Tunisie : Le gouvernement, l’UGTT et le barreau ont le catastrophisme en partage !

Publié le Mercredi 19 Octobre 2016 à 14:36
Chahed face à la colère de l'UGTT et des avocats. Le discours est anxiogène, le climat tendu et les lendemains incertains, c’est ce qui marque l'actualité du pays. Après avoir longtemps couvé, la maladie laisse apparaître violemment les symptômes, aucune entité, ni corps ne sont épargnés. L’élément déclencheur de cet accès de morbidité est l’approbation par le gouvernement des projets de budget et de loi de finances de 2017 qui décrètent  rigueur budgétaire,  compression des dépenses et hausse des impôts.

L’organisation syndicale, et le barreau poussent des cris d’orfraie, pointant une atteinte contre le peuple et ses couches démunies. D’autres voix indignées suivront, et la situation risque d’échapper à tout contrôle si cette fièvre contestataire n’est pas maîtrisée.

La métaphore employée ce mercredi par Youssef Chahed dans son interview à al-Chourouk participe au catastrophisme ambiant. Le chef du gouvernement compare la situation de la finance publique à une maison en feu, motivant les nouvelles mesures budgétaires par son nécessaire sauvetage. Le jeune Premier ministre, habitué aux formules choc, met en garde contre la chute du gouvernement d’union nationale. "Si le gouvernement tombe, ce sera au dessus de la tête de tous".

Chahed étaye ainsi une communication gouvernementale présentant la politique budgétaire de 2017, comme l’unique solution, voire une histoire de vie ou de mort. Un brin optimiste, Mohamed Fadhel Abdelkafi y perçoit "un début de détente des finances publiques". Son collègue de la fonction publique, le médiatisé Abid Briki, évoque "un programme de sauvetage du pays, qui requiert adhésion collective et effort commun".

La centrale syndicale, elle, rejette tout en bloc, et sort l’artillerie sémantique lourde, fustigeant pêle-mêle  des mesures alourdissant les charges des salariés, déjà victimes d’injustices, l’échec des politiques suivies, la soumission aux institutions financières internationales et l’atteinte à la souveraineté nationale. Dans un communiqué de son bureau exécutif paru lundi 17 octobre, l’UGTT lance un mot d’ordre à ses troupes et ses structures pour la mobilisation, tient le gouvernement pour responsable de toute déstabilisation sociale.

Rebelote, une énième crise point à l’horizon. Les sempiternelles tensions ayant opposé l’influente organisation syndicale aux gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution ressurgissent, et l’accord de Carthage, que l’on pensait être un gage de stabilité, est en train de tomber à l’eau.

Après l’UGTT, c’est au tour du barreau de monter au créneau, d’épingler les mesures gouvernementales, et de crier à la catastrophe. Sans plus attendre, les avocats décrètent une grève générale pour après-demain, vendredi 21 octobre, et appellent leurs structures régionales et leurs bases à la mobilisation.

L’étape du non-sens
Le pays rentre ainsi dans l’étape du non-sens, alors que la crise atteint son point le plus culminant. Agiter le spectre du conflit, et jouer la carte du pourrissement social revient ni plus, ni moins à donner les clefs du pays aux institutions financières internationales, et à le livrer en proie facile aux ennemis qui le guettent de partout.

Le temps présent ne supporte plus ni coup de force, ni bras de fer, mais sagesse et bon sens,  ni corporatisme, ni affrontement, mais solidarité et unité nationale.

Les difficultés ne sont un secret pour personne, on les a laissées empirer d’année en année, en faisant semblant de tout maîtriser grâce à l’argent de la dette. Sauf que l’endettement atteint, à ce stade, un seuil inquiétant de 62 % du PIB, et l’échéance sonne pour le remboursement de certains crédits, avec leurs intérêts. La spirale de s’endetter pour rembourser la dette, payer les salaires et couvrir les dépenses de l’Etat n’est plus tenable. C’est en fait un cercle vicieux que l’on doit remplacer par un cercle vertueux. Comment ? Par la relance des investissements, la création d’emplois, la relance de la croissance et la création des richesses. C’est le seul moyen qui permet à l’Etat de renflouer les caisses et de réduire le gap entre dépenses et recettes, et à l’économie de sortir de sa léthargie. Chose qui requiert tout naturellement stabilité et paix civile, deux préalables sérieusement mis en péril par les dernières tensions.

Que le gouvernement se soumette aux desiderata des institutions financières internationales, FMI et banque mondiale, et qu’il se résigne pieds et poings liés à leurs injonctions, correspondent à une réalité claire pour tous, et ses détracteurs n’ont plus besoin de s’en servir pour l’attaquer et le vilipender. S’il se retrouve dans pareille situation difficile, c’est en grande partie à cause du travail de sape, dont était victime l’économie nationale depuis la révolution, du manque de courage pour les réformes et des contraintes et soubresauts de la période transitoire.

Ce dernier trimestre de 2016 est celui de la dernière chance pour sauver ce qui peut l’être encore, tout en se gardant d’entretenir l’alarmisme, et ses corollaires la sinistrose, l’abattement et l’inaction. La contre-recette de ce dont le pays a, à l’heure qu’il est, besoin.

H.J.