Tunisie : Le Mouvement judiciaire attente au principe d’indépendance de la justice (AMT)

Publié le Jeudi 06 Septembre 2018 à 16:13
Le président de l’association des magistrats tunisiens (AMT), Anas Hamadi, a qualifié de "graves" les résultats du dernier mouvement des magistrats, pointant des "failles de forme et de fond".

Lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi 06 septembre, le président de l’AMT a déclaré que les résultats du mouvement judiciaire vont attenter au principe d’indépendance de la justice, et à la bonne marche de ce service public, a fortiori que les parcours professionnels des magistrats ont été, en majeure partie, évalués et tranchés, "sur la base de rapports secrets et d’informations glanées par certains membres du conseil".

Hamadi a évoqué "des failles de forme et de fond, qui ont fait dévier le CSM de son rôle, en tant qu’institution constitutionnelle", déplorant que celui-ci ait renoué avec "des moyens de communication, de l’époque de la dictature". 

S’agissant des failles de forme, le président de l’ATM a regretté l’annonce tardive du mouvement, un mois après la date qui lui est légalement impartie, et puis sa révélation sur les réseaux sociaux, d’une manière parcellaire, en l’absence de tout procédé officiel. Il a par ailleurs pointé "l’absence de démocratie participative", les structures représentatives des magistrats n’ayant pas été écoutées. 

Les failles ont entaché également l’Assemblée Générale du CSM, qui a continué à être marginalisée, faute de pouvoir procéder, pour la deuxième année consécutive, à un contrôle approfondi des critères du mouvement judiciaire, sur la forme et du fond, a-t-il dit. Le but d’un tel contrôle aurait été de s’assurer si ce mouvement répondait aux garanties d’indépendance de la justice et des magistrats, et aux exigences de la réforme judicaire.

S’agissant des irrégularités de fond, elles ont consisté, selon Hamadi, "à créer des vacances sur mesure pour certains magistrats en exercice au sein de l’administration centrale du ministère de la Justice, ou ceux qui l’ont quitté, outre le fait de pourvoir à des "vacances provoquées" à la direction des services judiciaires".

La finalité de créer ce type de vacance est "d’accélérer l’avancement de certains magistrats en matière de responsabilité judiciaire, en leur donnant la primauté par rapport au reste des magistrats de 3ème grade, afin d’occuper de hauts postes judiciaires à l’avenir, à l’instar de celui de premier président de la Cour de Cassation, de procureur général de la république auprès de la CC, et autres." 

Au sujet des juridictions spéciales de justice transitionnelle, le président de l’AMT a déclaré qu’elles ont été démantelées et vidées de leurs membres, avec ce dernier mouvement, dans une atteinte claire du conseil au rôle de la justice dans cette étape transitoire, ce qui induit "une ingérence politique" dans ce mouvement judiciaire, a-t-il souligné en substance.

Il a affirmé que l’AMT allait continuer à poursuivre les travaux du conseil en vue de faire face aux "dérives" au niveau des parcours professionnels des magistrats, et aura recours à l’instance d’accès à l’information et à la justice administrative, dans le cas du refus du Conseil de répondre aux demandes qui lui sont soumises.

Le Conseil supérieur de la magistrature avait annoncé le 28 août dernier le nouveau mouvement judiciaire de l’année 2018 – 2019, à l’issue de la tenue de son assemblée générale. Ce mouvement a concerné 805 magistrats qui ont été mutés, ou se sont vu accorder des postes fonctionnels ou des promotions, dont 200 attachés judiciaires qui ont été dispatchés sur différents tribunaux du pays.
 Gnet