Tunisie : Le gouvernement doit cesser de cacher la vérité au peuple !

Publié le Vendredi 24 Février 2017 à 17:41
Youssef Chahed. La Tunisie a-t-elle atteint le point de non-retour ? La crise économique est-elle en train d’empirer et de déboucher sur l’irréparable, soit la banqueroute et la cessation de paiements ? Les autorités sont-elles désormais incapables d’avoir une maîtrise de la situation, d’assainir les finances publiques, de tenir leurs promesses envers les bailleurs de fonds, particulièrement à l’égard du fonds monétaire international (FMI), qui assortit son soutien financier à la Tunisie d'une série d’injonctions dont le  parachèvement des réformes notamment des système bancaire et financier, l’assainissement des finances publiques, la réduction de l’effectif des fonctionnaires, et la baisse de la masse salariale, la jugeant avec 14% du PIB, parmi les plus élevées au monde.

Signe de son insatisfaction de l’avancement de la cadence des réformes, l’institution financière de Washington gèle le versement de la deuxième tranche de son crédit à la Tunisie, les négociations étant en cours entre les deux parties en vue d’un déblocage de la situation. Le gouvernement semble avoir du mal à convaincre le FMI de sa démarche en matière de réforme, celle préconisant souplesse et progressivité, là où le fonds exige des résultats chiffrés et immédiats.

Les rapports tendus entre la Tunisie et le FMI et l’état peu reluisant des indicateurs économiques, notamment un taux de croissance au plus bas (1%), et un taux d’endettement au plus haut, 63 % devant  atteindre les 70 %, en cette année 2017, suscitent les pronostics les plus alarmants. Les experts évoquent un état de faillite non-déclarée, une crise économique structurelle, et pire encore une entrée de la Tunisie dans la spirale grecque, sauf qu’à la différence de la Grèce pour qui l’Union européenne multiplie les plans de relance en vue de l’empêcher de sombrer, et qui, plus est une démocratie ancienne, berceau de la philosophie et de la civilisation, pays développé doté de nombreux ressorts pour rebondir ; la Tunisie est un pays sous-développé, plein de fragilités, seul et esseulé, et s’il venait à être lâché par ses principaux bailleurs de fonds et partenaires, il ne saura éviter cette chronique d’effondrement annoncé.

Le gouvernement semble aujourd’hui cacher la vérité, ou n’en révéler qu’une partie, et est taiseux sur les jugements rendus par les experts.

Le temps de l’austérité a-t-il sonné ?
La balle est dans son camp pour reprendre les choses en main et ne ménager aucun effort pour substituer au cercle vicieux de la chute, un cercle vertueux de la reprise, en tentant de freiner le creusement du déficit, l’ascension du taux de la dette, la hausse du taux d’inflation, et celui du chômage, de promouvoir les exportations, de relancer la croissance, et d’arrêter par ricochet la dévalorisation continue et sans précédent du dinar, par rapport au dollar et à l’euro, et le rétrécissement  des réserves en devises.

Le gouvernement se doit de montrer à Christine Lagarde et ses coéquipiers, aux autres institutions de crédit, à ses partenaires, et aux agences de notation que l’économie tunisienne est résiliente malgré les difficultés, qu’elle est capable de stopper ce rouleau compresseur de la dégradation, et de rebondir à travers une amélioration des indicateurs et un retour à l’équilibre.

Pour cela, le temps est en sa défaveur, et les autorités ne semblent désormais disposer que de la période de prolongation pour renverser la tendance, et éviter le pire. Tout le monde semble être d’accord que la voie de salut passe par des réformes douloureuses, et requiert des efforts et des sacrifices de la communauté nationale.

La première chose à faire est de dire la vérité, toute la vérité, au peuple, sur ce que risque le pays si les choses venaient à traîner encore, et l’agenda des réformes à être retardé. Le gouvernement est amené à se prononcer, loin de tout langage politicien et démagogique, sur les analyses faites par les experts, sur la crédibilité de leurs pronostics quant au risque de faillite et sur la vérité de l’enclenchement du scénario grec dans notre pays. Il doit aussi exposer clairement  les hypothèses d’évolution possible du pays, et dire, sans ambages, si la situation est rattrapable ou pas, et à quelle condition.

Lors de son discours devant l’ARP pendant la plénière de vote de confiance, le 26 août 2016, Chahed avait évoqué l’éventualité qu’une politique d’austérité soit décrétée en Tunisie, si rien n’est fait. Apparemment pas grand-chose n’a été faite, du moins aux yeux du FMI, dont est tributaire, dans la conjoncture actuelle, la santé budgétaire du pays. Le temps de l’austérité a-t-il sonné ? Si oui, qu’est-ce que cela impliquerait ? Et si non, quelle est l’alternative préconisée ?

H.J.