Tunisie : Le Front de salut renaît de ses cendres pour conquérir le pouvoir

Publié le Lundi 03 Avril 2017 à 17:50
Le Front de Salut et du Progrès lancé le dimanche 02 avril 2017 à Tunis. Le Front de salut renaît de ses cendres, suite à une alliance entre formations politiques, que tout ou presque sépare, mais qu’un seul élément unit : le rejet et l’opposition à Ennahdha. Le but est de rééquilibrer le paysage politique dominé par le mouvement islamiste, et d’assurer l’alternance à travers une conquête du pouvoir.

A la différence de l’offre politique de 2013, née en pleine crise politique ayant failli mener la Tunisie à une guerre civile, la nouvelle coalition politique rassemble des composantes politiques autres, quoique descendant de la même lignée, soit principalement Machrou3 Tounes de Mohsen Marzouk, un dissident de Nidaa, les frondeurs de Nidaa menés par Ridha Belhaj, l’UPL de Slim Riahi qui s’est rangée derrière l’opposition dès lors qu’il n’a pas réussi à rejoindre le gouvernement d’union nationale, et le parti socialiste de Mohamed Kilani.

Un panorama, à la fois semblable et dissemblable, de Jabhat al-Inkadh de 2013, alors réuni autour de Nidaa Tounes de Béji Caïd Essebsi, du Front populaire de Hamma Hammami, d’al-Joumhouri, d'al-Massar et bien d’autres partis, instigateurs du Sit-in du Bardo.

Le nouveau front apporte-t-il aussi un changement sémantique, en s’accolant le terme Progrès, dans une tentative affichée d’affirmer la ligne de fracture avec Ennahdha, accusé d’avoir un projet "réactionnaire et rétrograde".

La coalition de 2017, comme celle de 2013, rassemble des partis de différentes obédiences idéologiques et appartenances politiques allant de la droite à la gauche, et s’assigne comme finalité ultime de gagner les prochaines élections locales et nationales, d'accéder aux responsabilités et de gouverner. Avec dans son viseur, d’abord, les municipales du 17 décembre 2017, et ensuite la présidentielle et les législatives de 2019.

La nouvelle coalition affiche son ouverture à d’autres formations politiques, partageant les mêmes orientations et principes, et qui cherchent à battre le mouvement islamiste dans les urnes. Elle aura ainsi à cœur de rééditer la réussite de 2013. Le FSN était alors parvenu à évincer le mouvement de Rached Ghannouchi du pouvoir, dans des circonstances tragiques de l’époque marquées par les assassinats politiques et les attaques terroristes. Celui d’aujourd’hui, ressuscité quatre ans après, se fixe comme priorité de présenter le contre-projet d’Ennahdha, accusé de dominer le paysage politique, avec sa majorité au parlement, et sa solidité interne qui fait qu’il soit épargné des dissensions fréquentes au sein d’autres formations politiques. 

La stratégie de la nouvelle coalition semble aussi claire que sa cible d’attaque. Elle s’apparentera, à quelques différences près, à celles de 2013 et de 2014, en remettant au goût du jour le clivage islamiste/laïc, conservateur/progressiste.  Un discours qui sera amené à s’adapter à son évolution, à ses éventuels nouveaux ralliements, au calendrier des élections et aux exigences de la conjoncture politique.

Il n’est pas étonnant de la voir s’élargir à des formations politiques comme Afek Tounes, Nidaa tounes (camp de Hafedh Caïd Essebsi)..., une fois que la politique du consensus aura été rompue. Face à une telle donne, Ennahdha serait amené à  nouer  de nouvelles alliances, en prospectant le terrain du côté des amis d’hier, pourquoi pas Moncef Marzouki qui garderait, selon les sondages, une côte de popularité non-négligeable.

Si tout cela se fait selon les règles du jeu démocratique, avec des projets et des idées qui s’affrontent dans les urnes, il n’y a pas de mal. Mais, si ce clivage dérape et dégénère en affrontement, mû par une volonté d’éradication et d’exclusion, cela risque d'éveiller les démons de la division, somme toute, fatals pour un pays dans un état de si grande fragilité.
H.J.