Tunisie : Le parti de la majorité est-il menacé d’implosion ?

Publié le Lundi 09 Mars 2015 à 11:39
Un grave mouvement de fronde au sein de Nida Tounes. Le mouvement de la majorité n’arrive pas à exorciser les démons de la division. Nida Tounes s’est enlisé ce Week-end dans une grave crise, qui en menace la pérennité. Le fait que le parti n’ait pas organisé son congrès fondateur et que ses institutions ne soient pas élues complique la situation....

Nida Tounes qui est né dans des circonstances particulières a su rapidement créer une nouvelle donne politique, et rééquilibrer un paysage politique bancal, alors dominé par le mouvement islamiste. Le mouvement doit son ascension rapide et son passage en un temps record de l'opposition au pouvoir à son président-fondateur Béji Caïd Essebsi. Celui-ci a ratissé large, d’emblée, et mobilisé autour de lui des personnalités et des militants de différents bords politiques : rcéideistes destouriens, dirigeants de gauche, syndicalistes et indépendants. Ces personnalités que tout oppose ont un seul dénominateur commun leur foi en BCE.

De part sa nature, sa composition et les circonstances ayant entouré son avènement, le parti, sans identité politique connue,  était confronté à des secousses en succession au fur et à mesure qu’il prenait du poids sur la scène politique, et s’imposait comme force politique incontournable. Son chef était toujours là pour calmer les ardeurs des uns et des autres, et fédérer des sensibilités politiques diverses.

Avec la victoire du mouvement aux élections législatives et présidentielles, les dissensions se sont exacerbées, une guerre de dirigeants et de clans a éclaté et le parti a enchaîné les turbulences, dont celle ayant accompagné la formation du gouvernement. Mais de toutes ces crises, celle de ce week-end est la plus grave, et menace le parti d’implosion. D’autant plus que le mouvement est orphelin, livré à lui-même par son fondateur, obligé de le quitter au moment de son accession à Carthage, pour être président de tous les Tunisiens.

Déclarations et contre-déclarations

Personne ne semble en mesure, à l’heure qu’il est, d’arbitrer le conflit et concilier des positions inconciliables, avec des déclarations et des contre-déclarations entre un comité constitutif dont la légitimé est  plus que contestée, et un le camp des mécontents qui ne cesse de s’élargir, et semble sur le point de prendre le dessus. Retour sur les rebondissements de ce week-end.

L’annonce faite par Lazhar Akremi samedi de la décision d’écarter Hafedh Caïd Essebsi, Mohamed Ennaceur et Mohamed Fadhel Ben Omrane du comité constitutif, a provoqué un tollé au sein du mouvement.

Akremi a par ailleurs pointé samedi, sur Mosaïque, "une campagne de succession" au sein de Nida Tounes, en faveur de Hafedh Caïd Essebsi. "Nous connaissons ceux qui sont derrière cette campagne. Ceux qui n’ont pas obtenu des postes et qui entourent actuellement Hafedh Caïd Essebsi", selon ses dires.

Pour Akremi, "il n’y a plus de place pour Hafedh Caïd Essebsi au sein du mouvement". Tout en disant respecter Béji Caïd Essebsi, il accuse son fils "d’ourdir un complot" contre Nida.

Une soixantaine de députés, plusieurs membres du bureau exécutif et des coordinateurs régionaux ont annoncé dimanche leur décision de boycotter le comité constitutif et de ne plus reconnaître ses décisions, l’accusant d’être coupé de sa base et ses militants et de prendre ses décisions derrière les portes closes.

Khemaïs Ksila l’un des chefs de file de ce mouvement de Fronde a appelé le comité constitutif à se saborder, annonçant une réunion cette semaine du camp des mécontents pour annoncer des décisions importantes.

Aux yeux de son directeur exécutif, Boujemaâ Rmili, Nida Tounes n’est pas encore parvenu à retrouver son équilibre, avec son passage d’un parti d’opposition à un parti au pouvoir.

Rmili a imputé les conflits au sein du parti "au manque d’homogénéité entre ses dirigeants, ainsi qu’à la compétition qui les oppose pour l’accession aux postes et pour être à l’avant-garde".

Le comité constitutif a reconnu dimanche 08 mars dans un communiqué que le mouvement traverse une période transitoire sensible, appelant "les différents militants à s’attacher aux constantes et aux institutions du parti jusqu’à ce que le prochain congrès débouche sur une situation organisationnelle et politique en phase avec les exigences de la nouvelle étape".

Le comité constitutif a appelé dans le même communiqué à organiser une réunion élargie regroupant le bureau exécutif du mouvement, son bloc parlementaire, ses coordinateurs régionaux et son conseil national pour mettre en place une nouvelle feuille de route menant directement au prochain et congrès du parti. Celui-ci est initialement prévu en juin prochain, et est censé doté le mouvement au pouvoir d’une direction élue.
Gnet