha  Ben Jaâfar rappelle avoir été le premier à appeler à un gouvernement d’intérêt national, ou  de consensus après les élections de 2011, se réjouissant que les forces politiques s’alignent, à la veille de ces échéances électorales, sur sa position initiale.

L’union pour la Tunisie, composée  de deux partis (al-Massar et parti du travail patriotique et démocratique) et d’indépendants, annonce par la voie de Samir Bettaieb qu’elle ne participe à un gouvernement d’unité nationale, que si le chef du gouvernement est indépendant, se tenant à la même distance de tous les partis.

Le front populaire rejette quasiment l’idée d’un gouvernement d’union, faisant valoir que ces  alliances postélectorales se feront sur la base de programmes et qu’il ne se voit pas l’allié de partis dont les programmes sont aux antipodes du sien.
 
Des positions tantôt convergentes, tantôt divergentes, et qui ne sont, à ce stade, que de la pure théorie. Les discours de campagne en sont une chose, et les discours de victoire, ou de défaite en sont une autre. Le langage des partis est appelé à changer après que le peuple souverain ait prononcé son verdict.

Contrairement à ce qu’ils prétendent, les partis politiques, y compris ceux supposés être les plus influents, ne semblent sûrs de rien. Ils tentent de se projeter dans l’après-élection, sur la base de simples hypothèses. Il n’est pas, néanmoins,  certain que cette politique de main tendue et cette propension au partage du pouvoir, qui les caractérisent aujourd’hui, soient de mise, une fois les urnes auront livré leur secret.

Le parti ou les partis qui seraient dotés d’une majorité relative -c’est le cas de figure le plus probable étant donné la multiplicité des listes et de l’émiettement qui va en découler- sera ou seront en position de force, et son ou (leur) humilité ne résisterait pas beaucoup à la liesse de la victoire. Et puis, la réaction de certains partis à l’issue du scrutin, au regard de leurs déclarations actuelles, reste imprévisible ; vont-ils ou non se plier aux résultats des élections, même s’ils leur sont défavorables ?

Trop d’impondérables en fait. Avec la réussite des élections de dimanche, et de celles du 23 novembre, on aura franchi un pas considérable sur la voie de la transition démocratique, mais le plus dur est de réussir la gestion de la période postélectorale en évitant les querelles partisanes, et en réussissant à former rapidement un gouvernement fort et solide appelé à durer, à remplir pleinement ses responsabilités, et à amorcer la reprise effective d’un pays qui bât de l’aile.   

H.J.