Tunisie : Le phénomène salafiste aux yeux des experts

Publié le Vendredi 24 Mai 2013 à 16:48
Le salafisme fait beaucoup parler de lui en Tunisie après le 14 janvier. Méconnu par de larges couches de la société tunisienne, le salafisme a surgi sur la scène publique après le 14 janvier, et ne cesse de faire parler de lui. Des universitaires, chercheurs, et Oulémas de l’Islam appellent à appréhender ce phénomène selon une approche académique, sociologique et historique, pour pouvoir le cerner, et l’intégrer dans la société. "Le phénomène salafiste entre l’action pacifique et la violence" a été jeudi 23 mai l’objet d’un débat au  centre d’études Islam et démocratie. La question a été appréhendée sous ses différents angles historique, religieux, et sociétal.

Neji Djelloul, professeur d’histoire islamique à la faculté de la Manouba, a fait état de l’absence des études académiques sur les phénomènes intégristes. Selon son analyse, "l’intégrisme est un phénomène de modernité". "Il est le résultat du début de l’effondrement de l’ordre mondial construit après 1945 et après la conférence de Yalta". A ses yeux,  les jeunes deviennent salafistes d’une manière individuelle. "Nous avons passé d'une religiosité collective à une religiosité individuelle", a-t-il indiqué.

L’universitaire a infirmé la thèse selon laquelle la pauvreté, la misère et la marginalisation feraient le lit du terrorisme. Selon une étude réalisée par l’université de Harvard, 60 % des djihadistes sont diplômés des facultés d’ingénierie, a-t-il dit, ajoutant que le Bengladesh et le Brésil sont parmi les pays les plus pauvres, mais ils ne produisent pas des djihadistes alors que ceux-ci se trouvent en Arabie saoudite et au Koweït. Pour Neji Djelloul, "le djihadisme est l’objet d’une conjonction progressive constatée en Afghanistan pendant les années 80 entre les idées de takfir (accusation de mécréance) de Saïd Qotb, et la pensée wahhabite". Car le Wahhabisme  existe depuis des siècles dans le golfe mais n’a pas produit de djihadistes, a-t-il expliqué, ajoutant que le salafisme actuel n’est pas wahhabite dans son intégralité, une partie seulement l’est.

Le salafisme est aussi le produit de la vulnérabilité de l’Etat civil dans nos sociétés, a-t-il souligné, appelant à  construire les structures et les institutions de l’Etat civil pour intégrer ce phénomène.  Pour cet universitaire, "dans une société démocratique, les salafistes ont le droit de ne pas reconnaitre la démocratie, de se vêtir comme ils veulent, à la méthode afghane ou autre, mais n’ont pas le droit de recourir à la violence". Le cas échéant, "la loi doit être appliquée avec fermeté", a-t-il préconisé.

"Le takfir est apparu avec les Kharijites"
Neji Djelloul a appelé à repenser les programmes d’enseignements qui sont "catastrophiques" dans notre pays, en guise de solutions à ce phénomène. Il a déploré, à ce titre, "l’absence de la pensée critique et des sciences humaines à l’instar de la philosophie, dans les programmes d’enseignement". Il a plaidé pour une réforme du dispositif religieux et du discours religieux et a exhorté à criminaliser le takfir. "Le phénomène de takfir (accusation de mécréance) est apparu dans le monde musulman avec les Kharijites خوارج‎ (une branche de l’Islam). Ce phénomène est grave et est lié à une guerre régionale et à un conflit entre les sunnites et les chiites", a-t-il averti. Selon sa perception, le  salafisme peut devenir un phénomène de bonne santé car il reflète la diversité et la richesse culturelles, qui sont ancrées dans notre histoire.

Béchir Belhassan, président de la Ligue tunisienne des oulémas et prédicateurs, l’un des tenants du courant salafiste scientifique, a imputé le phénomène de violence en Tunisie, à l’outrance et l’extrémisme adoptés par certains jeunes de la mouvance salafiste. Belhassan a rappelé que "la religion a souffert pendant 50 ans de confiscation". Les jeunes engagés religieusement ont vu leurs libertés restreintes et confisquées, même pour pratiquer les cinq prières, a-t-il rappelé en substance.

"Nous avons émigré vers l’occident et avons été privés de notre pays pendant deux décennies", a-t-il dit, dénonçant la politique d’assèchement des sources suivie sous l’ancien régime, ayant suscité la rancœur et un sentiment d’injustice chez les jeunes islamiques". La mosquée Ezzitouna a été fermée, et les gens ont eu recours aux chaines satellitaires où un nombre de prédicateurs officiaient, a-t-il souligné.

Le cheikh s’est adressé en ces termes aux autorités : "trouve-t-on parmi les tenants du discours extrémiste ou parmi ceux qui tuent, un diplômé des sciences de la Charia ? Et de répondre : On n’en trouve pas, car les auteurs de ces actes sont ignorants et interprètent mal le coran et la Sunna".

"Peur du retour du régime policier"

Béchir Belhassan s’inscrit en faux contre la solution sécuritaire. "La solution pour combattre l’outrance n’est pas sécuritaire, mais requiert la sensibilisation et l’enseignement religieux". Elle nécessite "le dialogue, la modération et le savoir". A ses yeux, "plus il existe une ignorance des normes de la charia, plus ce phénomène existe". "Le remède est le savoir", a-t-il martelé. Le cheikh a fustigé les campagnes contestant la venue des oulémas en Tunisie, appelant à ne pas se dresser contre leur arrivée, chose qui pourrait avoir des conséquences redoutables.

Béchir Belhassan a exprimé la crainte que "la Tunisie ne renoue avec le régime policier et dictatorial  sous prétexte de la lutte contre la violence, l’extrémisme et le terrorisme". Il a fait état de "l’appréhension ressentie par certains jeunes dans les mosquées contre des pratiques de certains agents sécuritaires, qui ont une propension à violer la loi et les droits de l’Homme, car, ils ont hérité cela de l’ancien régime".

S’agissant de l’Islam et de la démocratie, Belhassan a souligné qu’il existe des aspects qui relèvent d’al-Ijtihad (effort de réflexion) et d’autres du pouvoir absolu de Dieu. "Si la démocratie est la liberté d’expression, l’Islam l’a reconnu," a-t-il fait valoir, soulignant que la choura (concertation) est l’un des fondements de l’Islam. En Tunisie, il y a de l’espace pout tout le monde, a conclu le cheikh, préconisant l’application de la loi contre celui qui brandit les armes.

"La société tunisienne a une prédisposition à la violence"
Mohamed Haj Salem, chercheur à l’Institut tunisien des études stratégiques, estime que notre  rapport au phénomène salafiste procède d’une vision d’exclusion.
Pour ce chercheur, "notre société souffre d’une défaillance au niveau des normes et des valeurs sociales voire une anomie. La société tunisienne a une prédisposition à la violence. Celle-ci  gagne du terrain non seulement au niveau de la violence verbale mais aussi au niveau du discours médiatique et politique".

Il a expliqué que le salafisme est atomisé et comprend plusieurs écoles et courants : salafisme scientifique, salafisme djihadiste, salafisme traditionnel, salafisme de takfir, etc. Ce chercheur estime que la violence présumée de ce courant ne justifie pas son exclusion, en soulignant : "Je n’ai pas vu un salafiste qui porte une arme alors que le nombre de tués parmi cette mouvance a atteint les 17 morts. Ce courant n’a pas eu de réaction".

Mohamed Haj Salem a plaidé pour une approche psychologique, sociologique, historique et anthropologique  pour comprendre le phénomène salafiste. Il a appelé à la tenue d'une conférence nationale autour de ce sujet avec la participation des grands penseurs de tous bords.
H.J.


 

Commentaires 

 
+1 #9 Impact
Ecrit par Tounsi     27-05-2013 17:08
Juste après le 14 un Tunisien rêve que son pays sera un jour bien développé et sur la bonne voie en jouissant de:
- La liberté ,le droit, le respect, la sécurité.......
- La mise en ordre , l'organisation, l'hygiène, .........
- Le travail, la société, la famille,........
- La sante, le plaisir, La joie,..........
- La culture, l'aide,........
- La participation a la construction,.......
- La production pour améliorer les conditions de son pays,.......
- La réduction du chômage et de la pauvreté
- Améliorer les conditions des élèves et des écoles,........
- Donner une bonne image de l'islam,......
- On touche pas a notre origine et on touche pas a notre drapeau,......
Aujourd'hui après 2 ans 5 mois ,pour la situation actuelle d'un Tunisien, ou on peut fixer le point sur la courbe d'évolution, en haut ? au milieu ? ou en bas ?
C'est certain et c'est basé sur le réel et l'existant dans tous les domaines: Le point sera fixé en bas de la courbe.
Maintenant qui 'est le responsable? Le Tunisien sait que les difficultés qu'il supporte ne viennent pas de la nature ni de DIEU ( DIEU donneur que du bien). Alors qui est derrière tous ces événements? , tous ces difficultés ? toute cette misère?
Les Tunisiens vont se poser la question et vont se pencher a analyser. C'est le feu ou c'est l'émetteur du feu?
Il arrivera le jour ou il va payer cher comme les autres ont payé. Tous ces histoires de salafistes , de division et de ségrégation ne peuvent pas justifier la mort ou la maladie d'un bébé ou d'un enfant tunisien par manque de moyens .
Mer X, Les Tunisiens sont chers et resteront chers aux yeux de chaque Tunisien; J'ai la confiance en eux et tu vas découvrir le jour de ton départ quand ils se rassemblent sur un même objectif. Pense à trouver une autre formule pour les diviser !
Si tu es vraiment un Tunisien, éloigne toi de la politique et laisse les hommes de la politique travailler pour le bien de la Tunisie en appliquant de quoi rêve le TUNISIEN.
Mercie de votre compréhension.
 
 
+6 #8 تعصب السلفيّين هو سرطان يجب القضاء عليه.
Ecrit par Musulman.     27-05-2013 12:00
لقد وردت لفظة سلف وما اشتق منها ثمانية مرات بالقرآن الكريم وكلها تشير إلى معان سيئة مثل (عفا الله عما سلف) إلا موضع الحاقة (هنيئا لكم بما أسلفتم في الأيّام الخالية). وكذلك فليس كل السلف صالحا، إذ نرى مثلا أنّ مؤسس الإباضيّة التي هي الخوارج هو من السلف (ولد في سنة 20 هجريّة). وأيضا، يكون تعلقنا بالسلف فقط دون الخلف معصية لله تعالى لإهمالنا الخلف الصالح وتحقيره. وقد ورد في الحديث الشريف التغليظ على من يحقر المسلم.

وهؤلاء السلفيّون كلهم وهابيّون وإن ادعوا خلاف ذلك. فلا نجد سلفيّا إلا وعقيدته وهابيّة كما قدمها ابن عبد الوهاب وشرحها وبسطها أتباعه. وكلهم يرفضون عقيدة أهل السنة والجماعة التي هي الأشعريّة (أوالماتريديّة التي لاتكاد تختلف تختلف عنها) ويحاربونها لسبب سياسي وهو وجود فصل في العقيدة الأشعريّة يعالج قضيّة وليّ الأمر وإمامة المسلمين الذي عند تطبيقه يزيح العائلة المالكة بالجزيرة العربيّة من الحكم.

والعقيدة الأشعريّة (أوالماتريديّة) يتبعها أكثر من مليون من علماء المسلمين ومليارات من المسلمين على مر العصور وهي عقيدة أهل السنة والجماعة ولها تزكية غير مباشرة من رسول الله صلى الله عليه وسلم في الحديث الذي رواه أحمد في مسنده (لتفتحن القسطنطينية، ولنعم الأمير أميرها، ولنعم الجيش ذلك الجيش). وكانت عقيدة محمد الفاتح الذي فتح الله تعالى على يديه القسطنطينيّة هي العقيدة الماتريديّة. فلو كانت كفرا لاعترض عليها رسول الله صلى الله تعالى عليه وسلم. وكذلك لم يعب رسول الله صلى الله تعالى عليه وسلم شيئا على المذهب الحنفي الذي يتبعه معمد الفاتح وجيشه. ولكنّ الوهابيّون يعترضون على المذاهب السنيّة ويطالبون بالدليل في كل مسألة فقهيّة جهلا وحمقا ونشرا للفتنة.

وشيخ الإسلام ابن تيمية هو قدوة السلفيّين وملهمهم لا يكفر الأشاعرة ولكنهم تعصبوا وذهبوا إلى حد التكفير والاقتتال كما فعله ابن عبد الوهاب. ولما عجز السلفيّون عن الحجة، عمدوا إلى تدليس الكتب. فنرى مثلا تدليس كتب الفقه المالكي بحذف كل ما يتعلق بالعقيدة وبالتصوّف وغير ذلك. ودلسوا كتب ابن تيمية حتى أنّ الطبعات القديمة مختلفة عن الجديدة ليطمسوا تراجعه عن مفهومه الأوّل للبدعة وإجازته الاحتفال بالمولد النبويّ الشريف وغير ذلك من القضايا.

ونظرتهم للدين ضيقة وجامدة وسلبيّة وهدامة وتجهيليّة. فمثلا لا نجد سلفيّا واحدا تحصل على جائزة علميّة مرموقة (كجائزة نوبل) أو على الأقل زاحم العلماء في الحصول عليها. وقال أحدهم (ابن باز) بتكفير من يعتقد كرويّة الأرض ثم تراجع عن ذلك. وادعى ابن العثيمين، استنتاجا من حديث المسيح الدجال، أنّ لله تعالى عينين اثنتين لا واحدة ولا ثلاثة حاشا لله وتعالى علوا كبيرا وسبحان الله أن يوصف بمثل هذه الحماقات.

ومن أدلة تعصبهم أنّهم في المساجد التي استولوا عليها لا يسمحون لغيرهم بالتدريس فيها ولو لزم الأمر استعمال السلاح. وهم يتصرفون كالخوارج الذين يستعملون الآيات المتعلقة بالمشركين على من يخالفهم من المسلمين فيستبيحون دماءهم. وبعد قتل المسلمين يعتبرون أموالهم وأعراضهم غنيمة حرب. وكذلك فعل ابن عبد الوهاب، ألا وقد قتل مسلمين بعد تكفيرهم. وأجمع العلماء على إجازة إسلام كل المسلمين الذين كفرهم ابن عبد الوهاب. فهو الوحيد الذي كفرهم عملا بعقيدة الخوارج.

وتجدون في الجزء الثالث من كتاب التاريخ إتحاف أهل الزمان بأخبار ملوك تونس وعهد الأمان لأحمد بن أبي الضياف أحد ردود علماء الزيتونة (وهي عديدة) على الوهابيّة عندما أرسلوا رسالة بدعوتهم المنحرفة إلى الشعب التونسيّ عن طريق الملك المؤمن التقي الورع سيدي حمودة باشا المرادي رحمه الله تعالى. وكذلك يرد المؤرخ بنفسه على الدعوة الوهابيّة مستنكرا خروج ابن عبد الوهاب عن الأصول المتفق عليها في الفقه وفي العقيدة.

والحل برأيي منعهم من ارتكاب حماقاتهم عاجلا وتعليمهم الإسلام الصحيح آجلا مع اعتبارهم إخوانا لنا لأننا لا نكفرهم هذا وإن كفرونا وقاتلونا فنحاكمهم على أفعالهم فقط، فإنهم مسؤولون.
 
 
-5 #7 RE: Tunisie : Le phénomène salafiste aux yeux des experts
Ecrit par TN FR     27-05-2013 11:33
Beaucoup d'imprécisions dans les commentaires, d'ignorance meme, car on estime que la religion est un domaine qui ne necessite pas d etudes approfondies, on ouvre le coran et on devient un nouveau penseur islamique des temps modernes.

Le salafisme est le fait d adherer a l islam des anciens cad ceux des premieres generations: dans le dogme, dans l approche du fiqh (oussoul al fiqh) et dans le comportement. Car ils croyent fermement en la preponderance des 3 premieres generations par rapport aux successeurs. Ils se basent sur plusieurs preuves tirees du coran et de la sunna.

Mais n est pas salafi qui veut, tout comme n est pas muslim qui veut. Ceux qui pretendent etre salafis et appellent a lever les armes contre le gouvernant muslim ont devié clairement de cette voie en contredisant le consensus des savants qui s est etabli apres la "fitna des sahabas".

Il faut donc les appeler "khawarij" car c est l idée de la violence armée qui se detache le plus de leur mouvement.

Quant aux vrais salafis qui ont choisi de pratiquer l islam comme les anciens en respectant strictement la loi, qui sont loin des idées djihadistes, ceux la doivent bien evidemment etre integré a la societé car ils ne representent en rien un danger a la democratie. En effet, ce sont des tunisiens ordinaires qui ressentent comme tt le monde un attachement a la terre de leurs ancetres, ils ont simplement choisi une pratique un peu plus orthodoxe que la moyenne et par contre, la seule arme qu ils utilisent eux est la parole.
 
 
#6 RE: Tunisie : Le phénomène salafiste aux yeux des experts
Ecrit par Montygolikely     25-05-2013 19:39
Les salafistes sont le bras "armé" d'Ennahda, ça ne fait aucun doute, et à ce double jeu là, elle risque fort de se brûler les doigts à force de jouer avec le feu...
 
 
-2 #5 Mieux comprendre la salafisme
Ecrit par Berinoor     25-05-2013 12:34
Voici un article qui m'a mieux fait comprendre ce qu'est le salafisme:

scribd.com/doc/142487485/Stephane-Lacroix-un-specialiste-du-salafisme
 
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